Chapitre 5 : Charly

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Les différentes tentatives pour me faire retrouver ma Meute avaient toujours été de cuisants échecs durant mon enfance. Ça finissait toujours de la même manière ; je perdais le contrôle, papa me ramenait en catastrophe chez les Forst, et je me réveillais avec l'impression d'être passé sous un rouleau compresseur...

Au début, je n'étais pas capable de me rendre réellement compte de ce que ça impliquait. Pour le moi de maintenant, qui ratait toute la vie quotidienne de ma propre Meute ; pour le moi du futur, qui pouvait bien se retrouver sans Meute, car incapable de remettre les pieds dans la sienne...

Mais plus je grandissais, plus je m'inquiétais de ça. Plus les choses me semblaient alarmantes. Compliquées.

Comment est-ce que je ferais, quand je serais en âge de rentrer chez moi, si j'étais incapable de cohabiter avec Edward ? Je ne pouvais pas rester chez les Forst indéfiniment. Ce n'était pas dans l'ordre des choses... Même si j'aurais volontiers voulu que ça le soit.

Les années étaient passées rapidement, comme si la vie au sein de la Meute des Forst était hors du temps... ça m'arrivait souvent d'ignorer quel jour et quel mois de l'année nous étions. Simplement parce qu'ici, la notion de temps était bien différente de celle que je connaissais « chez moi ». Ici, il n'y avait pas vraiment de weekend ni de vacances, mais je ne m'en plaignais pas vraiment. Tout ce que je faisais m'intéressait, je voyais rarement les choses comme des corvées...

En revanche, une fois confronté au rythme de vie de ma Meute... je perdais mes repères, forcément. Tout allait à cent à l'heure, là-bas. Papa était toujours très occupé, Edward bougeait toujours autant et la Meute grouillait dans tous les sens comme une fourmilière assiégée... chez les Forst, on ne chômait pas non plus, mais c'était plus calme, plus lent, plus détendu.

Quand Oliver avait fêté ses huit ans, ç'avait été sans sa mère. Sa seconde grossesse l'avait beaucoup affaiblie... et un hiver particulièrement vigoureux avait eu raison de ses dernières forces.

Tout le monde avait pris un gros coup sur la tête, à commencer par Oliver et Luther... et moi aussi. Elle était pour moi l'image de la mère qui se substituait à Beth, elle-même un placébo pour la mienne. Je comprenais ce que Luther affrontait mieux que personne, et je tentais, à mon modeste niveau, à faire en sorte de l'aider. Ce qui n'était pas simple, étant donné son sale caractère... Et l'agressivité de sa Bête ressortait encore plus les mois suivants la perte de sa mère.

La Meute avait également mis des mois avant de retrouver un semblant d'animation. Le deuil était lourd à porter pour tout le monde, même si son état de santé n'était pas un secret.

Gregor était sans doute celui qui gardait la tête la plus froide. Il savait depuis longtemps qu'Ellie mourrait bien avant lui et s'était préparé à cela... Même s'il pleurait sa mort, il allait de l'avant. Pour Oliver. Il avait encore toute sa vie devant lui, et il faisait en sorte que son enfance soit la plus normale possible. Il avait perdu sa mère, il ne voulait pas qu'en plus il perde son enfance.


– T'es vraiment obligé de partir ? demanda Oliver, son loup en peluche dans les bras.

– Hm, je crois, oui... Mais je reviens vite. Dans deux semaines.

Même si, pour lui, c'était une notion très vague du temps.

– Est-ce que tu crois qu'un jour, tu vas ne plus revenir ?

J'avais cessé de ranger mes affaires dans mon sac pour le regarder avec de gros yeux surpris. Oui, très bonne question. On ne cessait de me répéter qu'un jour, je partirais d'ici définitivement. Mais pour le moment, ça me semblait lointain. Abstrait. Comme si j'étais en état de rester au sein de ma Meute ! Je parvenais à garder un contrôle partiel, tellement ténu que ça me semblait impossible que ça se fasse maintenant. Peut-être dans un siècle ou deux ?

The Wicked Wolf - Maximilian (T3) [MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant