Anges déchus - L'empire maudit

Chapitre 1

4 Mai 1865
Des bruits coururent dans tout Paris. Une prostituée avait été retrouvée déchiquetée au XVI ème arrondissement. Le sang avait envahi la chaussée et avait plongé la ville dans la terreur. Les bourgeois murmurèrent que cela avait été l'œuvre d'un ouvrier qui voulait punir sa femme pour tromperie. D'autres murmurèrent que ce meurtre pourrait être l'œuvre d'une bête sauvage qui ne faisait que errer dans les rues de Paris ou le sacrifice d'une secte. Thomas alluma un briquet et porta la flamme à son cigare. Il n'entendait que des sottises. Il savait que c'était une créature infernale qui avait déchiqueté la pauvre femme et non un ouvrier, une secte ou une bête normale.

- Que des sottises, murmura le jeune homme qui se tenait à côté.

- Les Parisiens sont sots comme les Londoniens, Alexander.

Les yeux noirs d'Alexander fusillèrent le jeune homme.

- Je veux dire qu'ils sont sots comme quelques Londoniens, rectifia Thomas.

Thomas savait que le cœur de son ami avait été brisé par un mortel britannique. Ils étaient tous deux amants et s'aimaient à la folie. Mais lorsqu'Alexander fut assigné à Paris pour l'échange entre Académies, l'amant n'exprima que sa colère et sa tristesse et décida de rompre les liens.

- Tu sais tu pourrais trouver quelqu'un qui te plairait, dit Thomas en fumant.

- Il a été ma raison de vivre, Thomas. Je ne pourrai jamais trouver un homme aussi passionné que lui, soupira Alexander. D'ailleurs où est James ?

- Je l'imagine en train de séduire des demoiselles. Il m'a confié qu'il ne trouvait aucune sorcière charmante à Paris.

- James et son esprit de libertinage, soupira Alexander.

Thomas jeta son cigare et l'écrasa. Ils marchèrent quelques heures dans les larges rues de Paris. Thomas aperçut au coin de l'œil, l'Empereur au côté de son épouse. Cette apparition dégoûta le jeune homme. Ils avaient l'air d'être un couple parfait, sorti d'un conte de fée mais l'Empereur régnait tel un tyran. Il avait censuré la presse, fait un coup d'Etat et avait envoyé plusieurs opposants politiques dans les colonies. Le sorcier ne comprendrait pourquoi le peuple le soutenait.

- Allons, Thomas, l'Empire n'est pas notre affaire, déclara Alexander.

La jeune femme s'assit sur un fauteuil de velours en triturant ses doigts. Ses parents allaient lui présenter un charmant prétendant qui avait bonne réputation et qui venait d'entrer à l'école militaire de Saint-Cyr. Hortense ne voulait que faire plaisir à sa famille. Après le scandale de son frère Augustin qui avait entaché l'honneur de la famille Montmorency, ses parents se pressaient pour elle de trouver un fiancé qui avait bonne réputation et qui avait prêté serment à l'Empereur. En rentrant de sa promenade au avec son amie Irène de la Guéronnière au jardin des Tuileries, ses parents exprimèrent leur joie et expliquèrent à cette dernière qu'ils avaient trouvé un bon parti pour leur fille.

Hortense regarda l'heure. « Il est peut-être en retard », pensa-t-elle. Les portes du salon s'ouvrirent et révélèrent un jeune homme élégamment vêtu d'une veste militaire bleue marine, d'un pantalon qui soulignait davantage sa veste. Sa veste bleue comportait des épaulettes dorées. Ce n'était pas seulement le côté élégant qui impressionnait Hortense mais également son physique qui attirait la jeune fille. Le jeune homme avait de courts cheveux blonds, ses traits étaient fins, ses yeux bleus pouvaient capturer le cœur des jeunes filles et l'ombre de sa moustache se distingua de sa peau légèrement bronzée. Hortense le reconnut. Léopold Niel, fils du ministre de la Guerre, Adolphe Niel. Il était très connu certes d'être le fils du bras droit de l'Empereur mais également pour sa personnalité calme et réservée. Il était très apprécié par la Cour mais également par l'Empereur. Le jeune homme s'agenouilla, prit la main de la jeune fille et l'embrassa. La jeune comtesse ne sut cacher sa gêne.