IX

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     " Pendant deux jours et deux nuits, Buck ne s'éloigna pas une seule fois du camp, ne quitta pas un instant Thornton des yeux. Il le suivait au travail, l'observait pendant qu'il mangeait, assistait à l'opération lorsqu'il se glissait le soir dans ses couvertures ou qu'il en sortait le matin. Mais au bout de deux jours l'appel commença à retentir dans la forêt, plus impérieux que jamais."

La chambre dans laquelle Kate séjournait était l'ancienne chambre de son père avant elle. Au dernier étage de la maison en briques, un ancien grenier aménagé avec soins par Mr. Krakauer quand la vigueur de l'âge jeune le lui permettait. Il y avait une petite banquette soutenant un large coussin lui même recouvert d'un drap en laine des mêmes couleurs que les feuilles d'automnes. Robert Krakauer, le père de Kate était l'homme qui lui avait transmit sa passion pour Jack London, les mushers et leurs chiens, les grandes étendues sauvages de l'extrême nord.

C'est cette pulsion presque viscérale, "l'appel de la forêt" comme le qualifiait London pour Buck qui avait poussé Robert Krakauer à partir en mission dans le Yukon, Kate aurait pu lui en vouloir de l'abandonné mais elle était bien trop gentille pour cela, bien au contraire, elle fantasmait le jour où elle pourrait aller le retrouver, commencer sa "vraie vie" comme elle la qualifiée.

Tout devait être simple, passer une année à Welton y étudier avec son grand-père, intégrer une université, y être diplômée et partir. 

Mais tout était si difficile depuis sa rencontre avec Neil, Charlie, les autres garçons et même Mr. Keating, elle se retrouvait à vivre ce qu'elle redoutait, à perdre l'envie de partir. Son "appel de la forêt" à elle était désormais de rejoindre ses amis dans cette vieille grotte indienne et non pas, du moins non plus de rester cloitrer chez elle attendant sagement d'être diplômée.

Elle se mordillait le pousse, assise sur cette fameuse banquette orangé près de cette fenêtre où autre fois son père se trouvait. Elle relisait une énième fois London, y trouvant une nouvelle manière de comprendre l'oeuvre. Elle tendait l'oreille depuis de longues minutes, regardant soucieusement la nuit noir recouvrir le crépuscule dorée. Enfin, elle entendit les marches craquées sous les pas lourds de Mr. Krakauer s'approchant de la porte de sa chambre. Elle y vit sa silhouette sous la porte, avant de le voir entrer.

- Je vais me coucher Catherine, avez-vous besoins de quelque chose ? Lui demanda le grand-père, adossé à l'encadrement de la porte en bois massif.

La jeune femme, refermant son livre répondit par un signe de tête en pincent ses lèvres.

- Quelle lecture ? Lui demanda Mr. Krakauer.

- London grand-père.

Le vieux monsieur s'approcha tendrement de sa petite-fille, déposant sa grande main sur son épaule.

- Vous ne changerez donc jamais. Lui répondit-il, ricanant gentillement.

Il se retourna, marchant douloureusement quelques pas avant de poser sa main sur la poignée ronde.

- Ne veillez pas trop tard Catherine.

- Vous me connaissez grand-père, j'ai du mal à m'arrêter.

Il lui offrit ce sourire si chaleureux que seule Kate avait la chance d'avoir.

- Bonne nuit.

L'homme qui semblait se retourner s'arrêta, réfléchissant.

- Pardonnez moi pour la dernière fois, avec Mr. Keating, vous avez toute ma confiance je n'aurais pas du réagir de cette manière. Rajouta t-il, la voix rauque.

La jeune femme lui offrit un sourire et un regard plus expressif que tous les mots du monde.

- Bonne nuit grand-père. Termina t-elle, le voyant disparaitre et la lumière du pallier s'éteindre.

Ô my captain - Neil Perry.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant