10. Le ralliement des démons

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« L'enfer est vide, tous les démons sont ici. »

William Shakespeare

Point de vue d'Isabella

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C'est le temps dont Gary River a eu besoin pour m'atteindre. Pas plus que trois misérables secondes. Il en faut davantage pour que le cerveau entame l'évaluation de la menace et nous transmette une réponse adaptée pour agir en conséquence. C'est pourquoi, dans un temps imparti aussi réduit, je n'eus pas le temps d'anticiper le moindre geste.

Son corps s'écroule de tout son poids sur le mien, comprimant ma cage thoracique, me contraignant à fermer les paupières.

Au moment où je réalise ce qui est en train de se passer, il est déjà trop tard. Je le sens se redresser, une jambe de chaque côté de mon bassin afin d'être assez stable pour ce qui va suivre.

Lorsque mes yeux s'ouvrent à nouveau, je n'ai pas le temps de distinguer la forme de son poing s'abattre sur la joue. L'impact et la violence de ce coup me font perdre l'intégralité de mes moyens. Ma vue se trouble et je ne peux apercevoir qu'une nuée de milliers d'étoiles parmi l'obscurité. Mon ouïe est altérée par un acouphène qui m'empêche à présent de discerner le moindre son environnant. Tous mes sens sont brouillés. Quant à la douleur que je ressens, elle est si intense que l'on dirait une brûlure, si intense qu'elle en deviendrait presque paralysante. Létale.

Jusqu'à ce jour, la violence était pour moi une notion inexplorée, néanmoins redoutée. Je comprenais l'ampleur des dégâts qu'elle pouvait causer, sans pour autant en être sujet, ou encore témoin. Jamais on n'avait posé la main sur moi, pas même une fessée étant enfant. Mes parents étaient contre. Enfin, plus précisément ma mère pour qui l'éducation devait être verbale et non physique. Une sorte d'apprentissage positif afin de mettre l'accent sur les bonnes actions et non sur les mauvaises, comme elle aimait si bien nous l'expliquer. Mon père, lui, n'aurait eu aucun mal à se montrer davantage drastique tel qu'on l'entendait à l'époque de nos grands-parents, si ma mère ne s'était pas opposée à lui.

Désormais, je saisis son caractère traumatique, autrement dit, subir sans pouvoir empêcher. Pourtant, étant l'acteur principal de cet acte, je devrais réagir et non pas éprouver comme un simple spectateur. Mais le choc, aussi bien physique qu'émotionnel, me prive de toute réaction.

Alors, je ne me défends pas.

Je reste sonnée pendant plusieurs secondes jusqu'à ce qu'un second impact, tout aussi douloureux que le précédent, m'atteigne.

Mon visage se balance inlassablement de gauche à droite, sans opposer la moindre résistance. Un goût métallique s'installe dans ma bouche. J'ignore cependant si il est dû aux fissures sur mes lèvres ou aux morsures dont je suis moi même responsable en raison de la contraction spontanée de ma mâchoire.

Dû à mon incapacité à protéger mon visage, je ressens chaque coup que cet homme m'assène. Leur nombre, mais surtout leur puissance. Et c'est tout bonnement insupportable.

Il est empli d'une rage qui m'était encore inconnue jusqu'à ce jour, celle de ceux qui en veulent au monde entier. Je gesticule sous lui pour tenter de le faire basculer mais son poids m'empêche de le faire. Il est peut-être maigrelet mais sa taille imposante contrecarre tous mes plans de riposte. Je ne parviens qu'à le faire appuyer davantage sur mes poignets. Ces derniers s'enfoncent dans le creux de mes reins et je hurle tant la douleur est atroce.

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant