L'Autre Monde 3

Chapitre 6

Je rouvre les yeux et me rends vite compte que je me suis endormie, je ne sens plus la chaleur qu'Élias m'apportait et je ne tarde pas à m'inquiéter. Je me lève en baladant mes yeux dans toute la pièce. Je finis par le voir assis dans un coin, un livre entre les mains et le visage fermé. Je le fixe intensément comme si j'attendais quelque chose. Il lève les yeux vers moi et m'adresse un sourire.

J'ai l'impression de remonter dans le temps, comme si ça faisait des années qu'il ne m'avait pas souri avec cette sincérité. Je lui rends son sourire et sans dire un mot je reprends la pierre qui se trouve toujours au sol. Je sens un regard dans mon dos, celui d'Élias. Je prends mon courage à deux mains : me retourne et lui demande :

« Retour aux sources de quoi ?

- Je ne veux pas m'avancer mais j'ai le sentiment qu'elle parlait de nous...

- Nous, répétais-je en soupirant, un grain de tristesse dans la voix.

- Oui nous. Je voulais juste te parler de Cléa. »

Je lui tourne le dos de nouveau et m'avance vers la sortie. Il sait très bien dans quel état cette relation étrange peut me mettre et il prend quand même la peine de plus me faire souffrir. Je l'entends se lever et s'avancer après. Il m'attrape le bras et me plaque contre lui.

« Tu ne partiras pas d'ici tant que nous n'en aurons pas parler. Je ne sais pas où on est et on risque peut-être de laisser nos vies ici, alors par pitié écoute-moi.

- Lâche moi Élias. Tu veux juste mourir le cœur apaisé, et tu sais bien que le mien ne le sera pas puisque je sais ce qu'il y a entre vous.

- C'est-à-dire rien.

- Fiche-toi de moi, continue.

- Je crois aimer quelqu'un d'autre qu'elle.

- Elle.

- Non...c'est difficile à dire mais...

- Tais-toi une bonne fois pour toute Élias. »

Je réussis à me détacher de son étreinte et par la même occasion j'ai laissé un blanc irrécupérable entre nous. Il retourne s'asseoir là où il était sans dire un mot de plus. Je détourne mes yeux de lui et me plonge dans la découverte de la pierre : elle a des contours parfaitement tracés, comme polis, un rouge vif qui hypnotise. Elle parait très ancienne et très neuve à la fois. Je n'arrive pourtant pas à me concentrer sur elle, mes yeux se reposent sur Élias, qui n'est lui non plus tant concentré. Il finit par me regarder et je ne peux m'empêcher de le fixer dans les yeux. Nous nous fixons sans s'échanger un mot. Je vois une lueur de tristesse passée dans ses yeux avant qu'il ne détourne le regard. Je reprends :

« Que voulais-tu me dire à propos de Cléa ?

- Il n'y a rien entre moi et elle Victoire, je pourrais te le jurer.

- Pourtant elle est entrée dans ta chambre.

- Nos parents s'entendent super biens, ils sont très bons amis, je n'ai pas le choix Vic'. »

Il est très bref et froid quand il me parle désormais. Il n'y a plus cette flamme entre nous, enfin de son côté.

« Viens s'il-te-plait, lui demandai-je tout à coup. »

Il se lève et s'avance vers moi en déposant son livre au sol avec sa délicatesse habituelle. Il s'assoit en face de moi et attend que je prenne la parole. Je place la pierre entre nous deux, pose une de mes mains dessus et avec l'autre je prends la sienne et la pose sur la pierre. Nos doigts se frôlent comme la pierre est assez petite. Je ferme les yeux et je sais qu'il imite mon mouvement puisque je sombre dans le noir.