Chapitre 7

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Le soir tombait sur l'Encanto, tout le monde rentrait chez soi ; retrouvait la quiétude de son foyer et la chaleur de sa famille. Pour Luisa, la soirée avait un goût amer. Les souvenirs de l'après-midi se ravivaient en son esprit, comme autant de lames brûlantes plongées dans son cœur. De l'instant fatidique où elle avait surpris Luciana et sa petite amie, en passant par l'instant funeste où elle avait explosé ; l'instant maudit où, à cause d'elle, sa plus vieille amie lui avait tourné le dos. À qui en vouloir ? Des raisons et des torts en avaient toutes les deux, même si cela lui coûtait de l'admettre.

Ce soir-là, alors que le repas familial semblait joyeux, la fille cadette de Julieta était aux abonnés absents. Elle, qui d'ordinaire avait si bon appétit, picorait de ci, de là. De toute façon, il n'y avait personne qui s'offusquerait de cela ; personne ne se préoccupait de ses états d'âme en général. Elle, le roc de la famille Madrigal, si elle paraissait aller mal, cela ne pouvait être que de la fatigue. Rien, ne pouvait l'ébranlée, après tout. Seulement, sa souffrance actuelle lui apparaissait semblable aux montagnes entourant l'Encanto : infranchissable ; insurmontable.

Cependant, ce serait seule, qu'elle devrait faire face, car elle ne pouvait décemment pas en parler à qui que ce soit. En parler, ce serait bien trop douloureux, mais il serait également impossible de passer à côté de ce qu'elle avait ressenti ; ce qu'elle ressentait encore. Ces sentiments, elle ne pouvait les confier à personne. Après tout, qui pourrait comprendre ; qui ne la jugerait pas ? Personne.

Tandis que chacun vaquait à ses occupations, Luisa se terra auprès du piano, une fois ses propres tâches terminées. Depuis toujours, c'était ici qu'elle trouvait la quiétude au sein de la Casita. Que ce soit assis au clavier, sans jamais en jouer ; elle ne savait pas en jouer de toutes manières. Ou alors, assise sur le petit muret carrelé, à écouter son père faire chanter les noires et les blanches. Ce soir encore, par mimétisme de ce dernier, elle caressait les touches, sans jamais faire sortir un son de l'instrument. Ses yeux noisette parcourraient le clavier, tout en imaginait les mains de son père, à la place des siennes.

Tu sais que, tu pourrais apprendre, amor. Lança la voix joyeuse et chaleureuse d'Agustín.

Il lui souriait, tout en étant nonchalamment appuyé sur le piano. Elle lui offrit un maigre écho à son affection, en forçant ses lèvres à se fendre d'un tout petit sourire.

Qu'est-ce qui ne va pas, corazón ? Tu n'as presque rien manger, ce soir et tu sembles si triste.

Luisa baissa alors ses grands yeux et retira ses mains du piano, pour enserrer ses avant-bras de ses mains.

Rien. Je suis juste, très fatiguée.

Un bruit étouffé par le capitonnage du tabouret trahit l'arrivée à ses côtés de son père. Ce dernier passa alors une de ses mains sur son bras, dans un geste bienveillant de réconfort.

¡Ay, Luisita... Soupira-t-il faussement exaspéré. Tu es très forte et très douée pour beaucoup de choses. Il remit alors une mèche de cheveux bouclés derrière l'oreille de sa cadette. Mais tu ne sais absolument pas mentir. Un incendie honteux naquit aux oreilles de l'adolescente, ainsi prise la main dans le sac. Et ta paupière tremble, quand tu essaies de le faire. Ironisa l'homme, qui rit lorsque la demoiselle passa ses doigts sur la traitresse. Amor, tu peux tout me dire.

Luisa releva ses yeux noisette vers son père, les joues rougies, les larmes au bord des cils et les lèvres tordues dans une douloureuse grimace. Ce serait tellement simple, de tout dire. À quel prix ? Ici, des oreilles entendraient tout et pourraient malencontreusement répéter ; par mégarde ou à dessein. Brusquement, elle détourna à nouveau le regard, pour le fixer sur le piano. La main d'Agustín se resserra sur son avant-bras.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 14, 2022 ⏰

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