Masqué [L.S]

3°

En quittant le lycée, la première chose que je remarque, c'est Harry appuyé contre une barrière qui longe la route. Je ne sais pas trop si je dois m'approcher ou non. Il semblait particulièrement froid aujourd'hui. Je ne sais pas à quoi c'est lié, mais j'ai préféré ne pas insister. Évidemment, je n'ai pas réussi à m'empêcher de lui glisser une ou deux question dans la journée, mais c'est tout. J'ai fait en sorte de rester avec mes amis le reste du temps. Mon but n'est pas qu'il me déteste. Déjà qu'après réflexion, mon comportement est assez limite, à lui parler alors que je suis conscient qu'il ne m'apprécie pas. Enfin, ce que je veux dire, c'est d'insister pour lui parler dans la journée alors que je suis conscient qu'il n'apprécie pas ma compagnie. Alors que je m'apprête à passer mon chemin pour rejoindre mon arrêt de bus, sa voix me retient.

« Parce qu'on ne voit pas ma tête, comme ça. » me dit-il en plantant son regard dans le mien.

La lueur au fond de son regard me défie presque d'ajouter quelque chose, mais ce n'est pas pour le défier que je lui réponds, simplement parce que je veux comprendre.

« Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu ne veux pas qu'on voit ta tête ? »

Peut-être que je suis trop intrusif. Mais je veux comprendre. Je veux le comprendre et le connaître. Et si j'ai besoin de forcer un peu pour fissurer cette carapace qu'il semble avoir forgé avec son masque.

« Parce que contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas beau. Je ne suis pas beau et je n'ai pas envie de me reprendre les regards, les moqueries, les critiques, alors c'est mieux que je garde mon masque. » explique-t-il.

Je ne sais pas pourquoi aujourd'hui, il décide qu'il m'en parle, mais je ne relève pas et accepte simplement de l'écouter.

« Et moi je suis certain que tu ne l'es pas. Pardon, mais tu rencontreras des cons partout. Si les gens ne sont pas capable de s'apercevoir de ta beauté, au delà du fait qu'on ne juge pas quelqu'un sur son physique, c'est que ce sont juste des cons. Je vais être honnête, j'ai pas besoin de te voir sans masque pour savoir que t'es magnifique, d'accord ?

- Je comprends même pas pourquoi tu me parles, je veux dire, t'as tout ce qu'il te faut, pourquoi tu te prends la tête avec un gars comme moi, qui n'a pas confiance en lui, qui se cache derrière son masque pour pas montrer son visage ?

-Mais Harry, c'est même pas une question de beauté, j'ai envie de te parler, je te parle. Je veux dire, d'accord. Tu me plais, et c'est pour ça que je t'emmerde depuis le début de la semaine, à venir te parler, te poser des questions, et cetera. Alors oui, je te trouve beau. Oui, je veux apprendre à te connaître. Ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir confiance en soit dès le début. Je ne crois pas, d'ailleurs, que quelqu'un naisse avec une confiance en soit débordante. Même les gens qui semblent les plus sûrs d'eux ont des moments de doute. Les gens qui te critiquent ne le font que parce qu'ils besoin de se sentir supérieurs justement parce qu'ils n'ont pas confiance en eux. »

Harry ne me lâche pas du regard, jusqu'à ce que deux bus entrent dans notre champs de vision. Il se tourne vers eux aussi et me dis qu'il doit y aller. Il s'élance vers les arrêts de bus et je fais de même. Je n'ai pas vraiment envie d'attendre une heure seul dans le froid.

※

Pour une fois, ce n'est pas moi qui ai lancé la conversation avec Harry. Depuis lundi, j'essaye de lui parler, d'échanger avec lui, mais il n'a jamais semblé particulièrement motivé. Mais ce soir, mon ventre se serre agréablement lorsque je vois une notification sur l'écran de mon téléphone et que je pense découvrir son nom d'utilisateur sur les réseaux.

En sortant de table, la première chose que je fais, avant même de débarrasser, est de répondre à son message et d'accepter sa demande d'abonnement à mon compte puis de lui en envoyer une en retour.

Il m'a simplement envoyé un « Salut », mais de sa part, ça me semble tellement énorme... Ma mère se moque de moi en me disant que je souris comme un idiot et me demande qui est la personne à l'origine de mon sourire.

« Un gars. » je réponds sans vraiment réfléchir, avant de me rendre compte de ce que j'ai dit, me faisant perdre mon sourire.

Je relève la tête vers mes parents, et suis rassuré en découvrant le sourire de ma mère. Ma sœur me pique mon téléphone pendant ce moment d'inattention et refuse de me le rendre malgré mes nombreuses protestations.

« Pas mal, pas mal. T'as de bons goûts, cher frère. Par contre il serait temps de parler un peu plus si c'est ton mec. »

Je la regarde de travers avant de dire que ce n'est pas mon copain et que je fais ce que je veux.

« Attends, je lui envoie une photo de toi. » me dit-elle en levant l'objectif vers moi.

Je râle en essayant de récupérer mon téléphone mais lorsque je l'attrape enfin, je ne peux même pas la supprimer, il l'a déjà ouvert. Je quitte l'appli et jette mon téléphone sur la table en enfonçant ma tête dans mes bras, rouge de honte. Je m'étais pas assez ridiculisé en avouant mes sentiments à un gars avec qui je n'ai même pas assez discuté pour savoir s'il me plaît vraiment et qui s'est barré en courant trente secondes après, maintenant, il faut qu'il ait vu une photo de ma tête qui ne ressemble à rien à cause de ma sœur. D'ailleurs en parlant d'elle, elle me tape la tête en me disant de pas le laisser filer.

« Merci de me faire comprendre que personne voudra de moi. » je râle, encore une fois. « En plus, je te rappelle que c'est pas mon mec, et que théoriquement, il ne veut pas de moi, ça non plus c'était pas nécessaire de me le rappeler. »

Elle me tape une nouvelle fois sur la tête avant de glisser mon téléphone sous mes bras.

« Crois-moi qu'il veut bien de toi. Personne ne répond à une vidéo dans laquelle tu râles et t'es tout grognon que t'es mignon. »

Pardon ? Je crois que j'ai mal compris.

Pourtant, lorsque je regarde l'écran, effectivement son message dit que je suis mignon. Je ne le comprends définitivement pas.

Aujourd'hui encore il ne voulait pas entendre parler de moi. Et là, non seulement il entame la conversation, mais en plus... Flirte.. ? Avec moi ? J'ai l'impression d'être dans une série, d'avoir vu la première saison, sauté toutes les autres et avoir regardé le tout dernier épisode.

J'aide finalement ma sœur a débarrasser, repoussant le moment de lui répondre.

 Mais j'ai tout de même une bonne surprise lorsque plus tard, en échangeant avec lui, nous nous apercevons que nous avons beaucoup de points communs.