- Chapitre IX -

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彡 Heeseung 彡

Attablé autour de notre repas, nous mangeons le contenu de nos assiettes. Comme à notre habitude personne ne prononce une seule parole mais aujourd'hui quelque chose est différent. Aujourd'hui deux des sept places autour de la table sont vides. En effet, les chaises de Jake et Jungwon sont restées vacantes alors que le repas est servi depuis un bon moment maintenant. J'observe du coin de l'œil leurs assiettes remplies de nourritures auxquelles personne n'a touché. Je n'ai pas vu Jake de la matinée et il me semble que Jungwon s'est enfermé dans sa chambre ce matin et n'en est pas sorti depuis.

Je finis pour ma part ma portion et sors de table. J'erre ensuite quelques temps dans la maison sans réel but. Je sors, je rentre. Je vais, je viens. Je monte je descends. Je tourne et retourne. Je laisse simplement mes jambes me porter là où elles le souhaitent.

Au final, mes pas me guident inévitablement jusqu'au piano. J'effleure du bout des doigts les touches de l'instrument, baladant ainsi ma main sur le clavier. Je ne ressens pas l'envie de jouer mais cela n'empêche pas le fait que ce simple objet dégage quelque chose qui me rassure et me procure une sensation de bien-être. Je crois même sentir les muscles de mon visage dessiner une nouvelle expression sur mes traits neutres : mes yeux se plissent subtilement et ma bouche se tord légèrement. La vue de ce piano et la froideur des touches lisses de l'instrument sous mes doigts y sont pour quelque chose, j'en ai conscience.

Soudainement, une note plus que mauvaise résonne dans la pièce, brisant ma petite bulle de paix et imprégnant mon visage d'une expression reflétant ma souffrance. Essoufflé, je retire vivement ma main qui vient de déraper sur l'instrument, et la pose sur ma poitrine.

Encore cette atroce douleur qui me foudroie la cage thoracique...

Avec un peu de concentration, je calme petit à petit ma respiration qui s'était très vite emballée, me remettant lentement de l'horrible sensation que j'ai éprouvé l'instant d'avant.

C'est alors qu'un deuxième son ayant pour effet de me glacer le sang, retentit dans ce salon vide. Un son, qui sonne bizarrement à mes oreilles. Cela fait tellement de temps que je ne l'ai pas entendu... Et puis dans cet endroit cela me paraît d'autant plus étrange de l'entendre.

Ce n'est pourtant rien d'autre qu'un simple rire, mais cela n'empêche pas un malaise de se former au fond de mon être.

J'ai comme la sensation que quelque chose cloche...

Et alors que ce son, continue sans s'arrêter, je réalise soudainement un détail qui me cloue sur place : c'est un rire, certes, mais c'est surtout le rire d'une femme.

Bientôt, il disparaît aussi vite qu'il est apparu, me laissant perplexe. J'attends d'avoir retrouvé pleinement mes capacités pour finalement me retourner. Je sonde ainsi du regard la pièce dans laquelle je me trouve. Elle est totalement vide, il n'y a pas l'ombre d'une présence en ces lieux.

Je ne sais pas vraiment où se trouvent les autres garçons, à part Jungwon qui est toujours dans sa chambre deux étages au dessus, mais il est certain qu'ils ne sont pas dans les parages et donc par conséquent ne peuvent pas être la source du bruit. Et puis, bien que la parole se fait rare en ces lieux, je sais qu'aucun ne possède une voix aux tons féminins, et encore moins un rire semblable à celui qui résonnait il y a quelques instants.

J'avance jusqu'au centre de la pièce, toujours à la recherche de quelque chose qui expliquerait ce qui vient de se passer, mais un nouveau son venant de derrière mon dos me paralyse une fois de plus.

Le piano. Quelqu'un s'essaie au piano. Touche après touches. Note après notes. Tout est disharmonieux, et sans queue ni tête. Les sons ne s'accordent pas entre eux, le rythme est cassé : ce n'est absolument pas agréable à entendre. Qui que ce soit, cette personne ne sait clairement pas jouer.

Cependant, c'est là que réside le problème. Je suis seul dans ce salon. Il est vraisemblablement impossible que quelqu'un m'ait contourné sans que je ne l'ai vu. La seule solution plausible que mon cerveau trouve face à ce mystère, est la présence d'un spectre qui hante la maison. Et encore, cela reste tout de même loin du rationnel.

Plusieurs longues secondes s'écoulent durant lesquelles j'hésite à me retourner pour comprendre ce qu'il se passe dans mon dos. En fin de compte, mon incompréhension de la situation me convainc de tourner la tête en direction de l'instrument, la lenteur à laquelle j'effectue le geste trahissant largement mon appréhension.

Je n'ai même pas encore le piano dans mon champ de vision, que des bruits de pas annonçant la venue de quelqu'un dans les escaliers, se font entendre. La cacophonie s'arrête immédiatement et prit de court je me retourne brusquement.

Personne.

Interloqué, je vais de nouveau aux côtés de l'instrument pour l'inspecter. Il ne me faut pas longtemps pour en arriver à la conclusion qu'il n'y a rien à voir sur ce piano. À ce moment-là, Sunghoon et Jay finissent de descendre les marches et font irruption dans le séjour. Je les regarde s'installer respectivement sur le canapé et l'un des fauteuils de la pièce, me fixant tout deux. Je comprends alors qu'ils attendent que je joue une mélodie comme j'ai l'habitude de faire. Ils ont certainement dû entendre tout ce qu'il vient de se passer et ont dû penser que j'en étais l'auteur, d'où le fait qu'ils se soient réunis ici. Après tout, c'est ce qu'ils font tous lorsque je m'assois au piano.

Je les fixe en retour quelques instants puis quitte le salon pour aller vers ma chambre. Je n'avais pas forcément envie de jouer tout à l'heure mais maintenant je suis certain de ne plus le vouloir du tout.

Une fois dans ma pièce personnelle, j'ouvre le petit tiroir de ma table de nuit et en sors le tube de médicaments qu'elle contient. Je retire le bouchon puis fait glisser un comprimé au creux de ma paume et le contemple.

Depuis quelques minutes la douleur dans ma poitrine est revenue, et bien que ce soit à un degré raisonnable que je puisse supporter, je n'aime tout de même pas cette sensation.

Je veux m'en débarrasser.

C'est l'une des seules choses dont je suis sûr en ce moment même.

Alors j'ingère le petit rond blanc qui, je sais par habitude, réalisera mon souhait. Je m'assois ensuite sur mon lit et attends patiemment que cela fasse effet. Et en une poignée de minutes le résultat ne se fait pas attendre : je me sens bien mieux.

Un léger soupir s'échappe de lui-même d'entre mes lèvres une fois ce poids envolé. Je me laisse ensuite lourdement tomber contre le matelas du lit, m'abandonnant définitivement à la contemplation de mon plafond pour le reste de ma journée.

Date de publication : 4 mai 2022.

I-Lᴀɴᴅ [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant