Onze

656 52 26
                                    

Nous marchons actuellement de la troisième heure d'anglais vers la quatrième heure d'histoire, et je n'arrive pas à comprendre pourquoi Rosé ressemble beaucoup moins à la mort que moi. C'est comme si mes pieds étaient coincés dans des blocs de béton et qu'elle volait comme une putain de fée. J'évite les bruits forts et les lumières vives. Elle dit cent mots par minutes comme si le son de sa voix n'était pas l'équivalent de clous sur un tableau noir pour moi. Si je n'avais pas un vague souvenir de Rosé hier soir avec un verre de bière au milieu du jardin, illuminée par les flammes du feu de joie, je penserais qu'elle n'avait pas bu du tout.

"Allô ? Terre à Jennie. Est-ce que ça te va ?"

"Est-ce que quoi me va ?" Je demande doucement, en espérant qu'elle comprendra mon message caché et réduira le volume de sa voix d'un cran ou deux.

"Un film ce soir."

L'idée de faire autre chose que dormir ne m'envie pas, je plisse le nez alors que nous nous arrêtons aux toilettes pour vérifier nos maquillage. "Je ne peux pas. Je suis punie."

"Tu te faufile. Nous pouvons toujours y aller à minuit."

"Irene ne peut pas t'accompagner?" Mon reflet dans le miroir reflète exactement à quel point je me sens. Ma gueule de bois ne s'aggrave pas, mais elle ne s'améliore pas non plus. De plus, je suis toujours secouée par la conversation avec Jisoo. Et d'avoir entendu le nom de Nayeon. Je détourne le regard du miroir, donc je n'essaie pas d'imaginer ce que serait ma vie si elle était toujours debout à côté de moi.

"Sa famille n'est pas en ville ce week-end", dit Rosé en appliquant du brillant à lèvres. "Et Hanbin est occupé, donc il ne peut pas m'emmener."

"Hanbin. Qu'est-ce qui se passe entre vous, de toute façon ?"

"Rien."

"Ça ne semble pas être rien", marmonnais-je en tournant l'anneau sur mon pouce. Nayeon le portais toujours sur l'annulaire de sa main droite, mais il ne tient pas sur le mien. J'aurais aimé qu'il ne tienne pas du tout.

"Pourquoi tu es si salope aujourd'hui?" Elle jette le brillant à lèvres dans son sac. Mais cela devais être une question rhétorique parce qu'elle est sortie de la salle de bain sans attendre ma réponse. Je me dégage de l'évier et je la suis par la porte. "Et puis qu'est-ce qu'on va faire si on ne va pas voir un film ? Dormir ? Boire ?"

Nous nous arrêtons à l'extérieur de la salle de ma quatrième heure, et je m'appuie contre un casier. "Ça ne semble pas être le pire plan au monde."

Elle roule les yeux. "Okay. Rendez-vous au déjeuner. Sois de meilleure humeur, d'accord?"

"Pas de promesses", dis-je alors qu'elle s'en va.

Cette fille est épuisante.

...

La seule bonne chose à propos de l'histoire est que M. Min a une vaste collection de films, des émissions qu'il a enregistrées sur History Channel, et même quelques bandes films anciennes. Aujourd'hui, c'est journée cinéma, alors je m'assoupie dans la classe et lorsque je me réveille, je me sent un peu mieux qu'avant. Assez pour que je reconsidère le film de ce soir. Je devrai attendre le deuxième contrôle du lit, mais un film pourrait me débarrasser des pensées de Nayeon et Lisa et du drame familial.

À mi-chemin de la cafétéria, quelqu'un appelle mon nom. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, je trébuche et je tombe presque à plat sur le visage, parce que c'est Lisa. Debout à quelques pas derrière moi, un sac à dos sur ses épaules, habillée comme ça, on a l'impression que c'est exactement à cet environnement qu'elle appartient. Seulement elle n'y a pas sa place. La dernière personne qui était sur notre campus sans autorisation a été emmenée dans une voiture de flic. J'imagine que Lisa n'aimerais pas que ça lui arrive si elle a déjà trop peur de montrer sa carte d'identité à un refuge pour sans-abri.

The girl who lives in my garageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant