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Avant même d'entendre le réveil, je sais que c'est une mauvaise journée. Je suis réveillé deux minutes avant mon réveil et je ne me rendors pas.

Je me traîne sous la douche. Je me traîne ensuite dans la cuisine. Puis dans le bus. Dans le lycée. Je suis toujours aussi peu énergique. En me voyant arriver, Vance vient me voir, me sourit et ne dit pas grand chose. Elle me fait la bise et m'enlace quelques secondes. Je ferme mes yeux quelques secondes, mais je n'avais pas prévu de croiser le regard froid de Harry en les ouvrant.

Vance s'écarte de moi et se retourne. En voyant Harry nous fusiller du regard, elle lui sourit et s'avance vers lui. Elle lui demande de la suivre en lui prenant la main. Harry semble surpris notamment par sa facilité à être tactile avec les gens. Il y a des gens comme ça.

Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle attend de lui. Je jette un œil vers Delilah qui secoue la tête, me faisant signe que je n'ai pas à m'inquiéter. C'est l'une des choses pratiques à avoir deux filles dans la bande, quand l'une prévoit quelque chose, généralement l'autre est au courant. Ou pas. En fait, parfois c'est utile, des fois non. Mais aujourd'hui apparemment c'est utile. En revenant, Harry semble plus apaisé, Vance est toujours aussi enforme. Les cours commencent vite, et première fois depuis que je suis au lycée, interro surprise. Quand je disais que c'était une mauvaise journée.

Parce qu'une journée de merde ne se limite pas à une interrogation surprise, seul jour de la semaine où nous avions prévu de déjeuner dehors, il a plu. Donc nous avons mangé sous l'un des préau. Sur cinq cours différents, en plus de l'interro, nous avons eu trois contrôles, et le dernier cours, travail de groupe noté. Je crois que cette journée détient le record de la journée la plus chargée.« C'est pour vous faire réviser pour le bac. » qu'ils disent. Aux dernières nouvelles, sauf ceux qui ont raté tous les contrôles, on a pas d'épreuves d'histoire géo ou d'espagnol au bac. Enfin, avant si, mais plus maintenant. Merci la réforme.

Je n'ai pas pu voir beaucoup Harry aujourd'hui, non plus. Il n'était pas là aux dernières heures, et je ne sais toujours pas ce que Vance lui a dit ce matin. J'ai bien essayé d'envoyer quelques messages au bouclé dont j'attends toujours de découvrir le visage, mais il n'a pas répondu.

Je soupire en m'asseyant contre l'arrêt de bus qui ne possède même pas d'abri alors qu'il pleut toujours autant. Cette journée est définitivement la pire de la semaine voire de l'année. Mais je neveux pas parler trop vite.

Alors que j'essaye d'abriter mon téléphone comme je peux pour pouvoir l'utiliser malgré les gouttes qui s'acharnent sur moi, je des pieds se plantent devant moi, attirant mon regard vers le haut alors que je plaque mon téléphone contre mon torse pour éviter que l'écran ne plante à cause de l'eau.

Je suis étonné de découvrir Harry devant moi, mais la première chose qui me marque, c'est qu'il me porte pas son masque. Il me tend sa main m'aidant à me relever. Il se retourne et part en courant, m'entraînant à sa suite. Nous poursuivons notre course jusqu'au premier porche que nous trouvons sous lequel nous nous arrêtons.

« Tu n'as pas de masque... » sont les seuls mots qui parviennent à sortir de ma bouche.

« Il pleut. Il n'est pas utile. » m'explique-t-il.

« Alors je suis content qu'il pleuve. »

« Parce que tu peux voir mon visage ? » m'interroge-t-il.

« Parce que je peux trouver ton visage entier beau. »

Nous ne disons plus rien pendant quelques secondes, la pluie tombe toujours à côté de nous, quelques voitures passent dans la rue, de rares passants aussi alors que je détaille enfin son visage dans l'ensemble.

« Je peux...

-Oui. »me coupe-t-il. « Mais profites-en, parce que ce sera sûrement la seule fois où tu pourras me dessiner alors qu'il pleut.

-Tu viens de sous-entendre qu'il y aura d'autres fois en dehors de la pluie ? » je demande à mon tour, pas sûr de comprendre.

« Oui. »

Je n'ajoute rien, sors mon carnet et commence à dessiner, en m'appliquant, en prenant mon temps, nous ne sommes pas pressés, enfin je crois. La seule chose qui nous rappelle le temps qui passe, c'est le temps qui était déjà sombre qui s'assombrit un peu plus à chaque minute qui passe, la pluie qui s'arrête, et mon téléphone qui finit par vibrer dans ma poche. Un message de mon père demandant pourquoi je ne suis toujours pas à la maison. Je lui explique que j'ai loupé le bus. Il propose de venir me chercher. J'accepte. Je sais que Harry ne restera pas encore longtemps avec moi. Je profite de sa présence comme je peux. Mon dessin terminé, je le montre à nouveau à Harry.

« Ce n'est pas réel, ce que tu dessines, tu embellies les choses. » me dit-il à voix basse.

« Je pourrais le prendre comme un compliment, mais la seule chose que j'accepterai comme compliment, c'est que tu reconnaisses que c'est toi et que tu es beau. »

À mes mots, il relève la tête, porte lentement sa main vers ma nuque et toujours aussi doucement, comme s'il hésitait, il m'attire vers lui. Nos lèvres s'effleurent d'abord. Puis il pose ses lèvres plus franchement contre les miennes.

Peut-être que finalement, cette journée n'est pas la pire de la semaine ni de l'année. Mais j'ai besoin d'être rassuré sur un point. Si moi, je sais tout ce que je ressens et que ce baiser compte pour moi, rien ne me garantis que ce soit réciproque.

« Rassure-moi, juste, s'il te plaît... Tu n'es pas en train de te moquer de moi ? Tu ne joues pas avec moi ? »

« Non. »

Je ne sais pas comment nous en sommes arrivés là aussi vite, peut-être que ce n'est pas si vite que ça lorsque ça fait près de six mois que je l'ai remarqué mais que je n'arrive pas à m'approcher de lui.

 Le temps nous aidera, rien ne nous dit que ça durera, mais rien ne nous dit que ça se terminera non plus. Alors laissons le temps faire les choses. 

Masqué [L.S]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant