C H A P I T R E 1 4J'y ai réfléchis pendant des heures. L'idée d'être une femme battue me demeure inconcevable. J'ai entendu un tas d'histoires sur le sujet, la majorité ayant des fins tragiques. Mais moi, Nathalie Kengne, je refuse d'en faire partie. Je refuse d'être comptée parmi celles là qui se font rué des coups au moindre oui ou non par leur conjoint. Il est évident que tout cela commence ainsi. D'abord une insulte. Une gifle. Un coup de poing. La bastonnade n'est que la cerise sur le gâteau. Et je ne vivrais pas cela. Non, pas moi.
Je rassemble le plus de vêtements possible que je peux fourré dans cette petite valise. J'ignore pour combien de temps je m'en vais, ni même ce que je ferais une fois loin de cette maison, mais je veux juste sortir d'ici. L'impression de suffoquer un peu plus dans cette chambre chaque seconde qui s'écroule est grandissante.
— Je vais bien maman. C'était juste un petit accident, rien de grave. Le médecin nous l'a affirmé.
Je rassure ma mère pour la nième fois, le téléphone coincé entre mon épaule et mon oreille. De mes mains libres je boucle la valise, prête à partir.
— Il faut que je te laisse maman, je dois me reposer. Fais un gros câlin à papa de ma part, s'il te plaît...oui, j'ai eu Nancie au téléphone il y'a un instant... bisous. Bye.
Je mets fin à l'appel et glisse mon smartphone à l'arrière de mon jean.
Je m'interdis de penser à quoi que ce soit l'instant où je traverse le pan de la porte de la chambre. Malheureusement, je n'y arrive pas. Les souvenirs fusent de partout à chaque pas que je fais vers la sortie. Je repense à tout ce qu'on a du surmonter pour être ensemble et je me demande comment a-t-on pu en arriver là.
De toute mon enfance, et même étant plus grande, je n'ai jamais vu maman faire ses valises et quitter papa. Elle n'est jamais parti loin de la maison, même lorsqu'il se disputait lourdement. En épousant Asa je croyais que je ferais comme maman. Être assez forte pour rester, même lorsque les conflits nous submergeront. Seulement, à aucun moment papa n'a été violent avec maman. À aucun moment il ne l'a frappé si fort, à lui causer une blessure sur le crâne. Putain!
Je craque sur la dernière manche de l'escalier. Je m'effondre, m'assieds dessus en prenant mon visage en coupe entre mes mains. Je sanglote sans retenue, des larmes coulant à flot tel les chutes du Niagara. C'est bien plus difficile que ce que ce que je ne m'imaginais. Beaucoup plus difficile.*
Je lève la tête lorsque j'entends la verrou de la porte d'entrée s'ouvrir. Je réalise que je me suis endormi là, la tête posé sur mes genoux, dans l'escalier. Alexandre demeure figé sur la moquette à l'entrée, son énorme bouquet de roses lui glissant de la main pour s'étendre sur le sol. Le scénario doit lui faire un choc. Sa femme assise dans l'escalier près d'une valise, les yeux rouges et enflé, comme l'un de ses fumeurs de chanvre dans les rues de deido.
Il se ressaisit aussitôt, se précipite vers l'escalier et s'assied sur un escalier plus bas que le mien.
— Nathalie... articule t'il lentement, tout doucement, comme s'il avait peur de me faire mal rien qu'en prononçant mon prénom. Je me contente de secouer la tête, négativement.
— Je ne mérite pas une femme comme toi.
[silence]
Tu es bien trop parfaite. Bien trop pur pour être avec quelqu'un comme moi.
[soupire]
Malgré ce que je t'ai fais, tu n'as pas pu partir. Pourtant, tu l'aurais fais, et tu en aurais eu entièrement le droit. Je ne mérite pas tout cet amour de ta part.
— Je ne veux plus t'écouter. S'il te plaît, arrête.
Ma voix est neutre, toute émotion ayant été omis.
— Je ne ferais plus jamais quelque chose de pareil. Plus jamais Nathalie je te le jure ! M'implore t'il.
— Je ne te crois pas. Vous finissez toujours par recommencer, juste après. Ne t'imagine pas un seul instant que j'ai changé d'avis. Je me suis assise dans cet escalier juste à cause du vertige qui m'a saisie. Je pars de cette maison Asa. Je te quitte.
Aussitôt je me lève, j'empoigne la valise et l'a traîne vers la porte. Bon sang ! Pourquoi mes pas sont si lourd, mes jambes si fébrile et toute tremblante. Je ne reflète pas l'assurance que je voudrais dégager. Il le sait, il le sent, alors il essaye encore.
— La première fois que je me suis mis à genoux devant toi remonte à quatre ans. Je venais de rentrer de l'Europe après sept ans passé loin l'un de l'autre.
Mes doigts se figent sur la poignée de la porte. Je reste dans cette position, dos à lui.
— Après autant de temps j'ai fini par réaliser que tu étais la femme de ma vie. L'amour que je ressentais pour toi avant mon départ n'avait pas changé d'un iotas. Non, enfaite, il avait grandi. Il s'était sans doute multiplié par... par l'infini. Lorsque j'ai réalisé cela je me suis dis qu'il faut que je fasse de toi ma femme. Que tu devienne la mienne, car je ne me voyais devenir l'époux d'aucune autre femme que toi. Tu étais et... tu l'es toujours. La seule femme que je suis en mesure d'aimer à l'infini.
Nathalie, la première fois que j'ai été dans cette posture c'était pour témoigner tout l'amour que j'éprouve pour toi. Aujourd'hui encore, au nom de cet amour, car il n'existe aucun plus profond que ce que nous partageons l'un pour l'autre, je t'en supplie de rester. Je te jure sur ce que j'ai de plus cher, que je ne recommencerais plus. Même pas dans un élan de colère extrême je ne lèverais plus la main sur toi. Plus jamais.
Je jette un regard par dessus mon épaule et réalise qu'il a bien les genoux posé sur le sol. Je retourne aussitôt la tête, fixe à nouveau la poignée. Ma tête hurle de partir. Il le répète en boucle. Mais mon cœur lui, au nom de l'amour, il me demande de rester. Tu ne peux pas vivre sans lui. Tu l'aimes trop pour ça Nathalie. Tu l'aimes trop.
Je lâche la valise alors que mon front se colle doucement contre la porte. Je ne lâche pas la poignée pour autant, au contraire je l'a serre plus fort. Des larmes me submergent à nouveau. À cet instant précis, je me rend compte d'une chose. Il n'existe pas de plus grand défenseur que l'amour. Il ne rend pas aveugle, non. Mais il embellit les fautes de l'autre. Il les justifie, les rend moins grave, pardonnable.
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NATHALIE
Romance« Quand la violence s'installe dans un couple, la vie en commun n'est plus possible ; tout le reste n'est que rafistolage et mensonge à soi. Divorcer, alors, est la seule solution. » - Tahar Ben Jelloun --------