Akaashi n'avait jamais été aussi abattu de toute sa vie. Il s'entêtait à croire que son train-train quotidien continuait son cours comme il l'avait toujours fait. Que ses ressentis, ses émotions et son attitude n'avaient rien à envier à sa vie d'avant.
Sa vie avant Bokuto.
La vérité c'est qu'il matérialisait vraiment son quotidien comme un train élancé sur une voie ferrée, glissant continuellement entre les rails jusqu'au jour où il lâcherait son dernier soupir. Mais alors qu'Akaashi avait toujours voyagé en son sein l'esprit tranquille, cette dernière semaine il devait courir à cent à l'heure à côté de l'engin pour avoir ne serait-ce que l'espoir de se raccrocher à quoique ce soit et ainsi ne pas tomber.
Depuis sept jours, il observait presque chacun de ses gestes d'un point de vue extérieur à sa propre vie, sentant le train partir sans lui. On aurait pu dire qu'il avait laissé les rennes au Akaashi muni de ce bouclier qui l'avait toujours protégé dès lors. Ce même bouclier que Bokuto avait fissuré en entrant dans sa vie platonique comme une bombe de bonne humeur et de gaieté.
Keiji savait pertinemment qu'il n'avait d'autre choix que de reprendre contrôle de ce train dont il était le seul conducteur et pourtant, c'était comme si les commandes lui étaient inatteignables.
La soirée chez Kuroo était tout autant la meilleure que la pire de toute sa vie. Il savait qu'il lui était interdit d'en apprécier les faits, car ce n'était pas juste. Car il ne pouvait pas s'attacher ainsi alors que tout disparaîtrait dans quelques jours seulement. Il n'en avait pas le droit, car il savait que si il se mettait à espérer, il n'en tomberait que plus bas et ne parviendrait pas à se relever. Il le savait au plus profond de lui alors même qu'il n'avait jamais eu de problèmes à venir sur Tokyo depuis sa maison natale de campagne lors de son premier déménagement. Ou justement était-ce parce que cela ne lui était jamais arrivé qu'il le redoutait foncièrement.
Ça n'avait aucun sens. Jamais il n'aurait cru que la maison d'architecte initialement hostile viendrait à lui manquer ; qu'il regretterait la vie paisible et la tendresse de son paternel pour les absences à répétition de sa mère et ses grands airs.
Akaashi errait dans la rue, essayant tant bien que mal de ne pas ressembler à l'âme en peine qu'il était intérieurement. Se focaliser sur son lit douillet qu'il rêvait actuellement de retrouver était une vaine tentative d'ignorer son corps et son esprit à bout de nerfs.
– Hey Akaashi !
Kuroo apparut à ses côtés, légèrement essoufflé. En jetant un œil au brun, son sourire habituel se déroba légèrement.
– Bonjour Kuroo-san.
– Qu'est-ce que tu fais là ?
– Je rentre chez moi.
– Ah oui ? Je pensais que tu passais par le parc habituellement. lanca le capitaine, innocemment.
Akaashi daigna finalement tourner la tête vers son interlocuteur pour croiser son regard sérieux et surtout un air inquiet qu'il ne camouflait apparemment pas très bien. Keiji était trop préoccupé pour remarquer que Kuroo lui-même n'avait rien à faire officiellement dans ces ruelles, Nekoma se trouvant presque à l'autre bout de la ville.
– Ce chemin y mène aussi. Répondit-t-il, platement.
Le regard que lui adressa Kuroo était on ne peut plus explicite mais Akaashi décida de l'ignorer. Il n'aura pas beaucoup plus de la part de l'éternelle impassibilité du passeur de Fukurodani, d'autant plus depuis qu'il s'était davantage renfermé sur lui-même.
– Qu'est-ce qu'il t'arrive Akaashi ?
Les yeux ambrés de Kuroo tentèrent vainement de sonder son visage fermé. Le brun garda le silence, poursuivant son parcours digne d'un labyrinthe à travers les rues résidentielles. Après une longue minute de flottement pesant, Kuroo lâcha un soupir.
– Je comprends que tu ne veuilles pas te confier à moi mais ... Ecoutes, Bokuto est en train de mourir d'inquiétude tu sais ?
Akaashi ne répondit toujours rien même si un muscle de sa mâchoire le trahit légèrement. Il était au courant de l'attitude changée de Bokuto, (comment ne pourrait-il pas l'être?) mais l'entendre de vive voix serra son cœur un peu plus dans sa poitrine.
– Je ne comprends pas ce qui se passe, et lui encore moins. Reprit-il. Mais ne crois-tu pas qu'il mérite de savoir ? On dit souvent, Akaashi, « C'est lorsque qu'on perd quelque chose qu'on prend conscience de son importance »
Keiji ouvrit la bouche pour répliquer, mais sa gorge serrée ne lui laissa rien ajouter.
– Plus tu attendra, plus ce sera compliqué. Pour tous les deux.
Sur ces mots, Kuroo étreignit tendrement l'épaule de son cadet en guise d'au revoir et de soutien silencieux. Il s'éloigna alors, rebroussant chemin, ce qui fit enfin remarquer à Akaashi qu'il ne l'avait pas trouvé ici par hasard.
Le coeur dévasté et les nerfs encore plus aptes à lâcher que précédemment, Akaashi sentit une vague d'adrénaline remonter le long de son échine. Dans son esprit tournoyaient les mots de Kuroo tel une tempête et dans son corps cette tornade le fit trembler. Pris d'une bouffée de réalisation, il se mit à courir sans plus d'hésitation.
Sa gorge le brûlait et ses muscles bouillonnaient, mais rien n'était plus puissant que le poids sur son cœur alors qu'il enchaînait les foulées. Il s'imagina plusieurs fois au bout du terrain de volley, à devoir le traverser entièrement en courant pour ne pas laisser filer une merveilleuse passe à l'attention de Bokuto. Il revoyait son champion s'élancer et frapper, encore et encore. Et se souvenir de son énergie presque incommensurable lui redonnait un coup de fouet pour ne pas ralentir l'allure.
Il traversa finalement le portail du parc et s'autorisa à avancer moins vite parmi les coureurs et promeneurs. La silhouette imposante et reconnaissable entre mille se dessina alors à quelques mètres devant lui.
Bokuto était là, assis sur son banc.
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Chaque jour [Bokuaka] (Inachevée)
FanfictionChaque jour, Bokuto, perché sur son vélo, pédale avec vigueur pour rattraper son retard. Chaque jour il dépasse ce mystérieux garçon qui marche d'un pas tranquille à l'intérieur du parc. Chaque jour leurs chemins se croisent sans jamais se rencontre...