S08 - EP 04 ◎ part I

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Partie 1/2

Rupert Cassell n'appréciait pas d'être mandé un dimanche matin pour régler une affaire qui aurait déjà dû l'être. Mais ses clients ne signaient pas de gros chèques à son agence pour l'entendre se plaindre. Leur fortune leur donnait le droit de se montrer exigeants, voire humiliants.

Rupert avait eu beau avancer son impuissance face à une cible insaisissable, la compréhension n'avait point été codée dans le patrimoine génétique Leblanc. Ces gens respiraient dans le cou de son supérieur qui éventait sa frustration en pressurisant Rupert. Combien de fois avait-il été éconduit ? Au point de jouer des mains et des pieds, de rappeler des faveurs dues, afin d'obtenir le numéro personnel d'une rockstar. Joindre Dean Leblanc n'avait été possible qu'en passant par son partenaire.

Tout avait commencé un dimanche soir, quand le Canal 3 diffusait à la nation entière le coming-out inattendu de l'héritier W. Ent. La chaîne télévisuelle se payait deux scoops alléchants avec la révélation de l'homosexualité de Rudy Leblanc et celle de l'existence du fils caché de la première fortune nationale, Torcy Reich-Andriana, à qui l'on ne connaissait qu'une seule héritière jusque-là : la jet-setteuse Mila Reich. Avec de telles pépites, la chroniqueuse Sonia Thompson était assurée de booster l'audimat de son émission.

Le téléphone de Rupert le harcelait depuis cette fin de semaine ruinée. Travailler pour les Leblanc imposait d'oublier le concept du repos dominical ; vos weekends étaient leurs weekends. On accourait quand ça sonnait. Et ç'avait sonné fort, pendant et après la diffusion de la maudite émission W.H.Y?.

N'eurent été les exigences contradictoires de ses clients, l'affaire aurait pu amuser Rupert. C'était ironique, à défaut d'hilarant, de voir l'illustre famille se réclamant d'un sang bleu et d'une sainte élite adopter les couleurs d'une famille lambda de la jet society abonnée aux ragots et scandales people. Bienvenue au club ! Le clan hautain devait cette peopolisation à deux individus : un homme et son fils, les moutons noirs du troupeau.

Daniel-Ritchie Leblanc avait enguirlandé Grant Lourdes pour son manque de réactivité, et le patron de Rupert avait gueulé sur ce dernier pour son manque d'anticipation. Comme s'il aurait pu prévoir un tel développement ! Rupert avait eu envie de retorquer :

— Si ça les dérange autant, pourquoi ils ne font pas comme d'habitude, en bâillonnant la presse ?

C'était sans compter le groupe Reich Media View© qui pissait sur la censure Leblanc. Rudy avait bien choisi son cheval de bataille. Et sa famille attendait de Rupert un travail pour lequel son agence n'avait pas signé. Régler les problèmes familiaux ne figurait pas dans le cahier des charges !

L'iceberg du business Leblanc portait une signature très affirmée, assimilable à une griffe célèbre. À l'ère actuelle, qui exigeait un partage permanent d'informations, la transparence garantissait de plus en plus le succès d'une marque. Élaguer l'indésirable, gérer et peaufiner sa réputation devenaient alors essentiels à la rentabilité. Contrairement aux apparences, l'excellence opérationnelle de White Entreprise© ne se mariait pas toujours à une bonne image, car le revers de la controverse rodait. Si certaines polémiques s'avéraient mineures, d'autres, plus dramatiques, pouvaient mettre la sécurité juridique de la multinationale à l'épreuve.

Les enjeux lourds d'une mauvaise gestion de critiques allaient de la notoriété de l'entreprise à son chiffre d'affaires. Pour y pallier, les relations publiques ou presse constituaient un levier de l'arsenal marketing de la White chain. C'est là qu'intervenait Com-&-Connect©.

C&C© de son petit nom, la multi-agence RP se targuait de son expertise dans de nombreux domaines : communication, marketing industriel et digital, relations publiques, commerciales et presse. Elle conseillait, renforçait l'image de sa clientèle dans la presse professionnelle, aidait à la capitalisation, contribuait au rendement. L'objectif de la boîte : favoriser l'attractivité du business de ses partenaires, en définissant des stratégies de contenus utilisables par des lobbying auprès des politiques et pouvoirs publics, des médias et réseaux sociaux, des associations de consommateurs, des ONG, ou simplement du citoyen banal.

HOT CHILI - saison 8Où les histoires vivent. Découvrez maintenant