Chapitre 10

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Nate, La Fière, 9 juin 1944.

J'ai en tête les éléments que m'a déblatérés Adie, dans un discours totalement incohérent. Et pourtant, pour le moment, tout se révèle exact. J'ai trouvé la mine dont elle me parlait, j'ai pu alerter les officiers qui vont prévenir les chars et empêcher que celui-ci explose. Je n'arrive pas à la cerner, à comprendre ses motivations, son objectif. Elle ne nous connaît pas, et on dirait qu'elle est prête à mourir pour mon unité. C'est totalement inconcevable. Je regrette une partie de notre échange, notamment de l'avoir prise pour une espionne, mais comment justifier une attitude pareille ? Je me suis promis de m'excuser si jamais j'en sors vivant. Là encore, ce serait un miracle. Comme Adie l'avait prédit, mon escouade est la seule à entrer dans les lignes ennemies. Bobby et James viennent à ma hauteur, essoufflés.

_ On commence à être à court de munitions !

_ Ici aussi, dis-je calmement en rechargeant.

_ Pourquoi on reste ici ! Putain, on devrait avancer !

_ Non ! On reste derrière la haie. L'ennemi va nous encercler si nous continuions à avancer.

Ma voix est cassante, je me dois de respecter le plan de Adie. James me regarde comme si j'étais fou, moi je me contente de croire que je suis idiot, un imbécile qui a peur que Adie ait raison. Et s'il y a cinq pour cent de chance que ce soit le cas, je dois prendre le risque. Je ne peux pas faire avancer mes hommes si cela signifie de les mettre en danger, enfin plus, que notre position derrière cette putain de haie. Un soldat approche et me hurle :

_ Sergent ! Un message radio du Major Sanford !

J'attrape la radio en grimaçant, attentif à mon environnement. Je baisse la tête pour éviter les rafales venant dans ma direction.

_ Oui Major ?

_ MAIS OU ÊTES-VOUS ? Mes gars sont sous les feux ennemis et on ne vous voit pas !

_ On est situé dans les lignes ennemies, à l'ouest, derrière une haie. On ne peut pas avancer, les Allemands sont trop nombreux et risquent de nous encercler !

_ Putain de merde ! crache-t-il énervé. Bon, pensez-vous pouvoir établir une tête de pont pour qu'on puisse avancer ?

_ Oui, je pense qu'on peut sécuriser notre position et ne plus reculer face à l'ennemi.

_ Alors, accrochez-vous ! On est de l'autre côté et on tente d'en établir une ici également. Les renforts ne tarderont pas. J'ai entendu dire que les Chars sont sur le point de venir !

_ Très bien ! Mais je suis à court de munitions !

_ Tout comme nous ! Tenez bon Sergent !

Je redonne la radio au soldat en lâchant un flot d'insultes, mes hommes attendent de connaître les ordres. Le moral commence à être bas. Notre Capitaine a été blessé et nous ne savons pas si les deux soldats que nous avons envoyés ont pu le mettre en sécurité. Le problème c'est qu'en attendant, c'est moi le premier sergent et mes hommes comptent sur moi pour voir le soleil se lever demain matin. Ma ville me manque, ma vie d'avant, également. J'aurais tout donné pour être dans mon jardin avec mon frère en train de parler de choses légères. Mais je suis là, et lui, il est ici, quelque part dans son unité à se battre également. Je continue d'aboyer des ordres, de tirer sur les soldats ennemis qui approchent et tentent offensive sur offensive. Mais nous tiendrons bon. Nous ne lâcherons pas. James mitraille nos ennemis et lâche un soupir après qu'une balle lui siffle au visage :

_ Putain ! J'ai eu de la chance, bon Nate, je ne veux pas la jouer dramatique, mais il y a un connard de Tigre qui approche.

_ Stoppez les tirs !

Le Médaillon aux trois vies ( Sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant