Quatre

833 68 23
                                    

"Jennie. Viens. C'est l'heure de se lever."

Mes yeux ne sont fermés que depuis cinq minutes. Ça ne peut pas être l'heure pour mon père de me réveiller. Je gémis et me tourne doucement vers le mur.

Mon père soupire. Il doit être aussi fatigué que moi de la bataille qui est de "sortir Jennie du lit".

"Il est trente. Tu sais ce que la principale Choi a dit..." Alors qu'il s'interrompt, il tape avec impatience sur le cadre de la porte. Même de loin, je peux sentir son après-rasage familier. D'habitude, l'odeur ne me dérange pas. Aujourd'hui, ça me donne envie de vomir.

Oui, je sais ce que la principale Choi a dit. Elle a appelé mes parents pour les informer que j'ai assez de retard pour avoir une retenue. Et que J'ai pratiquement assez de retenues pour mériter une suspension. Et si je gagne assez de suspensions, je pourrais être expulsée. Personnellement, je ne vois pas en quoi les suspensions ou les expulsions sont des punitions appropriées pour les lycéens. Qui ne voudrait pas de temps en plus hors de son lycée ?

Mais ça n'a pas d'importance aujourd'hui parce que je ne vais pas être en retard pour la première heure de cours. Il est hors de question que j'aille à l'école tout court. Lorsque j'ouvre les yeux, le tableau d'affichage sur le mur à côté de mon lit se transforme en une forme étrange. La pièce tourne comme un manège. Ouaip. Je suis toujours bourrée. "Je ne vais pas à l'école", je grommelle.

Mon père soupire à nouveau. Le tapotement contre le cadre de la porte continue. "Tu es malade ?" Il n'y a pas d'inquiétude dans sa voix. Je ne suis pas souvent malade, mais j'utilise cette excuse plus souvent qu'une personne en bonne santé ne le devrait.

"Non."

"Alors tu vas à l'école. Allez lève-toi." Hop. Hop. Hop.

Il est temps de sortir les grands moyens. Je ne peux utiliser cette excuse qu'une fois par mois. Ça marche mieux un matin comme celui-ci, quand ma mère est déjà en route pour le bureau. Je gémis pour renforcer l'effet. "Je suis en semaine rouge. J'ai des crampes. Je ne peux pas y aller..."

Le tapotement s'arrête. Le tortillement de mon père est audible d'ici. Même s'il a une femme et deux filles, la moindre mention de "problèmes féminins" le met dans tous ses états. Il se racle la gorge. "Tu n'as pas... tu n'as pas dit ça... il y a une semaine ou deux..."

Pendant qu'il cherche les mots qui le mettent mal à l'aise, je me creuse la tête. Ai-je déjà utilisé cette excuse ce mois-ci ? J'ai fait semblant d'avoir quelque chose pour sortir de l'école il n'y a pas très longtemps, mais je ne me souviens plus de quelle excuse je me suis servie...

Je me roule sur le dos et je fixe mon père. Il est habillé de son habituel costume noir, et ses épais cheveux bruns sont encore humides du à sa précédente douche. Au moins, la pièce s'est suffisamment arrêtée de tourner pour que je puisse distinguer ces détails. Mais je ne vais toujours pas à l'école. "Quoi, tu es soudainement un expert du système reproductif féminin ?" J'aboie. "Est-ce que tu suis mon cycle ? Tu veux m'apprendre des choses sur mon propre corps ? Tiens, tant qu'on y est, pourquoi ne pas parler de sexe? Tu peux tout me dire sur..."

"Non", dit mon père assez fort pour interrompre mon monologue. Il tire sur la cravate autour de son cou. "S'il te plaît, arrête." Il s'éclaircit la gorge à nouveau. "Je vais juste appeler l'école et leur dire que tu ne viendras pas aujourd'hui."

Jennie: 1. Papa: 0. "Merci", dis-je, même si mon ton glacial décrédibilise mes mots.

"Reposes toi bien." La porte se ferme dans un claquement.

The girl who lives in my garageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant