Chapitre 8
Il y a tellement de monde dans cette chambre. Pourtant, je ne vois pas mon mari. Ni maman ou papa. Personne. Ma tête tombe sur le côté et je regarde le monsieur qui se sert d'instruments métalliques sur mon abdomen.
— Quand est-ce qu'ils arrivent docteur?
Ça doit être la cinquième fois que je pose cette question et qu'il dit la même chose:
— Ils seront là, très bientôt.
— Vous savez si c'est une fille ou un garçon? Mon mari et moi on en sait rien.
— On ne va pas tarder à le découvrir. Vous aimeriez que ce soit une fille ou un garçon?
— Peu importe. Ça va mettre encore beaucoup de temps?
L'anesthésie me pousse à articuler plus lentement que d'habitude et peut-être à poser plus de question. Je me sens dans les vapes, mais totalement consciente de ce qui se passe au tour de moi. J'essaye de me rappeler de tout les prénoms qu'Asa et moi avons potentiellement choisi et je les murmure.
— Votre bébé est là, annonce une voix féminine. Puis je sens ce petit poids se poser sur ma poitrine. C'est un bébé, mon bébé.
— C'est une fille! Ajoute-elle.
Elle a des cheveux magnifiques qui me font penser à ceux d'Asa. Ils sont d'un noir profond, et recouvre déjà toute sa petite tête. Ouah, elle sera magnifique! Si en plus de ses cheveux elle a prit les cils long et touffue d'Asa, elle sera une belle version féminine de lui. Elle pousse des petits cris en bougeant ses petits poings fermés.
— Coucou mon bébé... bienvenue dans ce monde... je suis ta maman, et je t'aime. Je murmure ses paroles tout en l'a caressant doucement dans le dos. Je lui souris, je pleure en même temps. Elle est si belle! L'immense bonheur de la tenir enfin dans mes bras ne dure que quelques secondes. J'aurais aimé qu'on l'a laisse encore quelques minutes sur moi mais la sage femme le récupère aussitôt.*
Quand j'ouvre les yeux, je suis dans une chambre totalement différente entourée de ma famille. Mon père est assis à mon chevet de lit et tient ma main dans la sienne, et une fois qu'il se rend compte que j'ai les yeux ouverts, il embrasse le dos de ma main.
— Tu t'es réveillé ma chérie, dit il d'une voix enroué de tendresse. Je lui souris affectueusement en hochant la tête.
— Qu'elle heure est-il papa?
— Neuf heures du matin.
Les derniers événements que j'ai vécu refont surface. Je pose une main sur mon ventre, comme pour m'assurer de ne pas avoir rêvé et enfin de compte non, tout était réel.
— Mon bébé! Comment va ma fille papa?
— Bien. Elle va bien, répond t'il avec un léger sourire.
— Elle est magnifique! L'avez vous vu? Elle a des cheveux magnifiques comme ceux de son père! Dis je d'une voix rempli d'enthousiasme.
— C'est vrai, tu as raison, intervient maman. Mais la neutralité dans sa voix m'interpelle.
— Maman, tu n'es pas contente que ce soit une fille c'est ça?
— Nathalie! Ne dis pas n'importe quoi! Me réprimande mon père.
— Vous faites tous une tête de déterrée, dis je en regardant aussi celle de Nancie. Je sais que la petite est arrivé un peu en avance et risque de passer quelques semaines en soins, mais ça va aller, elle s'en sortira. Vous n'avez pas à avoir des mines si triste.
Ils se contentent de se regarder les uns les autres, sans un mot. Je soupire.
— Asa n'est pas encore là?
— Non, réponds Nancie en secouant négativement la tête. Mais il devrait être là dans moins d'une heure, il est sur la route depuis trois heures du matin.
— Très bien. Une fois qu'il sera là, on ira voir notre petite fille.
— Pas aujourd'hui Nathalie, dit ma mère. Le médecin a dit qu'il ne faut pas que tu fasse beaucoup de mouvement, pas pour le moment. Tu viens de subir une opération importante.
— Mais maman! Je me sens bien, je —Ripostais je, sans avoir le temps d'aller plus loin puisque mon père m'interrompt.
— Ma chérie, je crois qu'il faut que tu manges maintenant. Tu n'as pas faim? Si? Me demande papa.
— Si, je veux bien. Merci.*
Trois jours après.Ça fait exactement trois jours que je suis cloué dans ce lit d'hôpital. Trois jours durant les quelles je reçois au quotidien des visites de ma famille, celle d'Asa et mes collègues.
Mon état s'améliore plutôt bien au fil des jours, selon mon médecin. D'ici peu, je pourrais sortir de cet hôpital. Ce que je trouve tout de même étrange depuis mon séjour est le fait que personne ne mentionne ma fille durant toutes les conversations. Personne ne prend de ses nouvelles et je commence à trouver cela stressant. À chaque fois que je demande à voir ma fille chez l'une de ces infirmières, ne serait-ce qu'à travers une vitrine, elles ne cessent de me répéter que je suis dans un état délicat et que je dois rester surplace. Ça commence à me mettre en rogne, et je veux savoir pourquoi tout le monde me répète la même chose, « tu es une femme forte Nathalie ». Je veux savoir ce qui se passe.
J'ai attendu que ma sœur et moi soyons toutes les deux dans la chambre pour lui poser la question. Si les autres membres de ma famille étaient de bons acteurs, ma sœur elle ne savait pas contenir ce genre de choses.
— Nancie?
Elle lève les yeux du magasine qu'elle feuillette depuis tout à l'heure, projette son attention sur moi.
— Nathalie ?
— Nancie, commençais-je en m'asseyant sur le lit. Tu sais à quel point j'ai confiance en toi. Je sais que tout le monde pourrait me mentir, mais toi non. Je te fais confiance et je te sais sincère. Je sais qu'il se passe quelque chose. Chaque personne qui rentre dans cette salle pour me voir a un faux sourire sur le visage je sais que vous me cachez quelque chose. Quelque chose ne va pas et je voudrais savoir ce que c'est.
— Nathalie... tu te fais peut-être de fausses idées ces temps-ci et...
— Ne me fait pas ça s'il te plaît. Tu sais bien à quel point j'ai confiance en toi. Tu es la seule personne qui peut me dire la vérité alors ne me mens pas toi aussi.
— Arrête Nathalie ! Me supplie t'elle. Sa réaction ne fait que confirmer ce que j'imagine depuis un moment. Si j'insiste un peu plus, je suis certaine qu'elle me dira enfin la vérité.
— C'est en rapport avec mon bébé ?
Elle baisse les yeux, essaye de dire un mot, mais ça semble lui caler à la gorge.
— Alors c'est mon bébé, insistais je.
— Elle n'a pas survécu Nathalie... elle était beaucoup trop fragile avec de très gros problèmes respiratoires et... je suis désolé, murmure-t'elle.
J'ai l'impression que les murs de cette enceinte viennent de me tomber sur la tête. Je serre de toutes mes forces les draps qui me recouvraient les jambes, j'ai envie d'hurler, de pleurer, mais aucun son ne réussit à s'échapper de mes lèvres. Même si je soupçonnais le pire, ça n'atténue en rien la douleur qui m'envahit avec cet instant. La sensation de se faire arracher le cœur est bien trop douloureuse. Une fois que mon cerveau et mon cœur parviennent à faire le lien, des larmes me montent rapidement aux yeux. Ma sœur se précipite pour me prendre dans ses bras en me suppliant de me calmer.
— Non! Non Nancie Non! J'ai hurlé tout en me débattant de toutes mes forces pour qu'elle me laisse tranquille. Je ne veux pas qu'on me calme, qu'on me dise que ça va aller. Je veux juste qu'on me laisse regretter mon bébé. Je veux hurler.
La porte de ma chambre d'hôpital s'est ouvert en trombe les minutes suivantes sur mes parents, accompagné de quelques infirmières. Quand ils m'ont vu dans cet état ils ont tout de suite compris que j'étais au courant de leur secret. Mon père s'est mis à crier lui aussi contre ma sœur, car selon lui je ne devais apprendre la nouvelle qu'à ma sortie de l'hôpital. Mais pourquoi? La douleur aurait tout simplement été plus grande, car chaque jour un peu plus j'allais espérer en un bébé qui n'est plus.
Pourquoi mon petit ange est-elle parti si tôt ? Pourquoi ne s'est-elle pas battu un peu plus pour rester avec moi? Pourquoi n'a-t-elle pas survécu ? Ces questions se répètent en boucle dans ma tête, pendant que les infirmières évacuent les membres de ma famille. Je ne veux plus les voir. La seule personne que je veux maintenant, c'est mon bébé.
— Je ne veux pas te voir Asa. Va t'en! Laisse moi tranquille !, l'avais je violemment repoussé alors qu'il essayait lui aussi de m'enlacer.
— Calme toi s'il te plaît, m'a t'il répondu d'une voix morose.
— Vous m'avez tous menti! Tous Asa! Ma voix se brisait à mesure que je criais en pleurant.
— Comment voulais tu que je te dise qu'on a perdu notre bébé ! Comment tu voulais que je t'annonce cela, hein? On le voulait tout les deux cet enfant ! On le voulait !
Lui aussi s'étant mis à pleurer, je n'avais jamais vu Asa dans un état si énervé, et à la fois triste. Il avait lui aussi du mal à contenir ses émotions, et je réalisais que la douleur qui m'animait à ce moment était la même qu'il ressentais, alors il pouvait me comprendre mieux qui quiconque. On s'est serré dans les bras l'un de l'autre et je me lamentais bruyamment contre son torse. Il était silencieux, mais je pouvais ressentir la douleur qui l'envahissait. Il me caresse le dos et la tête en me répétant de me calmer, il me dit que ça va passer, que la prochaine fois sera la bonne.
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NATHALIE
Roman d'amour« Quand la violence s'installe dans un couple, la vie en commun n'est plus possible ; tout le reste n'est que rafistolage et mensonge à soi. Divorcer, alors, est la seule solution. » - Tahar Ben Jelloun --------