Chapitre 8- Automne

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La porte se referma sur moi. Délaissée dans le froid de l'hiver, la neige accrochée à mes pieds comme m'empêchant de m'en aller, je brûlais sous le feu de la colère. 

Il voulait que je dorme dans la grange, sans un lit, sans chaleur. 

Je me détachai du poids de cette porte close pour me diriger vers cette fameuse grange. J'entendis de léger hennissements qui se rapprochaient peu à peu de moi quand se dégagea trois cheveux entourés de paille. Les voir me rassurait car je savais que je n'étais la seule à affronter ce temps glacial. Je retirai mon gant et montrai ma main à l'un d'entre eux pour tenter de l'apprivoiser, il la sentit puis je passai mes doigts dans sa crinière.

 La chaleur de nos deux peaux nous fit oublier ce froid qui nous transperçait. Je m'introduisis dans la grange, auprès de ce cheval, ce dernier décida de s'allonger et je me coucha à ses côtés oubliant les tiges de céréales qui me picotaient le dos. Je me blottis contre le cheval qui se montrait affectueux et me protégea de l'hiver. Je me rappelai que les animaux sachaient très souvent reconnaître votre peine et vous arborer de l'affection. Je n'étais plus abandonnée comme le prince avait su si bien le faire car la nature ne nous oublie jamais.

Je me révellai les cheveux plein de paille, je tentais tant bien que mal de les enlever mais en vain. Le soleil commençait à peine à se lever laissant transparaître un ciel rose. Les cheveux se tenaient tous debout observant cet horizon. Je me relevai moi aussi, les jambes chancelantes de ne pas avoir mangé depuis si longtemps. Le froid m'atteint également soudainement et je sentis que j'avais sans aucun doute attrapé froid au sein de cette grange. La gorge nouée, la voix éteinte, je dis au revoir aux chevaux et sortis de cet endroit. J'avais besoin de nourriture. 

Je parcourais les alentours de la maison à la recherche d'une entrée. En vain. Tout accès possible se trouvait fermé. Je me sentais de plus en plus faible, en besoin d'énergie. Je m'assis en dehors d'une entrée au fond de la maison au milieu de la neige sans savoir combien de minutes passaient devant moi. Le bruit de la porte se fit entendre et une personne de ma ressemblance se montra surprise de ma présence. 

Sa peau ébène brillait dans la lumière du soleil surmontée par une chevelure crépue servant d'auréole. Ce rayonnement qui s'amena à moi me fit oublier l'état dans lequel j'étais.

 Elle me regarda un long moment de haut en bas et repartit rapidement à l'intérieur de la maison. Elle revint en un instant, un morceau de pain, un œuf, une gourde d'eau à la main ainsi qu'une couverture au creu de son bras. Je la fixai étonnée d'une si grande attention de sa part. Elle me lacha un doux sourire laissant entrevoir ses dents du bonheur et retourna d'où elle était venue. Je mangeai doucement ce qu'elle m'avait apporté savourant chaque bouchée emmitouflée dans ma couverture. 

Je dus ensuite attendre le Prince daigner se montrer pour reprendre notre voyage. Il s'averait qu'il avait la bonté se prétenter plusieurs heures après. J'étais déjà retournée devant l'entrée principale quand celle-ci s'ouvrit dévoilant un Prince qui semblait avoir eu le droit de dormir sur un lit, d'avoir accès à une douche et un repas copieux. Il m'examina pareillement en saisissant de son regard le reste de paille dans mes cheveux et mon corps frigorifié de cette nuit passée à l'extérieur.

 Le contraste entre nous deux était flagrant car je savais que je sentais l'odeur des chevaux tandis qu'une fragrance de savon embaumait sa personne.

 Est-ce que je voulais le tuer à ce moment précis ? Oui, sincèrement.

 Je le protégais mais en retour je ne recevais rien de lui. Pendant un instant, je questionnais tout l'intérêt de mon aide. Je pouvais le laisser ici à la merci des habitants qui ne verrait qu'en lui que quelqu'un d'égoiste et condescendant. Je pouvais aussi lui crever le coeur à l'aide du couteau qui m'avait été fourni. Pourtant, je ne le fis pas car je savais que les conséquences auraient pu être énormes pour les gens d'en bas si je ne menais pas à bien ma mission. Alors, j'arrêtai d'avoir ces pensées et pris le contrôle de notre marche.

 Le Prince ne m'addressa toujours pas la parole et les seuls mots sortis de sa bouche depuis notre départ était "Tu dormiras dans la grange". Je ne pouvais pas lui parler car cela m'était interdit mais le silence était insoutenable car j'avais tout de même l'habitude d'échanger avec les gens d'en-bas.

 D'une certaine manière, j'en avais déjà beaucoup appris sur lui l'espace d'un jour car il était le type de personne à ne faire aucun effort. Il avait su le montrer lors des nombreux arrêts qu'il avait pu faire pour se restaurer ou tout simplement se reposer, ce qui avait le don de m'agacer.

 Cette excursion allait selon moi être longue à cause d'un Prince qui ne faisait rien pour le rendre le plus facile possible. Durant toute cette semaine, le Prince ne changeait pas son comportement. 

Nous passions entre plusieurs villages et chaque nuit le Prince réussit à trouver un endroit pour dormir mais ne me permit jamais d'entrer. Je devais donc trouver d'autres solutions comme prendre repos dans une cave ou un garage. Pour la nourriture, je parvenais à m'infiltrer rapidement dans les maisons et à chaparder un peu d'eau et de quoi manger sans que personne ne s'en apperçoive. Le Prince ne s'était jamais préoccuppé de savoir si je m'étais suffisamment ravitaillée ou si j'avais un lit pour dormir. Cette semaine se déroula ponctuée par mon animosité grandissante mais tout en n'oubliant pas veiller à la sécurité du Prince.

 Lors de notre huitème jour nous marchions et marchions quand j'entendis des pas qui tachait à se faire silencieux. 

Je tendis l'oreille à l'affut comprenant que quelque chose n'était pas normal. 

A peine retournée, je vis une ombre qui s'approcha du Prince et s'en perdre de temps je lui plantai mon couteau dans son coup qui se mit à gicler. 

Une vague de sang éclaboussa la tenue du Prince qui, bouche bée, les yeux ronds, resta planté les bras ballants face à cette scène.

 L'homme inconnu tomba et je pus reconnaître sa broche d'appartenance à un groupe rebel.

 Je commençai à procéder au reste de notre périple quand je vis que le Prince ne me suivit pas et se tenait toujours au même endroit dans la même position, les yeux rivés vers le corps sans vie du rebel gisant dans son sang et la neige. Je réalisai qu'il n'avait jamais vu de mort de sa vie et encore moi un meurtre sous ses yeux. Je pris alors sa main, le regardai dans les yeux et nous partîmes.

Les Feuilles MortesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant