𝐂𝐮𝐫𝐬𝐞𝐝 𝐰𝐨𝐥𝐟 ᵏᵛ (en pause)

Chapitre 37 • Bête sanguinaire •

Cela faisait déjà cent ans que Jungkook était parti.

Et en cent années, beaucoup de choses avaient changé. Il avait changé.

Cela faisait en effet cent ans que Jungkook s'était reclus dans cette immense forêt qui était finalement devenue son habitat naturel à force d'y passer autant de temps. Il en avait fait sa propre maison, son propre territoire, même s'il était bien moins fort et imposant puisqu'étant un alpha sans meute. Mais Jungkook avait su s'en sortir, notamment en se construisant une petite cabane qui lui faisait office d'habitat, bien moins grande que le château dans lequel il avait grandi, mais tout de même suffisante pour une seule personne. Il s'y sentait à l'aise, chez lui, même s'il était incroyablement seul.

Durant ces longues années d'attente, Jungkook avait lui-même beaucoup changé. Bien qu'il n'apparaissait pas de grand changement en sa personne physique, juste quelques centimètres de plus et des cheveux légèrement plus longs, c'était surtout au niveau mental qu'un grand changement s'était produit. Le petit garçon qui courait dans les longs couloirs de son château avec un grand sourire peint sur le visage avait disparu pour laisser place à un adolescent au visage fermé et à l'aura froide. Et Yoongi le remarqua directement lorsque Jungkook entra dans le grand hall du château sous les acclamations du peuple présent.

Il se tenait là, droit, le visage dur et l'expression fermée, marchant avec conviction vers le trône, vêtu d'un t-shirt noir et d'un pantalon de même couleur, s'étant fait à ces habits bien plus confortables que ses anciens kimonos. Il avait également gagné en muscle, sûrement parce qu'en cent ans totalement coupé du monde, le sport était une des seules activités qui lui restait. Sa manière de se tenir avait également changé, elle était plus agressive. Plus méfiante. Là aussi il y avait une explication rationnelle, c'était la conséquence des nombreuses batailles qu'il avait dû subir et déjouer, seul une fois encore. Toutes ces attaques dirigées vers la meute lunaire qu'il avait dû défaire le faisait revenir avec des mains tachées de sang et une âme teintée de noir angoissant.

Pourtant, durant ces cent années, Yoongi avait continué à communiquer avec Jungkook. Au début, ils se parlaient constamment grâce à leurs pouvoirs psychiques. Jungkook lui racontait toutes ses journées, ses entraînements, ce petit coin de paradis près du lac qu'il avait trouvé et autour duquel il aimerait construire une maison pour son futur oméga, ses progrès concernant la maîtrise de la magie, cette douleur qu'il ressentait chaque seconde de son existence et qui commençait à lui peser, son manque de sa famille, de ses amis, son envie irrépressible de rencontrer son oméga... Il lui faisait part de tous ses plus intimes secrets et ses plus profondes pensées, plus qu'à Hoseok et Seokjin parfois, qui obtenaient tout de même des nouvelles quotidiennes.

Mais peu à peu, les conversations s'étaient faites de plus en plus courtes, pour au final ne donner lieu qu'à des prises de nouvelles peu récurrentes, courtes et impersonnelles. Et c'est à partir de ce moment-là, environ vingt ans auparavant, que Yoongi avait eu peur pour son ami. Il comprenait sa douleur, tout du moins essayait de la comprendre, et savait qu'il souffrait chaque instant, chaque seconde de son existence, mais il avait réellement peur de perdre son meilleur ami à cause de responsabilités divines qu'il trouvait absurdes...

Alors lorsqu'il vit son plus cher ami marcher sur la longue allée que créaient les corps entassés sur les côtés dans le hall du château, marchant la tête haute mais l'air absent, Yoongi eut vraiment peur de voir ce qu'il était devenu.

Avait-il été assez fort pour subir cent années de solitude ? Serait-il assez fort pour en subir cent autres ?

Lorsque Jungkook arriva en face du trône, son père et sa mère étaient tous deux levés, de grands sourires aux lèvres. La reine, cependant, paraissait moins enjouée, et devait elle aussi se rendre compte que quelque chose avait changé chez son fils. Mais en réalité, on ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, sachant qu'il avait passé autant d'années de sa vie à uniquement se battre et attendre, seul.