Chapitre 4

8 2 4
                                    

J'ai l'impression que les paroles échangées entre mamie et les parents d'Élias ne se termineront jamais, c'est interminable. Je vois un regard complice entre mamie et la mère d'Élias et enfin le silence revient. Mon ancienne belle-mère se tourne vers moi et son fils avant de nous demander de sortir dehors prendre l'air. Je vois Cléa exiger de partir avec nous puis se taire soudainement. Je ne peux m'empêcher de la fixer, elle veut m'empêcher de faire quoi que ce soit. Élias me frôle le bras pour me dire qu'il faut y aller et que nous n'avons pas vraiment le choix. Il ferme la porte d'entrée et ça y est, nous sommes tous les deux face à notre passé si tumultueux. Nous marchons tous les deux sans prononcer un mot, j'avais oublié à quel point il peut être froid quand il le veut, quand il m'en veut.

Après plusieurs mètres parcourus je décide de prendre la parole, ça va être long sinon :

« Tu vas bien ?

- Oui, et toi ?

- Plutôt bien. Tu penses que ta mère aurait..?

- Fais exprès oui, c'est certain même. »

Le silence est de retour et je sais pertinemment qu'il ne fera aucun effort pour tenter de retrouver le lien qui nous unissait. Ce lien qui a disparu et que je tente en vain de retrouver, seule. Nous marchons toujours, il fixe le sol pendant que moi je le fixe lui. Une pensée meurtrière me revient en tête et je sais que je dois lui en parler :

« Je sais pour toi et Cléa.

- De quoi tu parles ?

- Tu l'as aimée, elle.

- Tu veux dire, physiquement ?

- Oui exactement, murmurais-je comme pour lui demander d'arrêter ce supplice.

- Pas le moins du monde, jamais je n'aurais pu, enfin tu vois, je veux dire je ne l'aime pas vraiment et je te l'ai dit la dernière fois.

- Tu sais si peu mentir.

- Victoire, s'exclama-t-il en s'arrêtant et en me prenant les mains, tu dois me croire, je pourrais te le jurer s'il le fallait, je n'ai pas fait ça.

- Sûr ?

- Certain. »

Je me tais pour un moment, une partie de moi le croit et l'autre refuse de le faire. Je tourne la tête à ma gauche juste pour me couper de cette vue, de sa beauté, quelques minutes. Il me caresse la paume de la main.

Il fait nuit noire dehors, il n'y a pas un bruit, pas un dérangement. Je sais bien, c'est là, c'est maintenant mais je ne peux pas ; l'imaginer dans le même lit qu'elle m'est insupportable :

« Alors tu as dormi avec elle.

- Pourquoi veux-tu forcément que je fasse quelque chose avec elle ? C'est une amie même si elle veut plus, ce n'est pas mon cas je te rassure. »

Je sens ses doigts se poser sur ma joue et me tourner lentement la tête. Mes yeux sont plongés dans les siens et je ne veux plus bouger, il me caresse la joue :

« Je peux ? »

J'acquiesce. Je sais très bien que j'en ai besoin. Il approche son visage du mien doucement, en toute tendresse. Ses lèvres effleurent les miennes avant que ma pupille soit attirée par quelque chose. Je tourne d'un coup la tête et je comprends directement mon erreur. Il s'éloigne de moi et je le ressens mais je n'arrive pas à détacher mon regard de cette chose. Je m'approche doucement de cette lumière qui m'attire tant et plus je m'approche plus je sens comme un regret me dévorer, comme si ce geste aller être l'un de mes plus gros regrets. J'arrive à hauteur de cette lumière et en m'accroupissant je me rends compte que c'est une gemme rouge vive. Je tends la main vers elle mais je suis arrêtée par Élias qui m'attrape le bras :

« Qu'est ce qui te prend ?

- Cette gemme m'intrigue.

- La dernière fois que tu as été intriguée par une gemme c'était dans la tour avec cette chose violette.

- La fois où tu m'as embrassée, dis-je en parvenant à porter mes yeux sur lui.

- À ton avis ça fait quoi ?

- Rien, mais elle est magnifique je la prends. »

Élias a toujours la main posée sur mon bras. Je m'apprête à prendre la pierre quand encore une fois Élias m'empêche :

« Victoire, je pense qu'il vaut mieux la laisser là.

- Pardon ? Elle doit valoir une fortune il en est hors de question.

- Justement, réfléchis, qui aurait eu l'idée de perdre quelque chose de si précieux ?

- Il l'a peut-être faite tomber.

- Victoire, tu le sais autant que moi, c'est un piège. »

Il se relève et commence à partir. Je me relève aussi et m'apprête à le suivre mais c'est plus fort que moi, je prends soin de prendre la gemme sans qu'il ne le voit. Je la fourre dans ma poche et cours pour revenir à sa hauteur. Nous marchons jusqu'à un banc et nous nous asseyons dessus. Il évite mon regard et tout contact, je l'ai blessé en gâchant ce moment : j'aurais pu sentir ses lèvres sur les miennes de nouveau. Son regard est porté sur sa maison, je ressors donc la gemme de ma poche et la regarde de plus près. Elle se met à briller de plus en plus jusqu'à m'aveugler, Élias se retourne vers moi et n'a pas le temps de faire quoi que ce soit. Il pose sa main sur mon bras et tout autour devient d'un noir terrifiant.

L'Autre Monde 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant