Mesures

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Ophélie triait, comptait, comparait, rangeait. Tel un automate, elle s'étonna de connaître déjà si bien chaque petit morceau de métal et de cuir. La Mémoire de Thorn, une partie seulement. Une partie suffisante. Se rappeler de tout devait être un fardeau.

La pause de midi arriva vite. Elle remercia ses prothèses de ne pas lui faire sentir de douleur au bout des doigts dû à trop de manipulations. Elle s'assit sur le bureau de la réserve pour lire, quand la clochette qu'elle avait installé sur la porte retentit. Un client. Ophélie sortit rapidement en ne se cognant qu'à trois reprises mais sans rien faire tomber.

-Bonjour, que puis-je faire pour vous, dit-elle en remettant ses lunettes sur son nez. Archibald !

-Madame Thorn ! Quel délice de vous trouver enfin. Vous êtes bien loin de notre contrée.

-Que faites-vous là ?

-Je suis là pour vous bien sûr, lança-t-il avec un de ses clin d'œil spécial Ophélie. Voyez vous ma chère, notre filleule m'envoie vous seconder dans votre quête. Ne me demandez pas pourquoi, elle m'a fait ce dessin et m'a dit très clairement « Parrain doit aller avec Marraine pour Neveu ». je suis son serviteur. Cela me fend le cœur de la laisser, mais comment pourrais-je lui refuser ?

Ophélie réalisa qu'elle avait la bouche grande ouverte et se reprit.

-Vous êtes arrivé vite.

-J'ai de bons contacts dans les transports, s'amusa-t-il. Vous êtes déçue de me voir ?

-Non. Surprise serait plus exacte.

Archibald s'approcha et constata qu'Ophélie avait récupéré des mains. Il en profita pour lui faire un baise main et la faire rosir. Il savait qu'avec elle il n'était plus obligé de faire tous ses faux semblants, mais ils étaient devenus lui, autant qu'il était eux. Il marchait sur un drôle d'équilibre.

-Je n'aurais pas beaucoup de temps ici, et je ne préfère d'ailleurs pas parler ici. Je réside chez les Halim, accompagnez moi ce soir. Une petite Maya sera curieuse.

-J'ai hâte madame Thorn, j'ai hâte.

Et il repartit d'un pas joyeux, le sourire jusqu'aux oreilles. Il s'amusa même à faire une révérence derrière la vitre de la porte de la boutique et leva son chapeau en guise d'au revoir final.

Choquée et heureuse, Ophélie replongea dans son livre. L'absence d'Emilio était notée sur la porte de la boutique et personne visiblement ne voulait avoir affaire à une jeune remplaçante. Grand bien leur face, Ophélie pouvait donc avancer sur sa mission plus efficacement.

Elle dévorait son chapitre, il expliquait les différentes façon d'entrer dans les rêves. Et d'en sortir. Certains avaient déjà essayer de faire sortir des créatures imaginaires, des amants fantasmés, des pères disparus. Mais ne ressortait du monde des rêves que des existants,comme l'auteur les appelait. Certains était allés jusqu'à tenter de fourvoyer leurs propres sens en ouvrant des portes dans des rêves et passant de l'un à l'autre jusqu'à ne plus savoir où était la réalité. Ophélie se nota une question : où allait notre corps quand on entrait dans un rêve ?

Visiblement passer des portes, c'était comme passer des miroirs, on plongeait dedans, et on n'était plus là.

Une expérience montrait de l'importance de la qualité de la porte et de la conscience du rêveur. Le sujet avait mélangé plusieurs dons. Trois pour être exacte. Il avait presque réussi l'impossible. Il avait eu droit au sommeil, dans son sommeil son rêve fût influencé pour atteindre une porte, et derrière cette porte le monde qu'il avait voulu. Il avait donc passé la porte sans condamné son corps à rester coincé, comme dans certaines autres expérience. En pleine conscience, le sujet avait choisi deux choses : un objet et un être vivant, qualifié de simple, une montre et une fleur. Il repassa la porte avec les objets en main, qui apparurent immédiatement dans ses mains réelles. Il quitta le sommeil et sentit ses « ramenés » dans ses mains. Dès qu'il ouvrit les yeux, ils se désintégrèrent. Les spectateurs de l'expérience avaient pu voir la fleur faner à une vitesse inconsidérable puis disparaître complètement. La montre quant à elle, donnait une heure à un rythme différent de la notre. Cette expérience conforta la possibilité de la chose, notamment de ramener des gens aimés, du moins le souvenir qu'ils avaient gravés dans les mémoires.

La passe Miroir - Un peu plus que ça mêmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant