Chapitre 1-2 - Automne

24 4 1
                                    


Je vivais en dessous du château. Mes compagnons et moi partagions deux dortoirs situés au sous-sol du palais. Tous deux, aux murs sales et humides, n'avaient que pour seule odeur le renfermé et des lits se superposaient, trop petits pour les plus grands. J'utilisais régulièrement les fleurs trouvées dans le jardin pour essayer d'embaumer cet endroit qui m'emprisonnait chaque jour. J'avais besoin d'air mais pas l'air du dortoir mélangé à la transpiration de ceux entassés dans ces pièces. J'avais besoin d'oxygène. Celui qui venait des arbres et des plantes; cette verdure que j'appréciais tant. 

Je me rendis alors aux jardins, délaissés la majorité du temps par ceux habitant le château par peur de cette nature sauvage. Pour cela il fallait que je remonte les escaliers qui m'étaient souvent difficiles après un combat et particulièrement quand j'étais blessée. Ces escaliers m'épuisaient physiquement et moralement. Mais rien ne pouvait m'empêcher d'aller aux jardins. Les gens du dortoir me jetaient très souvent des regards quand c'était le cas car ils ne comprenaient pas pourquoi j'appréciais me trouver au milieu de ce jardin. Il n'y avait bien rien de dangereux là-bas, les hommes se trouvaient bien plus cruels.

 Je me rapprochai du seuil des portes du jardin et je m'arrêtai pour sentir le vent contre mes joues. J'inspirai puis expirai cette odeur si pure. L'odeur des plantes traversa mon être tout entier provoquant une paix intérieure. Je retirai mes chaussures et, pieds nus, je flânai dans le jardin. Je cueillis quelques chrysanthèmes pour ensuite les déposer près de mon lit dans le dortoir. Soudainement, j'entendis des petits pas pressés parmi les buissons. Puis, je vis un pelage roux entre les feuilles ce qui la fit sourire. Un renard s'approcha et se laissa caresser par mes mains calleuses. Même avec mes doigts rustres, cet acte de tendresse n'échappa pas à une autre jeune fille située au dernier étage du château. 

Je la vis entre les fenêtres en train de nous toiser avec un regard dédaigneux. Ce n'était pas la première fois qu'elle m'apercevait. Pour être honnête, je ne pouvais pas passer inaperçue. En tant que leader du groupe de tueurs, je m'étais faite un nom au sein du royaume. Son dégoût pour moi se traduisait par leur rancœur qui régissait parmi les gens d'en-haut. Tout ce qui se trouvait en bas du château ne devait pas être contemplé mais méprisé. Nous ne devions pas séjourner ou rester aux étages du dessus réservés à la famille royale et leurs proches amis.

 A vrai dire, le château n'avait rien d'une demeure mais bien l'allure d'une cour toute entière, si grande qu'elle pouvait abriter tous ces gens. Même si nous vivions avec les gens d'en-haut nous ne pouvions pas leur adresser la parole. Pas un seul mot. Si nous osions leur parler, un garde, c'est-à-dire l'un des nôtres, pouvait nous couper notre langue. Ce n'était pas le cas du côté des gens d'en-haut. Ils avaient tout à fait le droit de nous interpeller pour toute sorte de demande. 

C'était comme ça que nous vivions avec eux. Le jardin était pour moi un moyen de ne pas les croiser car ils n'osaient pas s'aventurer dans cette broussaille. Lorsque je me penchai pour dire aurevoir au renard, je sentis une présence brûlant mon dos. Je levai mes yeux en direction du château toujours accroupie. Je le sentis avant même d'avoir vu ses traits à travers les vitres. Il me fixa, cependant pas avec cette haine que j'avais déjà ressenti de sa part de nombreuses fois. Il me contemplait avec une sorte de fascination qui ne me plaisait pas. Sa sœur tapa l'épaule de son frère comme pour le faire revenir à la raison.

Les Feuilles MortesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant