Mon regard resta fixé sur le chandelier doré, incapable de s'en séparer.
Je n'avais plus de force comme si toute l'énergie que j'avais l'habitude d'avoir s'était évaporée en quelques minutes.
15 minutes pour être exact.
Mes jambes tremblaient toujours quand je sortis de cette putain de pièce dans laquelle les murs étaient blancs comme le reste du palais mais les fenêtres drapées de grands tissus dorés rapetissaient la pièce.
Ou peut-être que c'était moi qui me sentais si petite.
Le sol paraissait tout aussi luxueux avec son sol blanc et ses dorures. Quand soudain l'horloge sonna pour annoncer une nouvelle heure me sauvant de cette situation. Je me relevai et fis ma référence comme exigé, mon regard toujours fixé sur le sol. Les yeux cloués sur ce blanc si pur, je me reposai contre la porte un instant reprenant son souffle.
Des pas semblaient se rapprocher, des pas plein de confiance.
Je ne controlai plus mon corps.
L'épée que je cachais dans ma botte se trouvait désormais pointée sur le cou du Prince, et le dos de ce dernier contre le mur.
Celui-ci, quand bien même surpris par mon geste, se cogna contre le mur mais ne manqua pas de rire face à cette situation, car après tout il savait pertinemment que rien n'allait lui arriver. J'aurais pu lui trancher la gorge si je le souhaitais. Il aurait pu demander à me faire tuer pour porter une telle arme mais il savait qu'il serait le premier à mourir, une épée dans le ventre agonisant de douleur. Mais aussi abasourdie que lui, je descendis lentement mon épée du cou du Prince.
Une goutte de sang tomba sur le sol blanc.
Nous remontâmes nos visages en même temps. Névi souriait toujours, un rictus au coin de la bouche en tant que signe de défi. Quant à moi, je ne manquais pas de lui montrer mon mépris à travers mes traits: mes yeux plissés et mes sourcils froncés empreints de colère. Pendant ces quelques secondes d'échange de regard, il était certain que la haine que nous éprouvions pour l'un et l'autre nous enveloppait, nous envahissait jusqu'à nous engloutir.
Je le détestais d'autant plus qu'il me voyait dans mon état le plus vulnérable. Mais je voulais être forte et ne jamais m'abaisser devant ces gens. Je rangeai mon épée, le dos droit, sans détourner mes yeux de ceux de Névi . Puis finalement je décidai de ne pas attendre la servante et de retourner au dortoir par moi-même.
-Il n'y a pas de doute, tu es bien la tueuse. lança Névi
C'était les premières qu'il m'avait adressées. Nous nous connaissions sans se connaître, et ce depuis des années. Tels l'automne et l'hiver, nous nous croisions sans pour autant s'entrecroiser. Je ne cessais de me questionner sur ce qu'il pouvait avoir de meilleur là-haut quand j'étais encore insouciante.
Les servantes mentionnaient de nombreuses fois la magnificence des lieux comme le déluge de nourriture qui circulaient dans les couloirs lors des fêtes tenues par la famille royale. Les gens d'en-bas étaient envieux de cet amas de mets inmangés que nous ne pouvions qu'observer et sentir. Les gens d'en-haut, eux, ne se rendirent pas compte du luxe qui se trouvaient devant eux.
Alors que je chancelais de faim durant l'année de mes quinze ans, le prince Névi se situait au balcon les avant-bras posés sur la balustrade et tenait dans sa main des petits-fours qu'il lança ensuite par-dessus le balcon sans y prêter attention. Un acte pour lui tout à fait banal. Dans ce geste, j'y vis de l'insolence et du mépris à mon égard, lorsque mon ventre comme ceux d'en-bas ne cessait de faire des bruits que je ne connaissais que trop bien.
Je n'avais jamais aimé ce prince mais j'avais appris à le détester à cet instant. Une animosité qui se répandait à l'ensemble des gens d'en-haut dont l'égoïsme en faisait souffrir plus d'un. Ils ne voyaient pas les gens d'en-bas ou du moins ne voulaient pas les voir.
Encore cachée dans les buissons afin de me reposer après un combat et sans être constamment regardée dans le dortoir, je décidai de sortir de ma cachette. Je me dirigeai droit à l'endroit où les petits-fours s'étaient écrasés avec mon corps qui me semblait déjà trop lourd de maux pour mes quinze ans.
Sans un bruit, j'enfournai la nourriture dans ma bouche. Névi sentit ma présence et se pencha pour m'observer. Nous nous fixâmes. Ces regards nous y avions l'habitude et ils demeurèrent pendant de longues années le seul lien qui nous unissait. Mais cette union ne se traduisait en rien en une quelconque affection seulement en de l'animosité.
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Les Feuilles Mortes
AdventureElle ne sait que tuer. C'est ce qu'on lui a appris depuis le plus jeune âge. On lui a appris également qu'elle n'était rien, elle, et sa peau couleur caramel. Jusqu'à ce qu'elle soit nommée pour protéger le Prince. Leur voyage leur permettra d'en ap...