Chapitre 20

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Jisung continuait d'admirer les lumières célestes, la brise de novembre faisant flotter ses cheveux sombres. Il préférait éviter un contact visuel avec le châtain durant ce qu'il allait lui raconter. Il se sentait plus à l'aise comme ça, et son colocataire dû le comprendre car il mima sa posture. Le plus jeune inspira, ne sachant pas trop comment débuter.

- Au lycée, j'étais la personne lambda par excellence. Je faisais partie de cette masse d'élèves, celle qu'on voit en arrière plan dans les séries, qui comble les couloirs, les salles de classe, celle qui met en avant les personnages principaux. J'étais pas vraiment populaire mais j'avais des amis donc j'étais ni le mec super cool que tout le monde connaissait, ni la personne qui avait des difficultés à s'intégrer ou qui se faisait harceler. J'étais juste banal. Tellement banal que j'en étais transparent. En tout cas c'est comme ça que je me sentais, expliqua-t-il d'abord. Un jour, un garçon m'a contacté sur les réseaux. Il était dans mon école et on a commencé à discuter de tout et de rien. Au début, je trouvais ça bizarre que quelqu'un que je connaissais à peine vienne m'aborder sans raison. Je le connaissais de vue mais on s'était jamais adressé la parole avant. En fait, pour être honnête avec toi, je pensais qu'il s'était trompé de destinataire et que c'était impossible qu'il sache qui j'étais. Pourtant, en lui posant la question, il m'a bien confirmé qu'il n'y avait pas d'erreur. Les jours passaient et on se trouvait beaucoup de points communs, on pensait de la même manière et je trouvais ça incroyable parce que contrairement à moi, il avait une petite réputation. Puis, on a commencé à se dire bonjour, à se dire 2-3 mots entre les cours, à traîner ensemble. C'est à ce moment-là que j'ai compris que j'étais attiré par les garçons. J'avais jamais vraiment fait attention aux filles et je pensais que j'allais m'y mettre plus tard, mais apparemment c'était pas ça, souffla-t-il dans un léger rire. On s'est très vite rapprochés et on a commencé à agir autrement que comme de simples potes. Je t'épargne les détails, on a fini par sortir ensemble. Je l'ai annoncé à mes amis proches qui ont bien pris la nouvelle de mon orientation sexuelle, mais pas celle qui concernait la personne avec laquelle j'étais. Ils m'ont dit que je devais faire attention et que c'était pas quelqu'un pour moi. J'avais aussi entendu des bruits de couloir comme quoi ce garçon avait brisé des cœurs mais je voulais lui laisser une chance, sans tenir compte des rumeurs. Et puis, il était si gentil, bienveillant, on se comprenait tellement qu'il pouvait pas être comme ça pour de vrai, pas avec moi.

Jisung marqua une pause, comme s'il revivait les scènes de ses souvenirs. Minho lui jeta un coup d'œil discret, l'écoutant toujours attentivement sans l'interrompre. Quelques secondes plus tard, le brun poursuivit.

- Les semaines ont passé et mes sentiments s'affirmaient toujours plus. C'était la première fois que je ressentais une connexion si forte avec quelqu'un. Sans oublier que j'avais jamais vraiment eu autant d'attention, t'as bien vu la relation que j'ai avec mon père. Alors quand je recevais autant de compliments et de mots admiratifs qui venaient de sa part je me sentais... si fier. Quelqu'un comme lui, qui me disait que j'étais parfait, incroyable. Je pouvais pas rêver mieux, moi qui me sentais comme vide d'intérêt. Alors, pour lui montrer à quel point ça me touchait, je lui offrais tout ce que je pouvais. J'en faisais ma priorité, je lui achetais des trucs, je me suis donné à lui. Je lui ai partagé tout ce qui comptait pour moi, pour toujours être à la hauteur, pour toujours paraître incroyable à ses yeux, il déglutit. Et puis, ça a commencé à changer. C'était infime au début. Il mettait plus de temps à répondre aux messages, oubliait de me rappeler ou n'avait plus vraiment le temps de manger avec moi le midi par exemple. Des trucs insignifiants. Je me disais même que j'en faisais trop, que je devais arrêter de me prendre la tête donc j'ai gardé ça pour moi... Ensuite, il me racontait sur qui il fantasmait, se gênait pas pour me dire quelle personne il se taperait bien. Ce genre de choses. Et comme un con qui voulait pas incarner le rôle du copain jaloux, j'acquiesçais à tout ça. Je faisais comme si ça ne me blessait pas, alors qu'au fond je commençais déjà à être terrorisé à l'idée d'être abandonné, de ne plus être suffisant... Après ça, c'était des engueulades, souvent. Quand j'essayais de lui expliquer ce qui me rendait mal, il me faisait culpabiliser en me répondant qu'il disait ça comme ça et que c'était pas sa faute s'il y avait d'autres personnes que moi qui l'attirait. Et même avec tout ça, je prenais encore sur moi, en me persuadant qu'il avait raison, j'arrivais encore à lui trouver des excuses. En parallèle, il me glissait toujours des mots réconfortants et gentils de temps en temps. Je les acceptais comme une preuve qu'il m'aimait toujours. Vraiment, quel con j'étais... glissa Jisung dans un sourire amer.

One Day at a Time / MinsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant