Chapitre 1 : Cours

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Je cours à en perdre haleine. La maison de Gee n'est plus très loin, et pourtant j'ai l'impression de m'en éloigner à chacun de mes pas, de courir en marche arrière. C'est trop lent, je ne cours pas assez vite, je dois accélérer. Et si pendant ma course contre la montre, Mikey a le temps de faire des conneries ? Et si jamais ... ?

Je suis à bout de souffle, mais je dois continuer. Ma volonté est bien plus forte que mon corps. S'il ne s'agissait pas de Mikey mes jambes auraient déjà lâchées. Mais c'est Lui.

La douleur qui s'est installée dans mes jambes quelques minutes plus tôt n'existe plus, et pourtant j'ai mal. Mon corps me fait savoir que je repousse les limites et mon esprit me torture.

Ma respiration est irrégulière, mes poumons me brûlent, mes bronches aussi, mon cœur est prêt à sortir de ma poitrine. Et au fond de mon ventre, les papillons de mon amour pour lui n'existent plus. Ils ont été chassés par cette indescriptible douleur. Une boule de stress, de peur, de regrets, d'inquiétude, grandie de plus en plus. Cette souffrance aurait pu me tétaniser, mais je l'aime, alors je cours.

Si j'avais eu des doutes sur notre relation, ce moment m'aurait permis de m'assurer de mes sentiments mais, ce n'est pas le cas. Je ne doute pas de Nous, alors cet instant n'est qu'une épreuve, une horreur, un cauchemar, une torture.

Mes yeux lâchent des larmes qui n'ont pas le temps de ruisseler sur mon visage. Ma course permet au vent de fouetter ma peau. Il fige presque instantanément, les perles humides sur le début de mes joues. Mes cheveux lâchés arrivent dans mes yeux, mais je connais le chemin de la maison par cœur. Je peux presque courir les yeux fermés. Je sais que Gee est là, mais pourquoi diable ne décroche-t-il pas le téléphone ?

La maison est au bout de la rue. Cette dernière est sans fin, encore quelques foulées. Quelques foulées pour que le frère de Mikey prenne les choses en main. Je vois sa voiture dans l'allée de garage. Je savais bien qu'il était là.

J'ai parcouru la moitié de la rue. Quelques minutes me séparent de Gee. Il saura quoi faire, comment gérer son frère, sa crise.

Je n'ai pas réussi. J'ai échoué et l'élément déclencheur c'est moi. Je m'en veux. Je n'ai pas su éviter cette folie. Lorsque je décèle des indices sur le mal être de Mikey je le questionne. Evidemment, il m'assure que tout va bien. Mais là, je n'aurais pas dû le croire, je n'ai pas été capable de lui faire remonter la pente. Et aujourd'hui j'ai foncé les deux pieds joints dans cette engueulade, alors qu'au fond de moi j'ai la certitude qu'il me cherchait pour provoquer sa crise.

Je n'ai pas pris la peine de frapper, sonner ou annoncer mon arrivée. J'ai ouvert la porte d'entrée et j'ai déboulé comme une furie dans la maison de Gee. Je le connais depuis trois mois, trois petits mois mais l'urgence me fait oublier toute politesse.

- Gee ! hurlais-je dans la maison.

La porte d'entrée était ouverte et sa voiture garée devant la maison. Je ne le vois pas dans le salon, mais je sais pertinemment qu'il est là. Je continue ma course dans les couloirs de cette demeure en hurlant le surnom du frère de Mikey. Je suis si proche de l'aide que je veux.

C'est au milieu du couloir, que je vois la porte du bureau s'ouvrir. Gee avec un casque dans une main et un crayon dans une autre, il doit certainement travailler sur son comic. Voilà pourquoi il n'a pas entendu le téléphone. Il s'est isolé.

La vision que je lui offre doit témoigner de l'urgence de la situation. Son regard, d'habitude si doux, teinté de vert s'est assombri. Lui aussi doit faire face à ses démons, mais ceux de son frère l'inquiètent bien plus que les siens. Ses traits enfantins, malgré son âge, se sont durcit pour devenir ceux du grand frère, du soutien de Mikey.

Jusqu'au boutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant