Chapitre 7 - Névi

11 2 0
                                    


Les cris de la petite fille se faisaient toujours entendre mais Automne nous dirigea par une porte cachée du palais afin de ne pas nous faire remarquer. Une fois dehors, le vent se frotta contre mes joues faisant parcourir mon corps de frissons. Automne, se trouva à mes côtés, les sourcils froncés et le regard droit devant elle. Je ne lui adressai pas un mot pendant de longues heures tandis que mon cerveau se demandait dans quelle genre de situation je m'étais retrouvé. Je savais qu'elle me méprisait au plus profond d'elle, cela se voyait par ses traits. Elle n'avait pas besoin de me l'avouer. 

 Quand j'avais appris la nouvelle qu'elle était nommée pour me protéger lors de ce périple, je m'étais tout de suite insurger contre la décision de mon père car je ne souhaitais en aucun cas devoir cohabiter avec Automne pour quatre ans. J'en savais assez à son propos pour me rendre compte qu'elle avait un tempérament de feu allant à l'encontre du mien plus glacial. 

Comme elle ne pouvait pas m'interpeller, j'avais pour moi seul le pouvoir d'entamer une conversation, mais je ne le fis pas. Je la laissai nous guider au milieu du silence avec la carte que notre père nous avait fourni qui servait de génération en génération pour nous repérer à travers le royaume. Nous ne devions pas passer par le centre du royaume car les habitants risquaient de me reconnaître.

 Nous ne pouvions percevoir que le bruit de nos pas s'écrasant contre la neige, une neige qui m'empêchait d'avancer correctement. Automne jeta de tant à autre des regards derrière et autour d'elle pour me surveiller et voir si je la suivais. Elle marchait à une allure qui montrait qu'elle était habituée à ce type de situation mais pour mon cas cela s'avérait plus épineux. Le froid me coupait la respiration laissant pour trace une fumée blanche, et mes doigts commençaient déjà à se gélifier. Automne ne semblait pas subir de telles souffrances et ni de se préoccuper des miennes. Elle se chargea simplement de nous conduire là où nous devions aller sans regarder la carte comme si elle connaissait le royaume comme sa poche. 

Je ne passais jamais par ces chemins reculés, voir devant moi ces paysages contrastaient avec ceux auxquels j'avais l'habitude. Les maisons me paraissaient bien plus petites et moins blanches, tachées par l'automne qui avait pris fin. Les gens d'en-bas essayaient tant bien que mal de dégager la neige des portillons. A leur vue, Automne se cacha sous sa capuche histoire ne pas éveiller les soupçons dissimulant ses cheveux frisés au sein de son vêtement. 

Nous poursuivîmes notre marche pendant un long moment jusqu'à ce que je trouve une taverne afin de me ressourcer. Automne interloquée par mon arrêt soudain, resta plantée devant le lieu. Je mis ma capuche pour tenter de passer inaperçu.

 La taverne était tamisée avec pour seules lumières celles sur les tables. Je m'assis à l'une d'elle, et commanda un des plats dont je ne connaissais pas le nom. Le serveur m'apporta ensuite quelque chose qui ressemblait à du ragoût dont l'odeur me dégoûtait. Je goûtais petit à petit ce plat qui ne me plaisait pas. Luttant contre ce qui se trouvait devant moi, j'essayais de finir ce ragoût le plus rapidement possible. Je bus mon verre d'eau à toute vitesse également. Je partis payer avec l'argent que le roi m'avait offert pour ces quatre ans, peu pour ce que j'avais l'habitude. Il ne pouvait pas me donner plus pour ma propre sécurité. 

Automne m'attendait devant la caverne, les bras croisés et toujours son regard sombre. Je lui fis signe de continuer notre périple, mais quelques minutes plus tard j'eus l'envie de me soulager. Je n'avais jamais fait une telle chose au plein milieu de la nature, je déboutonnai mon pantalon et s'ensuivit ce qui s'ensuivit. Je compris qu'Automne fit la même chose quand je nous entendis être à l'unisson. Une fois fini, je croisai le regard d'Automne, embarrassé qu'elle m'avait aussi surpris dans cette situation inhabituelle, je détournai mes yeux d'elle. Nous reprîmes notre chemin, Automne se trouva toujours devant et le bruit de nos pas restait le seul écho à travers cette nature.

 Nous marchions encore pendant plusieurs heures quand je m'arrêtai devant un arbre pour m'assoir et me reposer. Automne et ses cils fournis firent de grands yeux abasourdie par une telle action. Elle ne s'accroupit même pas mais resta près d'un arbre à contempler son bois.

 Cette scène surréaliste se déroulait devant moi: Automne, la tueuse du royaume en train de caresser délicatement l'écorce. Je n'avais jamais vu quelqu'un se comporter de la sorte. Elle touchait de ses doigts chaque plis de peau de cet arbre sans me prêter d'attention, puis elle déposa ses deux mains plates contre l'arbre et son front contre l'écorce. Mes yeux restèrent écarquillés face à ce théâtre. Elle paraissait écouter l'arbre, sentir son pouls sous ses doigts comme si elle et la nature ne faisait qu'un. Automne s'était toujours montrée brute en ma présence mais, durant ce court moment, je pus apercevoir pour la première fois son inclinaison fragile et gracieuse, ne serait-ce qu'un peu.

 Elle se releva doucement, expira et se retourna vers moi sortie de sa transe. Je repris de l'aplomb et elle comprit que j'étais prêt à reprendre notre marche. Automne tâchait toujours de vérifier aux alentours, des regards de droite à gauche, derrière elle sans toujours m'accorder de l'importance.

 Les paysages naturels commencèrent à changer pour laisser place à un village que j'avais déjà pu voir auparavant. Nous passâmes dans des ruelles, mais certains habitants pouvaient se retourner, questionnant notre présence. Voir une personne d'en-haut et une personne d'en-bas côte à côte ne devait pas être anodins, je me plaçai alors devant Automne afin de retrouver nos positions familières. Je sentais Automne dans mon dos et son regard transperçant ma colonne puisqu'elle ne se réjouissait pas de ce nouvel arrangement. Mais j'étais le Prince, quand bien même je me trouvais désormais sous sa protection, mon statut me donnait également le droit de prendre des décisions.

 Cela faisait maintenant dix heures que nous marchions, mes pieds avaient du mal à endurer ces longues heures et le soleil n'allait pas tarder à se coucher. Nous devions nous reposer pour la nuit alors je choisis une maison qui me paraissait  petite mais qui faisait bien l'affaire. Je frappai à la porte et une personne dans la soixantaine ouvrit celle-ci. Je lui expliquai la situation et lui sortis mon plus beau sourire. Sous le charme, la femme me laissa entrer.

 -Tu dormiras dans la grange. annonçai-je à Automne

Les Feuilles MortesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant