Chapitre 16
***Elle***
Je n’ai rien compris à ce qui vient de se passer. Adrien est parti en colère, très en colère et ne m’a même pas laissée le temps de lui expliquer la différence entre ce qu’il a cru comprendre et ce qui s’est réellement passé. Etienne est allé embrasser sa fille puis est rentré chez lui après avoir un peu bavardé avec moi. Ce qu’il m’a dit m’a énormément troublée mais les choses s’éclairent.
Adrien c’est gringalet. Seigneur Adrien c’est gringalet. Je l’appelais comme ça dans ma tête au lycée parce que je ne me suis jamais souciée de connaitre son vrai nom. A aucun moment je n’ai fait le lien entre ces deux personnes. Gringalet était plutôt chétif, pas très sûr de lui mais gentil. A l’époque j’étais assez stupide pour me faire les crocs sur lui. Reine du bahut pourquoi me serais-je souvenu de lui alors que je trainais avec les garçons les plus populaires du lycée. Je l’ai complètement oublié.
Merde ! Gringalet c’est mon premier baiser. Celui où j’essayais de faire comme si j’avais de l’expérience pour l’impressionner alors qu’en réalité, je ne savais même pas ce que je faisais.
Gringalet, c’est celui qui m’a dit : t’es la plus belle fille que j’ai jamais vu. Il avait parfois en me regardant ce regard fiévreux qui m’effrayait mais me faisait me sentir … spéciale. Vraiment spéciale. Mais j’ai rencontré Gaspard, l’homme mûr, expérimenté et je l’ai complètement oublié.
Gringalet c’est Adrien ? C’est fou ce que les gens changent avec le temps. Certains rabougrissent comme de vieux trognons de pomme et d’autres comme des papillons déploient leurs ailes après avoir été si longtemps des chenilles.
Adrien. Je comprends enfin pourquoi son sourire m’était familier. Malgré ses dents de travers quand il était adolescent, son sourire me fascinait déjà.
Il y a des gens qui changent physiquement et restent les mêmes à l’intérieur. Adrien a juste changé d’enveloppe mais il a toujours été … doux. Alors que moi, malgré mes originaires ma beauté me donnait ce petit statut privilégié à l’école. Statut que j’ai vite perdu en me mariant très tôt, trop tôt avec un homme qui s’est vite lassé de mon éclat.
Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi lui n’a rien voulu me rappeler. Le nombre de fois où j’ai eu l’impression de le connaitre depuis longtemps me donne envie de crier de rage maintenant… Ca m’échappe. Il est en colère contre moi, me reproche quelque chose que je ne comprends pas… quoi Denis ?
Tout ça est un malentendu tellement grotesque que j’ai envie d’éclater de rire devant le comique de la situation.
Quelle idée d’être sans appel comme ça ?! Non mais quelle idée de prendre le volant, parcourir tous ces kilomètres et ne même pas entendre une explication ! Il a dit que je refusais de lui donner sa chance alors que lui, me la donnait continuellement. Tu parles ! Il avait déjà ses idées préconçues sur moi et attendait juste que je fasse un premier faux pas pour tout laisser tomber.
Tiens voilà l’autre. Le portillon s’ouvre sur Denis qui s’avance vers moi. Apparemment ma maison est une vraie passoire à homme. Il va falloir que je parle à mon gardien. Il s’arrête à quelques pas et met les mains dans sa poche.
- Je sens que je ne vais pas aimer ce que tu vas dire ! Pourquoi m’as-tu rappelé tout à l’heure ?
Tout ce que je me dis c’est que c’est trop tard maintenant. J’ai déjà tout gâché. A quoi bon ? Je lui remets le collier et le mot comme j’avais prévu de le faire bien avant l’arrivée d’Adrien.
- Elle. Ca va ? dit-il en observant le tout.
Quand Adrien a cogné à la porte j’ai cru que c’était Denis à qui j’avais demandé de rappliquer vite fait en recevant le colis. Malheureusement, ce n’était pas lui. Et comme si la situation n’était pas assez délicate comme ça, Adrien a lu le mot.