Je détestais sa main tout comme ses doigts qui s'agrippaient aux miennes. Je ne voulais pas de cette main, que je venais à peine de voir trancher le cou d'un homme, serrer ce qui m'appartenait.
Il y avait bien quelque chose de dangereux à propos de cette main qui en instant pouvait se permettre de donner la mort ou de vous remettre en vie.
Je la lâchai alors brusquement car elle semblait s'embraser sous la mienne ne convenant pas à ma température.
Automne contempla nos deux mains séparées, et le regard de pitié qu'elle avait su me donner s'était transformé en dégoût perceptible à travers sa bouche retroussée.
Je ne savais pas vraiment si cela était de la compassion à mon égard quelques minutes plus tôt mais elle me voyait certainement comme quelqu'un incapable d'affronter l'horreur, incapable de voir un corps mort sous ses pieds, juste un incapable. J'avais réagi de manière inattendue face à cette abomination qu'Automne avait commise car je n'avais jamais vu de telles choses auparavant.
Pourtant, je n'oubliai pas qu'elle m'avait sauvé contre un homme qui paraissait m'avoir reconnu même avec l'accoutrement que je portais. Mais je ne pouvais pas lui montrer ma gratitude car avant toute chose j'étais le Prince et son devoir était de me protéger.
Même en tant que Prince, la peur de mourir parfois m'envahissait. Or je n'avais pas peur d'être assassiné par un piètre inconnu mais bien par Automne qui très souvent m'effrayait comme lorsqu'elle se décida à hacher le cou du jeune homme. Néanmoins, il m'arrivait régulièrement à penser qu'elle n'avait rien de terrifiant, ce qui me poussait à me moquer d'elle depuis petit.
Automne portait en elle ce contraste si évident entre son aspect dangereux et celui vulnérable que j'avais pu voir depuis petit. Lors de ce début de périple, il n'y avait pas un seul jour durant lequel sa présence consumait tout l'environnement aspirant le quelconque pouvoir que j'avais en tant que Prince.
Je savais que je voulais prendre le contrôle sur ce périple mais Automne semblait connaître chaque recoin de ce royaume, chaque feuille qu'elle avait l'habitude d'examiner entre ses doigts, chaque flocon de neige qui tombait devant elle et qui se glissait dans ses cheveux noirs. Elle n'avait peur de rien ni même de moi, le Prince qui me montrait bien plus effrayé qu'elle ne l'était.
J'avais particulièrement peur de cette nature qui nous entourait jusqu'à pouvoir nous engouffrer. Les gens d'en-haut n'avaient pas besoin d'être confrontés à tout cela: à la nature imprévisible et inapprivoisable qui nous malmenait jusqu'à bout. Nous ne voyions la nature que comme quelque chose nous empêchant à bien de mener notre vie, et non comme Automne comme quelque chose la ramenant à la vie.
Toujours une feuille à la main, une feuille morte, Automne parcourait le reste du village, tournant tour à tour son visage vérifiant que rien d'anormal se produise. Pendant ce temps, j'observais les recoins du village que je n'avais pas l'habitude de voir comme les savonneries avec leurs vitrines colorées, ou alors des boutiques de thé.
Automne s'arrêta subitement devant cette dernière, puis se retourna, fixa mon regard comme si elle souhaitait me faire passer un message.
Pour rien au monde, j'allais lui acheter du thé pour son propre plaisir. Je me rendis alors compte que peut-être elle était affamée et assoiffée mais cela n'était pas mon problème. Pourtant, Automne se rapprocha de moi, la main tendue de plus en plus près de mon visage.
Elle n'avait pas le droit de faire une telle chose, mais cela ne l'empêcha pas d'entrelacer ses doigts marrons avec mes cheveux blonds qui semblaient presque s'hérisser à leur contact. Elle ne me quitta pas des yeux lors de ce geste et essaya de me faire comprendre quelque chose que je n'arrivai pas à cerner.
Elle relâcha un instant mes cheveux pour toucher les siens sans abandonner mon regard et repassa ses doigts dans mes cheveux. Ce fut alors que je compris où elle voulait en venir: elle souhaitait que je me teigne les cheveux en noir.
Avec la précédente attaque, il était vrai que j'encourais à me faire remarquer rapidement et changer de couleur de cheveux pouvait donc m'aider à ne pas éveiller les responses. Je hochai la tête en signe d'acquiescement. Je suivis Automne dans le magasin à thé, elle arpenta les allées à la recherche du thé qu'il lui convient et, enfin un thé attira son attention. Je fis signe à la vendeuse que c'était celui que je voulais, elle l'emballa précieusement dans un sachet blanc entouré d'une ficelle dorée. Je payai puis nous sortîmes aussi vite que nous étions rentrés.
Je ne savais pas comment nous allions pouvoir faire cette teinture considérée la situation dans laquelle nous nous trouvions mais le jour commençait déjà à tomber, il fallait trouver un refuge pour la nuit.
Je savais que je n'avais pas de difficulté à me faire apprécier par les habitants qui tachaient toujours de me laisser ouvertes les portes de leurs maisons. Cette famille vivant dans une petite demeure était tout autant chaleureuse mais réticente à l'idée qu'Automne pose pieds à l'intérieur.
- Nous avons besoin de nous occuper de quelque chose, elle s'en ira une fois faite. les rasssurai-je
Nous nous glissâmes dans cette maison faite toute en bois dont les meubles marrons s'accordaient avec les murs boisés. La mère nous fit monter à l'étage et nous montra une chambre et sa salle de bain. Elle nous laissa ensuite seuls.
Automne sortit le sachet de thé de son sac puis se rendit compte qu'il manquait quelque chose. Elle se rendit en bas, les pas pressés claquant contre les marches de l'escalier. Automne revint quelques minutes plus tard tenant un bol d'eau bouillante. Elle placa les feuilles de thé noir dedans délicatement, se penchant devant moi. Je pus apercevoir une trace rouge sur sa joue, celle d'une main. Elle croisa mon regard un instant puis reprit une position correcte. Elle laissa l'infusion de côté sur le bureau. Elle vérifia par la suite chaque recoin de la chambre, une fois cela fait elle s'apprêta à quitter la chambre.
Depuis le début de ce périple, Automne dormait dehors et je ne m'en souciais par mais aujourd'hui elle avait su me montrer sa loyauté en me sauvant d'un assassinat.
-Tu peux rester ici pour la nuit. lui annonçai-je
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Les Feuilles Mortes
AventuraElle ne sait que tuer. C'est ce qu'on lui a appris depuis le plus jeune âge. On lui a appris également qu'elle n'était rien, elle, et sa peau couleur caramel. Jusqu'à ce qu'elle soit nommée pour protéger le Prince. Leur voyage leur permettra d'en ap...