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L'angoisse me suit depuis que j'ai réalisé que j'allais revoir Harry après lui avoir avoué explicitement qu'il me plaisait, mais aussi depuis que nous avons passé une partie de la nuit à nous échanger de nombreux messages. Je ne sais pas à quoi m'attendre aujourd'hui. J'ai du mal à imaginer que son comportement puisse changer de cette façon et malgré le minimum d'estime de moi que j'ai, une idée me traverse l'esprit, mais je prie pour me tromper et qu'elle se révèle fausse.

Habituellement, je rejoins directement ma salle de cours, mais ce matin, je n'ai pase nvie de le faire. Je repousse au maximum le moment où je vais voir Harry. Je ne sais pas comment me comporter face à lui. À croire que c'était plus simple quand il m'ignorait. D'un autre côté, ça ne changerait finalement pas tant que ça. Mais cette fois, je serais blessé. Je n'aimerais pas qu'il m'ignore après m'avoir parlé durant des heures. Je crois que ça gâcherait ma journée.

Mais l'heure arrive et malgré mon appréhension, je dois aller en cours. J'ai enseignement moral et civique. Je me réconforte en me disant qu'au pire des cas, Liam et Delilah sont dans ce cours avec moi. Si Harry m'ignore, je dormirai l'heure complète et irai pleurer pendant la pause. La seconde sonnerie retentit. Je monte les escaliers quatre à quatre, je n'ai pas besoin que mon dossier soit entaché par un retard – encore moins lorsque je suis dans l'établissement depuis vingt minutes.

Je frappe à la porte, l'ouvre et m'excuse pour mon retard. Le prof n'avait pas encore fait l'appel, donc je pouvais entrer sans avoir de retard. Connaissant ce professeur, si j'avais eu le malheur d'arriver après l'appel, j'étais bon pour aller chercher un mot de retard à la vie scolaire. Dans ce cours, surtout depuis le Covid, je crois, le prof nous demande de nous mettre un par table, puisque nous sommes en demi-groupe. D'autant plus que nous avons retiré les masques, mais l'épidémie n'a pas disparu, des élèves sont déjà absents à cause du virus.

Je m'installe derrière Harry comme chaque fois, même si habituellement je ne lui parle pas. Je le salue, il me répond vaguement, mais reste concentré sur un point invisible au tableau. Un élève présente un exposé sur le rôle des médias. Ne me demandez pas dans quoi, je n'en ai pas la moindre idée. Je sais simplement que c'est le sujet sur lequel va porter sa présentation parce que le prof a eu le temps de le répéter trois fois depuis le début du cours.

J'essaye d'échanger quelques mots avec Harry, mais ce dernier ne semble pas très bavard. J'abandonne vide, pour le moment. On verra par la suite, s'il est toujours aussi silencieux. J'aimerais dire que j'aurai l'assurance de le confronter, mais j'ai peur de m'effondrer sur place si ce n'est pas le cas. Je me connais suffisamment pour savoir que même si je suis plutôt stable émotionnellement, lorsque mes sentiments s'en mêlent, généralement, je ne fais pas long feu.

Pendant l'exposé, le prof étant au fond de la salle et concentré sur ce qui est dit, pour évaluer l'élève, je sors mon téléphone et discute par message avec Liam, assis plus loin dans la salle. Je finis par recevoir une notification d'une autre personne et je reconnais être surpris lorsque je découvre qu'il s'agit de Harry. Il me dit que je ferais mieux d'écouter au lieu d'être sur mon portable, qu'un jour je vais me faire prendre. Je réponds simplement que pour me dire de ranger mon téléphone, il parle plus que lorsque je lui adresse la parole. Il m'explique qu'il est plus à l'aise par messages qu'à l'oral. Sauf que c'est l'inverse pour moi. Je suis bien plus à l'aise en parlant de vive voix que par message.

« On va finir par parler toi par message et moi à l'oral, ça va être facile la communication. » je chuchote à mon voisin de devant.

Je ne vois pas son expression mais je peux imaginer son sourire lorsque je vois sur mon téléphone s'afficher des emojis qui rient. Peut-être que la journée n'est pas si mal partie que ça, je me dis en souriant doucement avant de ranger mon téléphone.

Au cours de la journée, j'ai pu échanger un peu plus avec Harry, même si la plupart du temps il me répondait par message. Je fais avec, je ne le forcerai pas à me parler s'il n'en a pas envie. Je veux que ça vienne de lui. Pour le moment j'essaye de le convaincre de retirer son masque, mais il n'a pas l'air motivé. Il ne cesse de me répéter qu'il n'a pas envie d'attraper le virus.

« Tu sais qu'en portant un masque, tu protèges plus les autres que toi ? » je lui demande, curieux.

« Je sais, mais ça me protège un minimum. »

Je hausse les épaules. J'ai déjà eu une réponse orale, je ne vais pas me plaindre. Je lui demande si, en dehors du lycée, avec moins de monde autour, il accepterait de me laisser voir son visage. Il me répète que non. Je fais la moue, décidant que tant pis, à défaut de pouvoir dessiner son visage complet, je dessinerai le peu que je peux en voir et son masque. En me voyant sortir mon carnet de mon sac et un crayon, il me demande ce que je fais.

« Je vais te dessiner. Je veux que tu te vois avec mes yeux. » je lui explique, bien que peu sûr d'être capable de le représenter de la manière dont je le vois.

Je sais déjà que je ne serai pas capable de représenter la finesse de ses traits et les différentes lueurs dans ses yeux.

« Hm... Tu sais, il y a des gens plus beaux que moi à dessiner.

- Et moi je te dis que c'est toi que je veux dessiner. »

Il est têtu quand il s'y met. J'ai pas choisi le plus facile. Si je l'avais choisi, déjà ! C'est pas de ma faute s'il a attiré mon regard à la rentrée et que depuis, j'ai du mal à le quitter des yeux. C'est très bizarre dit comme ça, pourtant, il faut dire ce qui est, dès que nous nous trouvons au même endroit, mes yeux tombent sur lui inconsciemment.

« Pourquoi tu acceptes de me parler, soudainement ? » je lui demande en commençant à le dessiner.

Je m'attaque d'abord à la forme générale de son visage.

« Pourquoi pas ? »

J'efface mes traits pour les refaire.

« Tu vas vraiment me faire croire qu'il n'y a aucune raison ? »

Je trace les contours de son masque, puis les endroits où je ferai une première esquisse de ses yeux.

« Et si c'était vraiment le cas ? »

Première esquisse, mais comme souvent, pas satisfait. J'efface les yeux.

« C'est le cas ? »

Maintenant ce sont les premières ébauches de ses cheveux qui ne plaisent pas.

« Non. »

Je recommence jusqu'à trouver quelque chose qui me semble correct.

« Voilà. Du coup ? »

Ce n'est qu'une simple esquisse, je n'ai pas assez de temps pour peaufiner mon dessin.

« T'as déjà fini ton dessin ? »

Je me concentre sur lui, sur ses émotions, je veux dire. Je hausse les épaules.

« Ce n'est pas parfait. Je serais incapable de faire voir précisément ce que je vois. Parce que ton visage change d'expression tout le temps et il me faudrait des heures pour n'en représenter qu'une petite partie. Si j'arrive à montrer comme je te vois. »

Je tourne mon dessin vers lui.

« Ce n'est pas moi.

- Si.

- Non. Sur ton dessin, le garçon est beau. Je ne le suis pas.

-Tu l'es, tu n'es juste pas encore capable de t'en rendre compte. »

Masqué [L.S]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant