Chapitre 6

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Tiana

Je ferme le magazine paresseusement et il rejoint les nombreux autres sur la table basse de la pièce. Au lieu de me lever et de rentrer chez moi comme j'avais prévu de le faire, il y a déjà une bonne trentaine de minutes, je me rencogne dans le fauteuil et soupire d'ennui. Madison a créé cet espace attente dans sa boutique en pensant à tous les accompagnateurs qui sont entraînés dans des virées shopping sans trop savoir pourquoi et qui finissent par le regretter. Quand nous nous projetions il y a quelques années, j'ai aussi vaguement évoqué que l'espace serait utile pour ceux qui viennent récupérer leur commande passée en ligne, ce à quoi elle m'a répondu le visage soucieux : « Tout le monde sait que les vrais amoureux de shopping se doivent d'essayer les vêtements ! Il y a toute une expérience lorsque l'on vient en magasin qui est perdue avec la livraison des vêtements à domicile. Mais si l'on en croit l'évolution du digital et du fast fashion, il serait ridicule de ne pas proposer la vente en ligne. Je pense même baser ma stratégie commerciale sur cette dernière. » Et elle a eu bien raison de le faire. Les ventes sur son site Internet représentent la plus grosse part de son chiffre d'affaires.

Il n'y a pas foule ce soir. C'est probablement parce que l'on est mardi et que la boutique ferme ses portes dans un quart d'heure.

— Je ne comprends pas pourquoi tu te fais livrer des magazines américains.

Elle lève les yeux de son périodique, tourne le visage vers moi, me montre la page qu'elle est en train de regarder : une star du basket photographiée par des paparazzis alors qu'il se rendait à une soirée, avec à ses bras deux jeunes femmes plantureuses. Mes yeux longent le magazine pour rencontrer les siens. Elle me lorgne comme si la réponse est évidente.

— Le beau gosse ? je tente.

— Leurs vêtements, Tiana ! Même si la plupart des marques que je vends sont françaises, les tendances mode viennent le plus souvent des États Unis. Si je vois l'une des sœurs Hadid porter un accessoire, je sais qu'il partira vite. Et j'aime être informée des différentes collaborations entre les marques et les stars.

— Tu vas me dire que ça aussi, c'est pour les tendances ? dis-je en indiquant un petit fascicule qui s'intitule « 20 single and rich men to know ».

— Ça, c'était pour mes beaux yeux... et puis, c'était offert.

— Madi...

— À seulement quinze dollars de plus, c'est pratiquement une affaire ! cède-t-elle. Regarde-moi celui-là, le troisième, James Powell, il mérite au moins la première place. D'ailleurs, il était en tête du podium le mois dernier.

Je roule des yeux. Je ne savais pas que des gens lisaient vraiment ces trucs.

— Il est à plus de sept mille kilomètres et il ne sait même pas que tu existes.

— Et alors ? Je ne sais vraiment pas comment tu fais pour ne pas fantasmer.

Faux. J'ai un fantasme en ce moment. Un ancien camarade aux yeux bleus.

— Ou pour ne pas tomber amoureuse.

Vrai. Moi non plus je ne sais pas. En vingt-quatre ans de vie, je ne suis jamais tombée amoureuse. Pas une seule fois.

— Mais, je ne m'en fais pas, tu n'as pas encore trouvé le bon, me rassure Madi comme si c'était un sujet qui méritait que je m'inquiète.

— Ça doit être ça, oui. Peut-être qu'il est à sept mille kilomètres d'ici, blagué-je.

— Ou plus près que ce que tu crois. C'est quand la dernière fois que tu t'es tapé un mec déjà ?

— Madii !

CRUSH DEAL ( Edité chez Butterfly Editions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant