Derrière la fiction

11: Isadora

J'attends, toujours aussi stressé de tomber sur l'un des quatre bad boys. C'est quand même fascinant que je ne sois pas tombé sur un encore. Il est évident que la vie va tous me les envoyer en même temps juste pour me faire paniquer. Je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter un tel sort, mais il paraît que la chance tourne rarement pour moi. Je repense encore à la phrase de Mencia lorsque je remarque une grande blonde déjà là, le dos plaqué contre le mur regardant son téléphone. Je fais un léger sursaut et hésite à lancer un mot ayant trop peur de la déranger dans sa bulle. Donc, je me satisfais de seulement racler ma gorge pour faire entendre ma présence. Je vois juste ses yeux se lever vers moi, puis rien ne se passe pendant quelques secondes. C'est la situation la plus bizarre et malaisante de toute ma vie. Je ne sais pas si je dois parler, réagir ou juste rester là à la fixer et faire un jeu de regard ou je ne sais trop

- T'a une langue blondinet ?

J'avale difficilement, un peu intimé par sa présence

- Oui, bah oui voyons

Je ris comme un idiot et elle me regarde avec un mélange de dégoût et de curiosité

- T'es populaire ?

- Je ne crois pas non, j'ai 413 abonnés sur instagram

Je hausse les épaules me sentant con. J'ai l'impression à ce moment précis que je suis le mec le plus ringard du monde

- J'en ai 1569, il faudrait que tu te décoinces, si tu veux, je t'arrange ça. Nouvelle coupe, nouveau look et tu seras repartie comme neuf. Parce que là...

Elle me regarde de la tête aux pieds

- Tu n'as vraiment pas l'air viril. Tu penses vraiment te trouver une meuf avec des fringues aussi serrées ? Non mais sur quelle planète tu vis ?

Elle lâche un rictus avant de remettre son attention sur son téléphone. C'est alors que je réponds en marmonnant

- J'suis gay...

- Mh t'a dit quoi ?

Elle lève même pas son regard vers moi, ces bidules électroniques son vraiment rendu nuisible au contact humain c'est n'importe quoi

- J-e s-u-is g-a-y

- Roh ça va pas besoin de me parler comme si j'avais cinq ans d'âge mental

Je me retiens de passer un commentaire sur cette remarque

- Ça explique donc les fringues et la petite coupe de chanteur de boys band

Je n'arrive même plus à placer un mot tellement que je suis choqué. Elle se décide enfin à ranger sa distraction dans sa poche

- Écoute t'a l'air hyper sympa et bon, tu es... Tu es toi quoi

Je me regarde voyant qu'elle me passe encore au laser avec ses yeux

- Bon si t'arrives à avoir 500 abonnés, j'accepte d'être ton ami

Mais c'est quoi ce bordel ?

- Pourquoi le superficiel est si important pour toi ? D'ailleurs, je ne sais même pas ton nom

- Isadora et ce n'est pas du "superficiel" mon chou, c'est seulement histoire d'avoir des amis qui m'arrivent à la cheville tout simplement

Elle tapote ma joue et me sourit de manière forcé avant de se vaporiser vers la classe sans rien ajouter

Cette fille était tout un numéro. Je ne dirais pas qu'elle est méchante, elle sait seulement ce qu'elle veut. Par contre, ce n'est pas trop mon genre de personne. Elle porte beaucoup trop d'importance au virtuel qu'au réel. Pour moi, la base de la vie est la réalité, car c'est le monde dans lequel on vit. Si tu n'es pas bien où tu es, tu ne le seras jamais ailleurs non plus. Je reprends donc ma position contre le mur attendant patiemment le prochain élève. Après toutes ces rencontres, je crois que je vais avoir épuisé mon thermomètre de socialisation pour la journée. J'ai entendu dire qu'il y avait un gym dans l'école, je vais aller m'y vider la tête tout à l'heure ça va me faire du bien après tout ça