Prologue

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1999, Roumanie

-Dorian ! DORIAN !

Elina ouvrit la porte du bureau dans un claquement. Le vent battait les vitraux et son sifflement s'infiltrait à travers les jointures des fenêtres. Dorian Parkinson releva la tête, surpris par cette entrée subite. Sa plume s'immobilisa au-dessus du parchemin. Sa femme reprit sa respiration avec difficulté, puis lâcha :

-Ils sont là.

Il n'eut pas besoin de lui demander qui étaient "ils". L'horreur sur son visage en disait assez. Le jour qu'il redoutait tant était arrivé. Ce jour où toutes ses erreurs viendraient le frapper au visage, ce jour où tout ce qu'il avait construit se détruirait lamantablement. Il s'empara de sa baguette. Aussitôt, un pleur d'enfant résonna entre les murs comme si le Manoir entier hurlait au désespoir. Elina redisparut. Dorian sut alors quoi faire. Une fois sa fille avec lui, ils emprunteraient le passage sous-terrain pour fuir. Il faisait nuit et il pleuvait, mais une nuit sous cette tempête valait mieux que la mort. La mort... depuis le temps qu'elle la suivait.

Il sortit de son bureau sans songer un seul instant à la lettre qu'il était en train d'écrire. Ses pas le menèrent automatiquement vers sa chambre où il empaqueta le peu d'affaires qu'ils pouvaient emmener. Des chemises, les tenues de sa femme, les affaires du bébé. Il jeta un sort d'agrandissement à un sac et enfouit le tout à l'intérieur. S'il leur manquait quelque chose, ils l'achèteraient. Ce n'était pas l'argent qui manquait.

Entre les battements des branches contres les volets, Dorian n'entendit pas la porte d'entrée éclater. Il n'entendit pas non plus les cris, les supplices. Il préparait les affaires pour fuir sans savoir que jamais il ne remettrait un pied dehors. La mort l'avait enfin trouvé.

Il s'impatienta. Elina aurait du remonter depuis longtemps, Esther dans ses bras. Pourquoi tardait-elle autant ? Il prit le sac et le délaissa au milieu du couloir pour pouvoir s'en emparer plus facilement après. Ses doigts se crispèrent si fort à la baguette que ses jointures devinrent blanches. Enfin, il entendait. Des voix. Graves. Masculines.

Celle de sa femme avait disparue.

Quand ses yeux se posèrent sur un corps allongé, il se sentit mourir de l'intérieur. Le sang colorait sa peau et ses yeux étaient grands, vides, éteints.

Ils le fixaient.

Des milliers d'aiguilles empoisonnées crevèrent son coeur. Il se précipita vers sa dépouille et la secoua. Réveille-toi. Réveille-toi, par pitié. Il regarda ses mains, elles étaient rouges. Sa respiration se coupa.

-Tu pensais vraiment que tu allais échapper à tout ça tranquillement, Parkinson ?

Il releva la tête. Dolohov et Macnair l'observaient, une lueur meurtrière éclairant leurs pupilles noires. Les deux seuls Mangemorts à s'être échappés d'Angleterre avant les jugements. Les deux qui faisaient couler le sang de ceux qui n'avaient pas appuyés Voldemort jusqu'aux bout. Les deux qui le recherchaient depuis plus d'un an.

Et ils étaient là. Un rictus monstrueux sur les lèvres et le réjouissement d'avoir pu ôter une vie de plus. Elina était une Fawley, une sang-pur. Mais peu leur importait. En le suivant, elle avait elle aussi trahi Voldemort. Et elle avait perdu la vie. Pour lui.

Un cri aigu brisa le silence. Le berceau se balança légèrement sur les côtés, sous la force qu'exerçait la petite Esther Parkinson. Macnair sourit et fit un pas dans sa direction. Un seul.

-Non ! Non, tuez-moi si vous voulez, mais par pitié, ne lui faites rien.

Dorian n'avait jamais été courageux. Mais protéger les siens était son instinct. Sa raison d'exister. Auparavant, il se serait jeté du haut d'une tour pour protéger Pansy, mais depuis, sa cousine avait su tracer son propre chemin. Il avait eu une fille, le soleil de sa vie, sa petite pépite. Jamais il ne laisserait quiconque la toucher. Il se l'était promis le jour de sa naissance. La mort était peut-être cruelle, mais elle respecterait sa volonté.

-Ainsi soit-il, dit Dolohov.

Son souhait ultime aurait été de lui parler une dernière fois. Lui dire que, même si son père ne serait pas présent pour la voir grandir, il serait dans son coeur, présent en elle, à chaque instant. Il aurait voulu admirer son magnifique visage une dernière fois. Son nez retroussé des Fawley, ses yeux sombres et ténébreux des Parkinson. La toucher, lui prendre la main, lui dire qu'il l'aimait.

Mais un éclair le frappa en pleine poitrine, et sa main seule eut le temps de se tendre vers le berceau.

Ses mots franchirent silencieusement ses lèvres et s'évanouirent dans le fracas de la tempête. Sur sa lettre inachevée, un "Chère Pansy" attendait sa suite.

Des mots oubliés.

Des mots perdus.

Des mots envolés.

𝓝𝓸𝓼 𝓶𝓸𝓽𝓼 𝓼𝓮 𝓼𝓸𝓷𝓽 𝓮𝓷𝓿𝓸𝓵𝓮𝓼 [Scorbus] - 𝔒𝔲𝔯 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰Où les histoires vivent. Découvrez maintenant