chapitre 3: Enchevêtrement

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« Il arrive un jour où l'on de surprend à aimer une personne sans véritablement savoir pourquoi. Un jour où le cœur choisit de décider à la place de la tête. Cette personne n'est pas forcément notre idéale sur tous les points mais nous l'apprécions, nous l'aimons parce que le cœur nous a dit de l'aimer. A ces moments là, les mots ne suffisent plus pour décrire ce mélange de sentiments que nous éprouvons. Et puis un autre jour, tout s'écroule. »

Complètement abasourdi par ce que je venais d'entendre, je restais encore coi face à la situation. J'étais dévasté par les propos auxquels je venais de faire front, émanant de surcroît, de la personne que je considérais jusque-là comme la femme parfaite, incroyable et unique à qui j'avais tout donné. Je ne ressentais aucune once d'énervement. Je comprenais Sophia malgré tout. Le problème quand une personne encaisse beaucoup de choses sans rien dire est que le jour où elle va craquer, ce sera pour un truc insignifiant. Les gens penseront qu'elle est folle ou qu'elle se prenne la tête pour un détail sans savoir que ce détail se trouve être la goutte de trop. Sophia avait beaucoup trop encaissé dernièrement. Certains diront que c'est peut-être la vie mais pour moi, ce n'est pas la vie qui sépare les personnes. C'est plutôt la trahison, l'hypocrisie, la méchanceté, l'ego et l'absence de respect.

Au cours des jours qui suivirent, le silence Radio s'était installé entre nous. J'étais déjà campé dans une perspective de la faire remplacer. Il est dit, en sociologie, que remplacer une personne que l'on a profondément aimé par une autre dans l'intention de l'oublier constitue une des plus belles erreurs que la société ait normalisée de nos jours. J'avais connaissance de cette théorie sacrément fondée mais cela m'incombait peu tant qu'il pouvait y avoir ne serait- ce qu'un atome de chance qui m'aiderait à effacer Sophia de ma tête.

Après la dispute avec Sophia, j'étais dans une perspective toute nouvelle, une posture que je m'étais invité. Je draguais tout ce qui passait. Y'avait une fille que j'avais connu à l'époque du collège et avec qui je gardais de très bonnes relations. Elle s'appelait Racky. On avait commencé à se fréquenter un peu plus souvent, et puis constamment. Racky se présentait être une belle fille avec de super beaux yeux pour lesquels on pourrait dévaliser chanelles. Elle avait par ailleurs ce côté un petit peu rebelle qui parvenait à masquer, paradoxalement, sa timidité. Elle avait des joues au goût de miel qui avaient réussi à transformer mes lèvres en milliers d'abeilles. C'était mon petit zèbre, ma chérie. Avec Racky les cartes avaient été distribués de la façon la plus claire qui puisse être. Avec elle je n'étais tenu à aucun engagement. On était ensemble pour se compléter, pour se combler le vide qu'il y'avait du côté de chacun d'entre nous. Pas d'appel jusqu'à pas d'heure, pas de compte à rendre, pas de crise de jalousie, pas d'obligation de textos les matins, zéro prise de tête. C'était la plus stable relation que je pouvais espérer après celle à laquelle je venais de sortir, après ce que je venais de vivre. Elle n'avait jamais posé de questions sur mes relations antérieures, sur mon passé. J'étais bien avec Racky.

Toutefois, cette stabilité n'endiguait en rien ma soif de toujours vouloir combler davantage ce vide qu'avait sondé l'absence de Sophia. Je découvrais à cette période la véritable nature et l'objectivité que concentraient les établissements de loisirs musical et dansant privés, généralement nocturnes : les boîtes de nuit. Je passais mes week-ends à faire la fête, à me faire des filles pour ne jamais enregistrer leur numéro après. J'étais dans une perpétuelle recherche de personnes à qui je pouvais m'accrocher pour combler ce sentiment d'abandon parce oui, Sophia m'avait quitté. J'avais pris un temps fou à l'accepter, à m'en persuader ; j'avais néanmoins fini par l'accepter. J'étais triste en réalité, mais je ne voulais pas le comprendre. Je me leurrais moi même. Je cachais tellement bien cette mélancolie que mes proches ne parvenaient pas à comprendre que j'allais mal. Parfois il arrivait des jours où je ne parvenais plus à cacher cette tristesse, des jours où j'arrivais plus à mettre mon masque. Pour camoufler ces brèches je déclarais simplement que j'étais fatigué. Tout le monde a ses addictions ici-bas, qu'elles soient positives ou négatives quant à l'effet qu'elles engendrent dans la vie de la personne. Il convient d'en choisir une seule qui se présenterait comme son esclavage et jamais comme son maître pour pallier le manque, l'oubli ou la privation d'une chose, d'une personne qui nous a été d'une façon ou d'une autre plus ou moins indispensable.

Les mois passèrent puis les vacances d'été arrivèrent. Un soir d'août, j'étais allé à une soirée d'anniversaire. C'était celle de Dave, il avait fait une « house party » à laquelle il avait invité tout un tas de monde. Il y'avait à l'avenant mes amis : Alex, Diaz et Aziz. J'étais venu à cette soirée avec une fille que j'avais connu jadis dans un restaurant, Fatim. Tout se déroulais à merveille. Nous passions tous ensemble une superbe soirée. Inopinément, j'apercevais Sophia débarquer avec d'autres amis du lycée. Mon cœur avait arrêté de battre dès l'abord. J'avais l'impression que tout ce qui m'entourait n'avait plus aucune once d'importance. Je réalisais pour la énième fois encore que je fusse vraiment amoureux de Sophia, que j'étais toujours attaché à elle malgré tous les efforts que j'avais consenti pour l'oublier. J'étais déçu parce la vérité était qu'en fait, je n'étais pas parvenu à tourner la page après tout ce temps. Ça m'avait fait mal. Je regardai autour de moi pour éviter son regard, et je voyais tout le monde vivre, pour la plupart en tout cas, une heureuse relation amoureuse. Je croyais y avoir droit également mais une voix au fond de ma conscience me persuadait sur le moment que ce n'était peut-être pas prévu au programme pour moi. Je ne voulais pas l'entendre cette voix parce admettre et accepter ce qu'elle disait, revenait à supporter le poids de cette horrible douleur qui siégeait dans mon cœur et d'accepter en l'occurrence le fait qu'elle ne s'en irait jamais.

Durant la deuxième moitié de la soirée je me surprenais à toujours fuir du regard celui de Sophia. Et dire que tout avait commencé par un jeu de regard... J'avais la possibilité d'aller lui parler, de mettre cette fierté et cet égocentrisme de côté et lui déballer à quel point elle me manquait et que j'étais encore plus fou d'elle mais je n'avais point cette aptitude. J'étais coincé par ma fierté et ce sentiment de devoir respecter Fatim. Je ne pouvais l'abandonner pour aller accoster mon ex et ce même si la nature de notre relation restait à désirer. C'était une fille après tout et mon degré de « jemenfoutisme » m'acquiesçait pas la faculté de lui manquer de respect comme ça, devant tous ces gens. Je décidais d'ignorer Sophia. Je passais la soirée à essayer de prouver une chose à laquelle moi même je ne croyais pas. Je restais attaché à Fatim comme un âme sur un tombeau. Je ne pouvais affirmer avec exactitude que Sophia mourait de jalousie en voyant cette fille accrochée à mon bras, avoir une folle complicité avec mes amis certes, mais tout portait à y croire. Elle n'arrêtait point de regarder dans notre direction de là où elle s'était installée avec sa bande d'amis. Aziz était parvenu à lire à quel point j'étais devenu mal à l'aise depuis l'arrivée de Sophia. Il s'était approché de moi, avait placé sa main sur mon épaule et m'avait déclaré : « Tu mérites quelqu'un qui reste, pas quelqu'un qui revient ».

Il avait raison. Je décidais de déprécier Sophia et continuais ma soirée. Il était déjà 5h du matin quand j'étais rentré chez moi. J'avais fini de prendre ma douche, je mangeais. Subito, une notification déclencha la sonnerie de mon téléphone. C'était un message de Sophia. J'avais effacé son numéro mais je n'avais pris que deux secondes pour réaliser que c'était elle. C'est ce qui arrive quand on mémorise un numéro. L'on peut parvenir à le supprimer de son téléphone mais jamais de sa mémoire. Je sentais, pour je ne sais quelle raison, une montée d'adrénaline dans mon corps. J'ouvrais le message et j'étais encore plus sidéré par le contenu : « Faut que l'on parle tous les deux Seydina, et faut vraiment que l'on parle s'il te plaît ». J'avais écrit sur le moment au moins quatre longs textos sur mon téléphone, des textos que je n'envoyais jamais. J'entendais encore raisonner la véridique phrase que m'avait sorti Aziz deux heures plus tôt, dans la soirée. Je laissais le message de Sophia sans réponse. Même par nostalgie, je ne pouvais pas retourner vers ce qui m'avait blessé, celle qui m'avait détruit.

Le surlendemain matin quand je m'étais réveillé, j'avais trouvé un nombre important d'appels manqués sur mon téléphone. Des appels de plusieurs personnes. Ça m'avait condamné dans un nuage de stress ondoyant. Je n'avais pas de crédit pour en rappeler quiconque. J'attendais donc qu'elles me rappellent pour savoir ce qui se passait. J'étais très inquiet. Une notification finissait par tomber. C'était une amie, N'Deye Coumba. Son message disait : « Sophia est morte ce matin, nous sommes tous chez elle ».

Cette phrase m'a détruit.

Un fervent Bad boyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant