Chapitre 57: La signification de tout va bien

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PDV Karol

La journée a mal commencé et apparemment, la vie à décider qu'elle devait se terminer de la même manière.

Cela fait maintenant une heure que je suis assise dans mon canapé, en boule à essayer d'arrêter de pleurer, de trembler et de stopper les pensées qui tournent dans ma tête.

Tout a commencé quand Lenni et moi sommes rentrés des répétitions, il a bien sûr remarqué mes douleurs pendant l'entraînement et m'a questionné.

J'ai tenté d'éviter la question et cela n'a fait que l'inquiéter davantage. Comble de malchance, il a remarqué les débris dans ma poubelle et les torchons plein de sang, ce qui a provoqué une dispute lunaire, ou chacun avançait des arguments qui n'avaient aucun sens.

J'ai fini par lui dire que je ne voulais pas en parler, que je souhaitais juste oublier en hurlant et comprenant que ça avait un lien avec mes cauchemars, il a finalement laissé tomber. À ce moment-là, je pensais que c'était bon, que la soirée allait peut-être finir d'une belle façon, mais j'avais tort.

Pendant qu'on mangeait, Lenni a parlé de Ruggero, ce qui a eu pour effet de me faire recracher la moitié de mon verre sur la table. Surpris, il m'a demandé si ça allait et j'ai essayé de répondre de manière crédible que j'avais avalée de travers. J'espérais qu'il allait changer de discussion et me laisser parler de ce fameux sujet qui me hante depuis des semaines, mais au lieu de cela, il a continué sur sa lancée et m'a dit qu'il avait trouvé adorable sa façon de me soutenir, de me protéger et qu'il ne comprenait pas pourquoi j'avais l'air si distante avec lui.

Cette fois-ci, c'est ma cuillère de riz qui a finis éparpillé sur la table et Lenni à enfin remarquer que ce sujet était problématique.

Il m'a évidemment questionné et j'ai profité de l'occasion pour lui parler, c'était maintenant ou jamais alors j'ai avoué la vérité : Ruggero et moi, nous étions embrassés il y a plusieurs jours. Je n'arrivais pas à supporter la situation et je souffrais énormément, j'étais perdue et angoissé de lui faire du mal.

À mon grand étonnement et contrairement à ce que je pensais, il n'a eu l'air ni étonné, ni énervé, seulement surpris que je ne lui en ai pas parlé.

Je sais que Lenni est une personne très conciliante et gentille, mais sur ce coup, sa réaction m'a prise de cours. J'ai essayé de lui expliquer la situation pour me justifier, ce qui était, je l'avoue la pire idée, mais sa seule réponse était : ce n'est pas grave.

Très vite, cela m'a énervé et j'ai fini par lui crier dessus en lui demandant comment il pouvait en avoir autant rien à foutre ?

Égoïstement, j'avais besoin qu'il crie, qu'il m'en veuille, car cette situation me faisait souffrir depuis des semaines.
Je ne savais plus où j'en étais, j'étais paniquée et lui, il réagissait comme si tout était normal.

Je pensais avoir pris beaucoup de claques ces derniers temps, mais pour être franche, celle que Lenni m'a mise avec sa réponse dépasse largement tout le reste. Calmement, il s'est approché de moi et a pris mon menton entre ses doigts avant de faire d'une traite, d'un ton apaisant et doux, un discours digne d'un homme de 45 ans.

Lenni: J'ai toujours su, dès que je t'ai rencontré que Ruggero était dans ton cœur, ça se voyait au premier coup d'œil.

Je n'ai jamais osé espérer que notre relation continue après ton retour à Buenos Aires. Je savais que tu allais revenir vers Ruggero et je ne voulais pas que tu souffres de la situation.

J'aurai dû mettre fin à tout ça avant ton départ, mais tu semblais si confiante, si heureuse que je me suis surpris à rêver de pouvoir rester à tes côtés.

J'ai réalisé que Ruggero avait repris sa place à tes côtés quand j'ai vu les concerts, il était si attentif, si protecteur. Puis il y a eu la fois où tu t'es blessé au téléphone, il était là à tes côtés et j'ai réalisé que notre couple allait se finir. Tu avais tellement de souffrance dans ta voix quand tu m'appelais et dès que je prononçais son nom, tu paraissais perdue. La situation te faisait du mal et c'est tout ce que je voulais éviter.

Je ne suis pas en colère contre toi, car je sais que ton but n'était pas de me faire souffrir et je sais à quel point l'honnêteté est importante pour toi. Oui, j'aurais aimé que tu me le dises ou que tu attendes que l'on ne soit plus ensemble, mais je comprends et je ne suis, en aucun cas, blessé ou en colère.

Je suis désolé Karol, mais je pense que c'est mieux que l'on s'arrête ici, afin d'éviter de se faire du mal, l'un et l'autre. Je sais que tu n'as jamais fait semblant, tu m'as toujours dit qu'il avait une place spéciale. Je te remercie d'avoir été présente dans ma vie, mais ton bonheur n'est plus auprès de moi. Je suis désolé, je t'aime.

Il a fini sa phrase par un baiser sur mon front avant de se rendre dans la chambre d'ami, à ce moment-là mon cœur ne battait déjà plus et j'ai éclaté en sanglots.

J'étais touché par sa gentillesse et sa douceur et en même temps, écrasé par la culpabilité et la tristesse. Mon couple avec Lenni était une parenthèse de bonheur après mon accident, un rêve que j'espérais éternel et je m'en voulais de l'avoir interrompu.

Oui, j'aimais Ruggero et il n'y avait aucun doute là-dessus, mais les événements de notre première fois ensemble restent gravés dans ma mémoire et le fait d'imaginer retourner avec lui me terrifie. Ça fait tellement longtemps que l'on se bat contre ses sentiments, qu'on ment aux gens ainsi qu'à nous-même pour se protéger, qu'on s'engueule, qu'on s'aime avant de finir par se déchirer.

Je ne suis pas convaincu d'être capable de l'aimer au grand jour. Ma santé est si fragile et Ruggero est si inquiet. L'idée de le bloquer dans ce cercle de souffrance une deuxième fois me paralyse.

Je m'en veux tellement de pensée ça, car je rêve depuis si longtemps d'être libre de l'aimer puis, maintenant que j'en ai la possibilité, que plus rien ne nous empêche d'être heureux, je suis effrayé et indécise.

Tout a toujours été si compliqué, des milliers de personnes nous ont jugé, insulté et ont donné leur avis sur nos vies sans aucune gêne. La plupart croient que je ne suis qu'une allumeuse, une garce qui s'amuse et qui a détruit un couple, je n'ose même pas imaginer ce qu'ils vont penser si Ruggero et moi, nous mettons en couple.

Cande et Ruggero ne sont plus ensemble, mais pour une raison que j'ignore, il a décidé de ne pas m'en parler. Il a certainement pensé que me le dire maintenant allait me blesser, que la présence de Lenni l'en empêchait ou alors, comme d'habitude, il a voulu me protéger.

Me protéger, j'ai entendu cette phrase tellement de fois ces derniers mois, c'est avec l'envie de le protéger à mon tour que je me suis perdu dans les médicaments et que j'ai eu mon accident. Cande m'a dit un jour " l'amour ne suffit pas toujours" et je me rends compte que c'est peut-être vrai. La relation de Ruggero et moi, depuis que nos sentiments ont commencé, est une succession de souffrance et de mensonge, pourtant, comme des aimants, on est attiré l'un vers l'autre inlassablement.

La vraie question, c'est s'il y a un jour une possibilité pour nous d'être heureux ensemble ou si nous sommes condamnés à nous détruire.

Lassé par mes pensées et pour me défouler, j'attrape un coussin et le balance à travers l'appartement. Toujours pas calmer, j'en attrape un autre puis un autre pour finir par désosser le canapé et briser au passage plusieurs tasses ainsi que des décorations.

Lenni, certainement dérangé par le bruit, sort en trombe de la chambre et me retrouve en boule sur le canapé et en larme. Sans un mot, il m'enveloppe dans ses bras et me porte dans ma chambre en me promettant que tout allé bien aller.

Au fond de moi, je veux y croire, mais franchement, je ne suis pas sûr d'encore savoir ce que signifie "tout va bien".

Entre amour et haine #RuggarolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant