VI

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Elle dort profondément, son corps en apesanteur. Plus rien ne la fait souffrir ici, au milieu des nuages. Elle se sent si bien... Qu'elle en rêve. La première fois depuis des mois, des années. Elle sent une douce chaleur l'envelopper dans ses songes, les rendant si confortables. Plus attirants aussi.

C'est lumineux, des rayons de soleil paresseux éclairent la scène pour la rendre plus belle. Irréelle.
Elle s'exprime, des bruits étrangers qu'elle prend tout d'abord pour un gémissement. Avant de comprendre qu'elle rit. Elle rit de bonheur, son cœur bat fort, ses poumons sont grands ouverts. Elle rit à s'en faire mal aux côtes. Elle rit en concert avec d'autre mélodies. Car elle n'est pas seule et c'est peut être cela qui la rend aussi heureuse. Elle est entourée de sa famille, ses proches, même des inconnus lui sourient. Et elle n'a pas peur. Elle ne craint rien d'eux, ils ne lui veulent aucun mal. Regardez ces sourires voyons, ils n'ont rien de mal intentionnés !

C'est idiot à quel point elle se sent légère, comme si elle volait. Elle flotte d'insouciance. C'est beau, ça la rapproche des sommets. Elle en a l'impression en tout cas.
Les étreintes de sa mère dont l'odeur la ferait somnoler de sérénité. Les baisers rugueux de son père, une touche sur la joue rendant la scène d'autant plus réelle qu'onirique. Les taquineries avec ses amis, achevant son envol en créant une brise légère.

Elle sent qu'elle pourrait pleurer si elle ne flottait pas autant. Si elle était encrée dans cette scène. Mais son détachement involontaire la rend étrangère à tout cela. Pas assez pour qu'elle ne ressente aucune joie, trop pour qu'elle en soit actrice.

Elle pourrait presque s'en trouver frustrée. Car elle ne comprend pas pourquoi elle se trouve incapable de plonger dans cette scène. Elle veut rester ici pour toujours, et peu importe si c'est un rêve parce qu'ici elle ne souffre plus. Laissez la les yeux fermés, son cœur froid se retrouve enfin apaisé.
Mais elle sent les rappels de la vie réelle quelques fois, comme une ombre lointaine. Les touches au milieu de son rêves. Son bras est pris, on la pique, entaille et recoud mais elle voudrait leur dire de tout arrêter. Sauf qu'elle ne le fait pas. Elle n'a pas la force d'ouvrir les yeux, ni l'envie.

Le nuage se dissipe peu à peu et le temps se couvre pour elle. Son illusion fond lentement et les bruits du monde extérieurs l'appellent. Elle fait tout pour ne pas leur répondre mais son corps, le traître, ne semble pas écouter son esprit.
Tout se fait plus sombre et bientôt elle ne voit plus rien. Elle est dans le noir, oppressant et tristement vrai.
Le coton se transforme en une couche dure est inconfortable. La sensation de ses membres douloureux lui revient peu à peu. Un goût pâteux coincé au fond de sa bouche fini de l'éveiller. Et dès qu'elle esquisse un mouvement de paupière une lame enflammée lui transperce le crâne. Un gémissement, un vrai cette fois, sort de sa bouche.

Elle s'habitue peu à peu ses yeux à la luminosité de la pièce, puis se relève. C'est douloureux. Une vive douleur la lance au niveau du côté droit de son ventre. Elle a l'impression que ses bras sont en plomb et ses muscles en coton. Sa tête se met à raisonner dès qu'elle la bouge.
Mais c'est bon. Au bout d'un temps de réveil et d'adaptation elle se sent mieux. Juste les répercussions de son crash. Dont les souvenirs sont plutôt flous d'ailleurs.
Une vague image, sa monoplace lancée à une vitesse folle incapable de s'arrêter, roulant sur la jante, des étincelles, et le mur se rapprochant dangereusement de son visage. Puis le coup, le seul encore marqué dans son esprit, et elle continuant à tourner encore et encore, impossible de s'arrêter. Une vive douleur à son ventre, et sa combinaison qui devient humide et chaude. Sauf que dans la folie de l'instant elle ne peut rien voir d'autre que du rouge.
Elle ne se souvient pas d'avoir senti sa monoplace se stopper. Sûrement c'est t-elle évanouie avant...

Bas, des mauvais souvenirs à chasser. Cela fait partie des risques du métier et elle a l'air de s'en être vraiment bien sortie contenu du choc. A moins que sa vision ne soit faussée, le crash qu'un accident bénin. Il faudra qu'elle regarde les images ou demande d'autres pilotes. Anthony par ex-
Mais... Oh.
Oui c'est vrai, elle avait oublié. La réalité semble dater d'une éternité pour elle.
Elle est seule ici. Elle n'a laissé personne rester à ses côtés, à préféré s'enfermer loin de tout. Elle ne rit pas, ne ressent pas de douce brise. Elle meurt de froid ou étouffe dans sa monoplace. Elle ne ressent rien d'autre. Le son du moteur de sa voiture et le silence, les seuls bruits qu'elle entend. Et elle ne prend que rarement la parole, encore moins pour rire.

Course en rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant