Mes mains tremblent alors que je tente de stopper l'hémorragie. Il semble ailleurs et ne répond plus à mes supplications. Mes larmes inondent mes joues meurtries par le froid glacial. Ma peau pâle se mélange parfaitement avec la neige et la forêt qui nous entourent. Je tente une dernière fois de le ramener à la réalité.
— Reste avec moi, ne t'endors pas !
Il tousse bruyamment avant de cracher du liquide rouge. Je ne peux pas le laisser partir, il en est hors de question. Pas après tout ce que j'ai sacrifié pour lui, ma famille, mes amis, ma vie. Il ne peut pas mourir, pas ici, pas comme ça. Je tente de maintenir la pression pendant que le sang s'échappe et fait fondre la poudreuse sur laquelle il gît. Les palpitations de mon cœur m'empêchent de réfléchir correctement. Je suis interne en chirurgie, je devrais être capable de garder la tête froide, mais je ne peux me retenir de trembler. L'air glacé, la faim, la peur me prennent en otage. Bobby observe la vie quitter le corps de son ami, impuissant. James tient fermement son fusil en direction des coups de feu qui retentissent de plus en plus fort. L'ennemi se rapproche de notre position. Je l'observe du coin de l'œil, exténuée.
— Où est Paul ? Où est cette fichue voiture ! J'ai besoin de l'évacuer ! MAINTENANT !
— Adélaïde, ils ne vont plus tarder.
— L'histoire se répète.
Je laisse échapper cette confession de ma bouche. Personne ne relève. Ils sont trop occupés par leurs propres inquiétudes. Je repère une paire de bottes enfouies dans la neige et une illumination surgit de mon esprit.
— Bobby !
Il sursaute, sortant de sa rêverie.
— Il y a un cadavre là-bas !
Je lui montre l'endroit du doigt.
— Va voir et dis-moi qu'il a sa trousse de secours sur lui. C'est mon seul espoir, m'écrié-je, le cœur serré.
— OUI !
Bobby sautille de joie et de soulagement en venant vers moi avec une petite sacoche, un miracle. Je la saisis fébrilement et l'ouvre délicatement. Je déchire le sachet avec la bouche et verse le sulfamide en poudre sur la plaie ouverte. Je saisis ensuite la morphine pour lui en administrer directement et applique un pansement stérile sur sa blessure. Il pousse un soupir avant de lever la tête dans ma direction.
— Merci, Adie.
— Chut ! Garde tes forces pour rester éveillé.
— OBUS !
Je me jette sur le corps de mon compagnon pour le protéger. James et Bobby se planquent dans un trou situé à deux mètres. Je ne réfléchis plus. Je sens la terre trembler, la poussière m'avaler. Mais je ne bougerai pas. Je ne peux pas le laisser ici. Il marmonne quelque chose que je ne comprends pas. Le bruit des obus retentissant à côté de nous m'empêche d'entendre sa voix. Je ferme les yeux aussi fort que je le peux. J'ai peur de mourir ici, loin de tout. Pour un combat qui n'est pas le mien. Les détonations cessent et James revient vers moi s'assurer que nous allons bien.
— Où est cette voiture ?
— Je vais avec Bobby en éclaireur, m'annonce James, tendu, peut-être qu'ils ne sont pas loin. Je peux te laisser ici ?
— Oui, ne t'inquiète pas pour nous. Dépêche-toi, je t'en supplie. Ne reviens pas sans la voiture. Je dois le déplacer et l'opérer dans l'heure...
Il hoche la tête, m'embrasse le front et part se mêler aux arbres. Je lâche un soupir en enlevant la poussière sur mon visage avec mon bras. Mon compagnon me regarde, apeuré, et commence à me réprimander.
— Je t'avais dit de ne pas venir, Adie ! Ce n'est pas la place d'une femme ! Tu vas mourir ici, avec moi, dans cette forêt. Pourquoi es-tu venue ? Pars maintenant. Laisse-moi ici !
— Jamais ! Je préfère mourir avec toi que de vivre en te laissant périr ici !
— Que tu es bornée, Adie !
Je voulais lui répondre, mais une voix au loin m'attire et me tétanise. Cette dernière n'est pas un signe de bon augure...
— Wer ist hier ? 1
Je plaque ma main sur la bouche de mon amant et lui fais signe de se taire. Je le recouvre de neige et de branches rapidement afin que l'ennemi ne puisse pas le trouver et le tuer. Il me regarde en serrant les dents de douleur avant de me donner son fusil.
— Prends-le. Tu sais t'en servir ?
Je tremble et réponds par la négative, apeurée. J'ai déjà dû utiliser une arme, mais pas un fusil. Il souffle, et la voix du soldat se fait entendre une seconde fois, sauf que cette fois-ci, je l'aperçois s'approcher. Je prends le fusil, termine de le recouvrir et avant de cacher son visage avec une branche, je l'embrasse. On dirait un baiser d'adieu. Je pleure et lui demande d'une voix enrouée.
— Ne fais pas de bruit, reste en vie. Je t'aime.
Il voudrait me répondre, mais je ne lui en laisse pas le temps. Je me mets à courir pendant que l'ennemi sursaute, tend son fusil dans ma direction et tire. Je vais mourir ici.
1) Qui est ici ?
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Le Médaillon aux trois vies ( Sous contrat d'édition)
RomanceEt si ? Et si votre grand-mère vous léguait un médaillon qui vous permet de sauver trois vies dans l'histoire ? Trois inconnus , trois destins tragiques, trois morts qui auraient pu être évités. Et si elle vous fait promettre de sauver une vie car...