Chapitre 8

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Louisa me tend mon sac fébrile, et m'embrasse sur la joue. Je la serre dans mes bras, cela sonne comme un adieu à mon oreille. Si mon ancienne temporalité n'existe plus, alors rien ne me raccroche à mon ancienne vie. Qui sait qui a survécu ? Et un monde où ma mère et ma sœur ne sont plus, ne me donne en aucun cas l'envie d'y rester.

Je culpabilise tellement, mais le pire c'est que j'en veux à ma grand-mère. Comment a-t-elle pu mettre en danger sa fille pour sauver Nate ? Elle ne le connaissait même pas ! Je m'en veux d'avoir pensé cela. Elle voulait lui sauver la vie... Mais si j'avais su ce qui allait arriver, l'aurais-je fait ? Tant de pensées contradictoires me traversent, me harcèlent dans les tréfonds de mon âme à me rendre folle. Comme si Louisa le devinait, elle me console du mieux qu'elle le peut.

_ Ne te morfonds pas. Tu vas retourner là-bas et sauver la vie de Nate. Tu aviseras ensuite. Tu viendras me voir et on trouvera une solution, elle tente de rester positive, je te le promets.

Si elle est encore là à mon retour... Comme si elle devinait ce qui me traverse l'esprit, elle rajoute gentiment en me serrant dans ses bras.

_ Sauve-lui la vie et on verra ensuite. Fais bien attention à toi.

Une fois devant l'endroit où je me suis rendue la première fois, je recommence le protocole. Je patiente et au moment où je compte abandonner et retourner à la voiture, je sens de nouveau la sensation que j'ai ressentie. Je finis par sombrer pour repartir dans les entrailles du débarquement...

***

7 juin 1944, Bayeux.

Je me réveille à ma grande surprise dans une grande salle, remplie de personnes recouvertes de sang. Le temps que mes yeux parcourent la pièce, je ne mets que quelques secondes à comprendre que je suis de nouveau en temps de guerre. Les médecins et les infirmières se hâtent de secourir les blessés qui arrivent en très grand nombre. Je me redresse rapidement quand un soldat arrive à mon niveau, une jambe en moins.

_ Prenez ma place, je me lève rapidement en me collant au mur.

Les infirmières le positionnent et tentent de contenir l'hémorragie, elles attendent qu'un médecin vienne au plus vite pour l'opérer.

Je prends mon sac, et je pars à la recherche d'une personne qui aurait le temps de me renseigner, quand je suis interrompue par un soldat ensanglanté.

_ Vous êtes infirmière ?

_ En quelque sorte, dis-je hésitante, vous avez besoin d'aide ?

Je lui touche du bout des doigts sa plaie au front quand il me rejette brusquement.

_ Pas moi ! Mon lieutenant a pris un éclat d'obus. Il a besoin d'aide !

Il n'attend pas que je réponde et me tire à l'extérieur pour me montrer une Jeep. Je vois le fameux lieutenant gisant dans son sang. Il est maintenu par deux soldats. Je reste quelques secondes, hébétée avant de reprendre mes esprits. Je ne peux pas le laisser mourir ! Je ne dois pas changer le cours de l'histoire, aussi, je tente de me certifier qu'une autre infirmière aurait pu prendre le relai et le sauver...

_ Allez me chercher de l'alcool ! Et une bassine d'eau chaude !

Le soldat part chercher le nécessaire, tandis que je monte à l'arrière pour prendre la mesure des blessures du lieutenant. Parfois, il faut savoir écouter son instinct, et même si je le regretterai peut-être plus tard, je dois suivre mon cœur. De toute façon, j'ai déjà changé ma temporalité en perdant ma sœur et ma mère, cela ne peut pas être pire. Ça doit faire un moment que je m'acharne à tenter de sauver sa jambe. J'ai réussi à stopper l'hémorragie, mais je ne pense pas qu'il puisse un jour de nouveau marcher avec celle-ci. Les nerfs sont touchés. Je parviens à le maintenir dans un état stable et demande aux soldats qui l'accompagnent, de l'amener à l'intérieur. Un chirurgien m'interpelle.

Le Médaillon aux trois vies ( Sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant