La Capitale

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Il n'avait pas fallu très longtemps avant que la rumeur ne se répande. Le Boya avait sauvé l'Empereur avec l'aide de son serviteur spirituel qui se présentait sous la forme d'un minuscule renard blanc à deux queues.

Depuis quelques semaines, à chaque fois que Boya allait chasser, il trouvait toujours quelqu'un pour venir lui parler, faire trois gratouilles au renard et leur offrir à manger à tous les deux.

C'était fou comme la présence du renard sur son épaule avait changé le regard que les gens portaient sur lui. Jusque-là, il avait toujours pensé que les gens ne venaient pas vers lui parce qu'ils ne voulaient surtout pas s'attacher à lui, voir, avaient peur de lui. Mais il réalisait de plus en plus que si les gens ne venaient pas vers lui, c'était plus dans la peur de le déranger et de le troubler dans son devoir qu'autre chose. A présent que les gens réalisaient qu'il appréciait qu'on lui parle, qu'on lui donne simplement l'impression d'exister, d'être vivant, et de ne pas juste attendre sa mort, ils venaient naturellement vers lui. Ils discutaient, ils lui faisaient découvrir une vie qu'il n'avait tout simplement jamais eu l'occasion de découvrir et donc profiter. Bien sûr, ça n'allait pas sans quelques petits inconvénients. Toutes les filles de tous les bordels de la capitale semblaient déterminées à ne pas le laisser mourir puceau et malgré ses dénégations, il avait plus d'une fois été entrainé par des meutes de jeunes femmes habillées de soie dans les salons feutrées de leurs lieux de travail.

Le pauvre Boya avait été un peu effrayé au départ et s'était caché derrière A-Ming. Le petit renard, s'il était jaloux, était aussi hilare. Il avait plus d'une fois accepté de jouer les protecteurs de la vertu de son ami deux-pattes avant de décider que finalement, lui aussi avait bien droit au bonheur.

Boya avait perdu sa virginité entre les cuisses d'une charmante demoiselle aux longs cheveux noirs et aux yeux de biches avec un renard tranquillement installé sur un coussin non loin, très occupé à lire un rouleau.

La nouvelle avait fait hurler à JingYun mais Boya avait remarqué que la seule chose qu'on lui demandait, c'était de mourir pour détruire le Serpent. Si la population de la capitale voulait lui montrer son affection, qui était-il pour refuser ? Il connaissait son devoir et ne faiblirait pas. Mais qu'on le laisse profiter des derniers mois qui lui restaient. Surtout qu'il faisait toujours son travail de chasseur avec la même excellence que jamais.

Enfin, presque.

Quelques jours plus tôt, il avait retenu son bras devant un démon qui portait dans ses bras un enfant visiblement souffrant.

"- Le petit est malade, Boya. Celui-là est surement en capacité de le sauver."

"- .... A-Ming, ce sont des démons."

"- Et celui-ci est un démon." Rappela le renard. "Celui-là n'a rien fait. Et son petit non plus. Boya trouverait-il normal que celui-ci tue les humains qu'il rencontre, juste parce qu'ils sont humains ?"

Boya était resté immobile de longues minutes à fixer le démon et son petit. Le démon protégeait son petit de son corps même s'il savait que face à un tueur comme lui, il ne pourrait rien. Il protégeait son petit comme n'importe quel parent donnerait sa vie pour le sien.

Boya avait rengainé son épée.

"- Qu'est-ce qu'il a ?"

Le démon avait hésité avant que A-Ming ne s'approche et renifle le petit.

"- Il a une infection du ventre."

Un appendicite ? Boya fouilla sans réfléchir dans la pochette d'herbes qu'il avait à sa ceinture.
Il en tira un petit sachet.

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