5. Albus

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C'était un doux rêve. Le ciel peint en orange, des traces de nuages sur des pastels de gris. Le vent soufflait, renversant les herbes hautes sur les côtés. Le pré se mouvait par des vagues d'air, brillant puis s'assombrant sous l'effet de l'ombre et la lumière. Scorpius écrasait la végétation sous lui, un géant atterrissant dans le monde fragile de la nature sauvage. Ses paupières aussi lisses que de la porcelaine étaient fermés. Quelques mèches blondes caressaient son front, taquines.

-Je sais que tu me regardes.

Ou peut-être que ce n'était pas un rêve, peut-être qu'il s'agissait d'un souvenirs qui prenait forme dans son sommeil. Albus passa son index sur ses lèvres. Douces comme du velours. Un peu humides aussi. Le coin de sa bouche se réhaussa et Scorpius avala son doigt. Ses pupilles grises l'attirèrent dans sa tornade froide avec malice. Le bout de sa langue s'enroula autour de l'index, le retenant prisonnier. Une onde de plaisir le traversa.

-Ça t'excite ? réussit-il à dire malgré le doigt dans sa bouche.

-Non, mentit-il.

Il retira son doigt et Scorpius le lécha jusqu'au bout, comme une glace que l'on retirerait contre son gré à un enfant. Mais immédiatement, un nuage passa devant le soleil, la lumière s'évanouit et son sourire avec.

-Pourquoi ne me dis-tu jamais la vérité ?

-Quoi ?

-Pourquoi tu ne me dis pas que tu as quitté Poudlard pour t'éloigner de moi ?

Les battements de son coeur s'accélérèrent. Leur boom boom incessant compressaient sa poitrine.

-C'est faux.

Il ne pouvait plus respirer. Un voile transparant sur sa bouche l'en empêchait. Le vent soufflait tout autour, le ciel devenait obscure. Plus de soleil. Plus de sourire. Plus rien, disparu.

-Tu m'as abandonné.

Tiré en arrière, de l'encre noir emplit le paysage. Son corps se convulsa plus par instinct de survie que force volontaire. L'air ne passait plus, la nuit était trop noir pour qu'il voit quelque chose. Non, ce n'était pas la nuit, réalisa-t-il. Une matière molle se compressait contre son visage. Sa main s'agita, agrippa un morceau de tissu. Air. Air. Air. Des voix étouffés lui parvinrent. Il ne les comprit pas. Tout ce qu'il voulait était respirer. Juste ça. C'était si simple.

Ses pieds s'emmêlèrent dans les draps. Tu m'as abandonné. Il tira de toute ses forces sur le morceau de tissu qu'il tenait et une protestation s'éleva. Soudain, le vent souffla de nouveau. Albus se redressa sur son lit, avalant une grande goulée d'air. Cela glaça sa gorge, puis ses poumons. Il toussa, même si sa toux s'approchait plus de l'étranglement.

Des lits grincèrent. Des pas sur le planchet grincheux furent lourds de précipitation. Des murmures perdus, ici et là ; le temps que Albus se retourne, il n'y avait plus personne. Seul le coussin gisait sur le lit. Ils avaient voulu l'étouffer. Mort dans son sommeil.

Mort avec Scorpius, dans ce pré caressé par le vent.

Une silhouette était assise sur le lit d'en face. Un garçon aux lunettes rondes, les joues bouffies qui le dévisageaient avec intérêt, comme si c'était lui qui était sur le point de commettre un crime.

-Si ce n'est pas toi qui les écrases, ce sont eux qui t'écraseront.

Albus s'allongea à nouveau, les yeux grands ouverts. S'il dormait à nouveau, ils l'étoufferaient une nouvelle fois. Eux. Ce groupe à qui il avait demandé amitié et protection.  Tu veux que je le tue ? La lumière pâle de la lune se diffusait à travers les vieux volets. Les particules de poussière brillaient d'un éclat oublié.  Si tu veux notre protection, ce sera le prix à payer. Pas la protection. La vie. S'il voulait vivre, il devait tuer.

𝓝𝓸𝓼 𝓶𝓸𝓽𝓼 𝓼𝓮 𝓼𝓸𝓷𝓽 𝓮𝓷𝓿𝓸𝓵𝓮𝓼 [Scorbus] - 𝔒𝔲𝔯 𝔖𝔢𝔯𝔦𝔢𝔰Où les histoires vivent. Découvrez maintenant