Chapitre 3 : Deux pour le prix d'une

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Hiyori en laissa tomber son crayon. Assise derrière le comptoir, un large sweat recouvrant ses épaules et la capuche remontée sur sa tête, la jeune fille regardait fixement son interlocuteur, abasourdie.

" Mais je peux pas te tatouer ça ! " S'étonna-t-elle.

Après de rapides remontrances de la part d'Usopp, la rouquine était revenue s'entraîner au salon de tatouage, non sans se faire pardonner en préparant chaque rendez-vous avec minutie. La semaine de vacances qui suivait les examens lui avait permis de se concentrer sur son apprentissage.

" Tu peux pas vraiment refuser, je te rappelle la claque que tu m'as mise ? Rétorqua Law, accoudé en face d'elle.

- Mais c'est pas un refus pour t'emmerder, je suis incapable de faire ça !

- Va pas nous faire perdre un client Hiyori, souffla Usopp depuis le fond de la boutique.

- Il va même pas payer ! " Lui répondit-elle.

Arrivé à l'improviste après une garde, le chirurgien en avait profité pour exposer son projet de tatouage. La pièce mesurerait près d'une trentaine de centimètres de large, sur environ quarante de long. De ce qu'avait compris notre protagoniste, le motif représenterait un large cœur stylisé, rempli par endroit, avec un sourire en son centre, le tout avec le coup de crayon qu'il avait repéré chez la future tatoueuse. Plus elle l'entendait lister ses idées, plus elle regrettait de lui avoir proposé. Un projet de cette taille ne conviendra pas du tout à une novice, Hiyori le savait et se décomposait peu à peu.

" Si je me foire, c'est à vie sur ta peau, t'es malade.

- Alors te foire pas, lui ordonna-t-il. Y'a pas quarante tatoueurs dans le coin, et aucun n'a ton style. "

La remarque, bien qu'assénée froidement, fit rougir la jeune fille. Son style, elle le travaillait depuis des années, avant même d'imaginer s'orienter vers ce métier. Elle imitait, recopiait, mixait, créait, recommençait. Chaque feuille blanche se remplissait toujours de mille et une idées. Hiyori ne se fermait aucune porte, acceptant d'explorer tous les concepts, griffonnant jusqu'à épuiser ses pensées. Évidemment qu'elle voulait se lancer dans un tel projet, mais le timing lui paraissait tout sauf opportun. Dans un soupir, elle hocha la tête, acculée face à sa promesse d'il y a quelques jours. Sans fixer de date avec son voisin, elle lui promit de travailler sur le sujet et de lui faire des propositions variées.

La rouquine en profita pour rentrer avec Law, notant sur un calepin en mauvais état tous les détails qu'il pouvait lui fournir sur l'idée qu'il se faisait de son futur tatouage. Curieuse, elle jeta quelques coups d'œil à ses bras dénudés. D'autres dessins les recouvraient : deux, identiques, sur ses avant-bras, une sorte d'insigne sur le dessus de ses mains, et des lettres capitales sur ses phalanges. Rangeant son stylo dans sa poche, elle saisit la main du brun sans l'avertir pour observer de plus près l'inscription. Surpris, il se stoppa, regardant d'un air interloqué la jeune fille approcher ses yeux de sa peau. Le mot "Death" recouvrait ses doigts. Un mince sourire s'étira sur les lèvres de notre protagoniste. Elle souffla du nez en pensant aux propres lettres inscrites sur son poignet. Décidément, un monde les séparait. Sans sourciller, Hiyori reprit sa marche en direction de l'impasse, troquant ses questions sur le projet de son client, contre d'autres, sur sa venue dans cette petite ville. Avare de mots, l'interne lui expliqua rapidement ses motifs, peu enclin à dévoiler sa vie à une inconnue. Une attitude qui ne dérangeait pas le moins du monde la rousse, capable de tenir les conversations à elle seule, vantant chaque boutique de chaque rue de sa commune avec une énergie débordante.

Si l'animosité qui la tenait lorsqu'elle voyait le brun disparaissait de jour en jour, sa boule au ventre revenait à chaque fois qu'elle l'observait passer le pas de sa porte, dévoilant, l'espace de quelques secondes, l'intérieur de cette maison qu'elle pensait maudite. Ce jour-là, elle n'eut pas le temps d'y réfléchir plus longtemps : arrivée dans son dos, une voiture tout-terrain klaxonna, la faisant sursauter. Hiyori reconnaissait ce son sans mal. Elle eut à peine le temps de faire volte-face, que Luffy sortait du véhicule en marche. L'un et l'autre se sautèrent dans les bras, trop heureux de se retrouver après plus d'un mois sans se voir. Tout comme son père, le jeune homme avait pris la voie de la pleine nature. L'entreprise de Dragon s'adressait autant aux professionnels qu'aux particuliers : les premiers faisaient appel à lui pour ouvrir des sentiers d'escalade en haute montagne, les seconds s'inscrivaient à des cessions de plusieurs semaines pour partir à l'aventure. Un mode de vie qui leur convenait parfaitement, d'autant que les retours à la maison étaient loin d'être désagréables.

Le gars d'en face [Law X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant