NÉMÉSIS, LES ROSES DE ROME T.1 | Romantic suspens

65 | L'antre du diable

TW : sujet sensible

ROSALIA

J- inconnu

Heure inconnue

Lieu inconnu

J'espère que mon récit a été assez convaincant jusque-là. Je m'en voudrais si je n'avais pas réussir à attiser votre compassion ou votre pitié mais la carte de l'ange déchue et de la sainte souillée risque de ne plus prendre bien longtemps. Il serait donc regrettable que vous appreniez la vérité d'une autre bouche que la mienne.

Les Mexicains qui m'avaient traité de « connasse » et de « belle pute » ? Je leur ai fait manger leur propre langue avant de prendre mon avion, au sens propre bien sûr. J'en ai également profité pour traîner leur chef, Miguel, au bord du rio Bravo pour le simple plaisir de voir l'eau s'infiltrer dans les trous que j'avais creusés dans ses entrailles.

Cependant, le dernier homme dont j'ai vraiment savouré la mort était Augustin Prieto, le pantin qui gérait les Roses de Rome en mon nom et qui s'était cru assez malin pour négocier avec la Camorra sans que je le sache. J'ai apprécié tenter de discerner le moindre signe de culpabilité dans ses yeux alors qu'il buvait le champagne que je lui avais offert lors de ce dîner en tête à tête pour le remercier de ses efforts et j'ai été impressionnée par son visage aussi lisse que le mien tandis qu'il s'empoissonnait sans le savoir au polonium 210.

Ce soir-là, il lui restait à peine dix jours à vivre.

Alors, dix jours plus tard, il se tordait de douleur dans sa chambre d'hôtel et je l'ai regardé jusqu'à la toute fin, secoué de spasmes et vomissant ses tripes dans un dernier espoir de se purger. Une mort pathétique pour un homme qui l'était tout autant.

Après ça, il a été simple de simuler un assassinat napolitain, d'attirer les journalistes prêts à tout pour la moindre exclusivité, et de tuer la tête pensante de la Camorra pour faire croire à une vengeance de Rome. C'était tellement simple de se débarrasser de lui que je me suis demandé pourquoi j'avais mis tant de temps à le faire. Certes, Augustin m'avait permis de rester dans l'ombre quand il le fallait mais j'aurais dû savoir que le pouvoir été une drogue dont il ne pourrait pas se sevrer.

Un honneur sali ne se lave qu'au prix de représailles et il nécessite que l'ennemi expie ses crimes dans la violence la plus pure. Je suis la première à dire que l'orgueil est mauvais mais il n'est préjudiciable que si votre violence ne peut le dépasser. Soyez vaniteux mais soyez plus dangereux encore. Devenez un monstre et vous aurez le privilège de faire respecter votre nom dans le sang de vos ennemis. Devenez un fantôme terrifiant que les monstres moins cruels doivent apprendre à craindre pour survivre.

Ne vous contentez pas d'être un démon : devenez le diable.

Quand il a été certain pour mon père que j'étais devenue une poupée brisée qui lui obéirait au doigt et à l'œil sans rechigner, d'autres nous ont rejoint dans ce coin du monde où la mer est votre seule échappatoire. Leurs noms sont sans importance car ils sont morts avant d'avoir pu leur donner une quelconque signification. Au fond, ils ont de la chance de n'être pas resté plus longtemps là-bas.

Il m'arrivait parfois d'envier ce frère mort-né qu'on m'avait toujours caché. Dans un sens, la mort lui avait offert un chemin plus simple que celui qu'Alberto Spinam me ferait emprunter au fil de ses crimes. Choisir son nom pour renaître et me faire passer pour Félix Spinam était sans doute un moyen de l'obliger à regarder en face la vie à laquelle il avait échappée.

Je crois que j'aurais aimé qu'il vive à ma place.

Mais l'histoire que je veux vous narrer aujourd'hui est moins larmoyante que la perte d'une moitié que je n'ai jamais connu. Je veux vous raconter la première fois que j'ai essayé de tuer un homme de mes propres mains. Une première fois, c'est souvent plus marquant qu'on ne le voudrait alors un retour aux origines du mal s'impose.