8. Une décision capitale

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Prends tes écouteurs et écoute : Blood Theme - Daniel Licht

Point de vue d'Isabella

À l'entente de cette voix, tout mon être est foudroyé d'un puissant courant électrique. Dire qu'elle est familière serait incorrect car, en réalité, je l'ai entendue à deux reprises uniquement. Dans ce café et cette fameuse nuit-là. Nuit où deux de mes camarades ont perdu la vie dans de tragiques circonstances. Nuit où je me suis réjouie de ces morts. Nuit où mon âme a basculé irrémédiablement vers l'obscur. Nuit où mon cœur battait pour cette exquise et inconnue sensation de pleine puissance.

Une toute petite nuit. Une seule petite fois.

Toutefois, sa singularité ne permet pas de l'annihiler. Elle est gravée en moi comme un animal que l'ont aurait marqué au fer rouge, immuable et profonde. Ancrée.

J'inspire ardemment afin de puiser le courage nécessaire pour pivoter sur moi-même. Lentement, prudemment je distingue cette silhouette tapie dans l'ombre, me faisant face. Un pied appuyé contre le mur de béton derrière lui, les bras croisés sur sa poitrine, il patiente silencieusement.

Attendait-il ma venue ?

Bien que son identité ne me soit pas nettement relevée, je sais pertinemment de qui il s'agit. C'est lui, c'est cet homme. Tandis qu'il amorce un pas, je découvre l'identité de celui que je redoute depuis le premier jour. Son visage, à demi-éclairé par le flot de lumière que nous offre la pleine lune, est aussi effrayant que séduisant. En réaction primaire à cette peur, ma respiration se coupe.

Comment pourrait-il en être autrement ?

Cet homme est un meurtrier, qui plus est avec de sérieuses pathologies psychiatriques si l'on en croit le rapport des enquêteurs de police. Et moi, je ne suis qu'une pauvre petite souris, appâtée par un stupide morceau de fromage, qui finit par tomber dans le piège qu'on lui a tendu.

Ce type est une ordure. Un meurtrier, voilà ce qu'il est, et pourtant, je me surprends à le détailler. Car, malgré tout ce qu'il représente, il est aussi, et surtout, d'une beauté envoûtante et inouïe. Son apparence est encore une fois impeccable. Dans ce costume bleu marine, taillé à la perfection, son corps élancé et puissant est divinement mis en valeur. Son élégance est intacte, figée dans le temps. Je m'en veux de penser cela à un moment pareil mais mon corps contrôle avec difficulté cette attirance que j'éprouve honteusement, visiblement dépourvue de bon sens.

Ses yeux noirs, entourés de cils vertigineux, ne s'attardent que brièvement sur mon corps, avant de redécouvrir avec langueur les miens qui deviennent alors prisonniers de ce regard et, plus particulièrement, de son intensité. Face à mon trouble, sa bouche s'étire en demi-sourire, le rendant d'autant plus effrayant.

Si je me fis à sa réaction, il n'est pas surpris de me voir, simplement satisfait. Rien d'étonnant, s'il avait prévu que j'arrive jusqu'à lui.

Vous devez probablement me trouver infâme. J'en ferai sûrement autant si j'étais vous. Mais, à cet instant, j'endosse le rôle d'Ève, stupide et séduite, qui se laisse charmer par le serpent Nahash, rusé et sournois. Faible, voilà ce que je suis. Étant pourtant tout à fait consciente que derrière cette gueule d'ange se cachent le mal et la démence absolue, je n'ai aucune excuse à vous fournir. C'en est d'ailleurs extrêmement déconcertant. Il est à la fois élégance, charisme, froideur et monstruosité. Le parfait alliage entre bien et mal.

- Tes parents ne t'ont jamais appris qu'il peut être dangereux de s'égarer hors des quartiers chics ? Tu pourrais tomber sur des personnes mal intentionnées ou même un monstre, qui sait ? me questionne-t-il d'une intonation insufflant l'amusement

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant