Le projet

236 14 0
                                    



Ophélie bénit son animisme qui l'aidait à ranger plus rapidement le contenu des caisses de stockage. Elle ne comprenait pas comment Emilio pouvait les laisser ainsi. Il ne les fabriquait pas lui-même. Ce matin-là, une nouvelle caisse avait été livrée. Heureusement pour Ophélie, elle ne faisait pas partie de l'arrangement. Quelle sorte de fabricant livrait des pièces si précises dans des caisses sans aucune protection ? Perplexe Ophélie tenta de se convaincre que ce mystère n'était pas résoudre. Elle avait déjà bien trop à faire. Arc de pied. Bout de phalange. Lien de cuir. Attache de genou. Applique souple de nez. Bille de verre pour les yeux. Elle triait sans réfléchir, énumérant ces trouvailles, remerciant les tiroirs de s'ouvrir par eux-même sans qu'elle ai besoin de les chercher. Elle se sentait chanceuse, ils avaient tous un caractère studieux et exemplaire. Elle passa donc sa journée à énumérer les pièces et dire merci.

Deux caisses de vide. Encore trois jours et trois caisses. Exténuée, Ophélie s'assit avant de rentrer. Elle sortit de sa poche la photo de Thorn, son visage griffé, son air sérieux, ses yeux comme des lames glacées. Elle prit ensuite son carnet et se mit à griffonner dessus. Des pièces différentes. Toutes pour son visage à lui. Ce projet là, elle devait le mener comme plusieurs. Rester discrète sur son objectif. Un nez pour un homme du Pôle. Un œil pour un abîmé de la Bonne Famille. Une bouche pour une femme extrêmement moche d'Anima. Elle lista les besoins, elle dessina des visages autour du visage de Thorn. S'étonnant de sa capacité à multiplié les visages.

Son vrai souci était les mesures. Comment pouvait-elle savoir exactement ?

Il devait les connaître par cœur lui, ses mensurations, jusqu'aux millimètre près de ses narines. Elle rangea son carnet dans son sac et sortit de la réserve. Emilio n'était pas dans le magasin. Partir en laissant la boutique ainsi lui parut inapproprié. Elle attendit donc, derrière le comptoir qu'Emilio daigne apparaître.


La porte s'ouvrit dans un grand Gling et Ophélie sursauta. Quittant le sommeil qui l'avait envahi, elle replaça ses lunettes sur son nez et fût soulagée de voir la silhouette bonhomme d'Emilio.

-Que faites-vous encore là ?

-Je veillais votre retour.

-Vous me surveillez ? s'étrangla l'homme.

-Absolument pas. Je pensais qu'il serait déplacé de partir en laissant la boutique ouverte sans personne à l'intérieur.

-Ah très bien. Puisque vous êtes encore là, suivez-moi.

Le visage rond d'Emilio semblait usé et fatigué. Même la colère n'arrivait pas à marquer ses traits. Ses yeux ronds paraissaient minuscules, sa bouche pincée faisait rentrer ses joues et ses sourcils froncés faisaient des vagues sur son front.

-Le tri avance bien, constata-t-il. J'apprécie votre réorganisation.

Cette phrase exprimée du bout des lèvres avait l'air d'une torture à prononcer. Il s'avança jusqu'à la sixième caisse et l'ouvrit à l'aide d'un pied de biche. Ophélie s'attendait à ce qu'elle soit remplie de la même manière que les autres. Une toute petite pièce brillait par sa présence. Le reste n'était que vide.

-Ceci est un problème, je l'ai remarqué à la fiche de livraison. Elle aurait dû déborder. Comment je vais travailler moi, sans matériel ?

L'inquiétude prit le pas sur la colère, et l'homme s'adossa à sa caisse désespérément vide.

-Je ne pourrais jamais suivre Amanio sans mon matériel. Il est satisfait vous savez. Il trouve mes prothèses miraculeuses. Mais sans les livraisons. Comment vais-je faire ?

La passe Miroir - Un peu plus que ça mêmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant