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Le soleil lui chatouillait les joues. Dehors, les oiseaux chantaient une mélodie qu'ils connaissaient par cœur à force de la jouer chaque matin. Les Mondstadtois se réveillaient sûrement, tranquillement, se dictant les trois courses qu'ils devraient acheter dans quelques minutes ou les deux bouquins qu'ils devraient emprunter à la bibliothèque. Les chevaliers étaient déjà levés depuis bien longtemps, ayant relevé ceux qui avaient passé la nuit à veiller devant une porte qui ne risquait presque rien. Le monde avançait. Les détails changeaient, l'histoire se modelait, mais le temps passait sans se soucier des conséquences.

Bennett fronça les sourcils, retroussant le nez, et ouvrit difficilement un œil embué des larmes précédentes. La première chose qu'il vit fut le visage paisible et endormi de Razor, à quelques centimètres du sien. Sa poitrine se soulevait régulièrement sous sa respiration calme et apaisée. Ils étaient proches, très proches, le blond pouvait compter les longs cils qui surplombaient ses yeux. Des petites mèches de cheveux lui tombaient sur le nez, argentées, brillantes sous la lumière matinale.

Ils étaient vachement proches, quand même. Le blanc rougit d'un coup, réalisant qu'ils étaient dans le même lit, enlacés l'un contre l'autre. Il pourrait l'embrasser s'il s'approchait à peine. Il pouvait sentir ses expirations sur son visage.

La nuit précédente lui revint en mémoire, le laissant un peu étourdi. Il n'avait jamais eu de telles pensées. Oui, il lui arrivait d'être triste, de maudire le monde parfois, mais il n'avait jamais ressenti le besoin d'extérioriser une telle haine. Il se rendit compte qu'il souffrait peut-être plus que ce qu'il voulait l'admettre. Rien ne servait de mentir ; il pouvait avoir tous les papas du monde qui l'attendaient chez lui, il était seul. Tellement seul. Tellement triste.

Razor ouvrit les yeux, et Bennett ne pensa plus à rien qu'à ces deux pupilles rouge sang qui l'avaient fasciné lors de leur première rencontre et qui le fascinèrent tout autant à l'instant. Elles luisaient, brillaient d'une douceur qui réchauffa le cœur du blond. Son regard était doux. Il lui rappelait les regards que portaient ses pères à son égard. « Comme si j'étais sa famille », pensa-t-il.

Bonjour, chuchota le gris d'une voix encore endormie. Bennett bien dormi ?

Finalement, le regard qu'il lui portait n'était rien comparé au merveilleux sourire resplendissant qu'il lui adressa. Les joues du blond se colorèrent à nouveau, son cœur s'emballa – il était presque certain que le gris pouvait l'entendre tambouriner sa cage thoracique – et il avala difficilement sa salive, sa gorge étant devenue sèche en un instant. Toute volonté précédente de fuir avait disparu, il voulait juste rester ici. Malédiction ou non, il avait quelqu'un pour l'épauler, pour une fois. Bien sûr qu'il avait envie de le protéger, mais lorsqu'il voyait ce visage si insouciant qui lui faisait face, il se disait qu'après tout, qu'est-ce qui l'obligeait à s'en aller, hein ? S'il lui souriait, c'est qu'il l'aimait bien, non ? Et puis si Razor ne voulait plus de lui, s'il se sentait en danger, qu'il fuie. Pourquoi ce devrait forcément être lui, le lâche ? Les autres l'avaient bien abandonné. Le mi-loup n'avait qu'à faire de même, s'il en avait envie. Qu'il s'en aille, tiens.

Il s'énervait tout seul, cet imbécile. Quel lunatique.

Razor pas fuir. Jamais abandonner Bennett.

Tu lis dans les pensées ? demanda Bennett, surpris.

Le gris secoua la tête. Lire les pensées et les émotions, c'était plus ou moins la même chose au final, mais est-ce que le blond avait vraiment besoin de le savoir ?

Bennett mieux ?

Il acquiesça, un peu gêné – un peu tard, oui – d'avoir réagi comme un gamin et d'avoir pleuré toutes les larmes de son corps. Ouais, quand il y repensait, c'était plutôt embarrassant. Carrément embarrassant. N'empêche, l'argenté ne s'était pas plaint, ne l'avait pas trouvé bizarre, ne s'était pas énervé. Il l'avait juste consolé, comme l'aurait fait n'importe quel ami. C'était quelqu'un de bien. Et c'était énervant, parce que ça le faisait hésiter. On doit protéger les gens qui nous sont chers, non ? Dans ce cas, puisqu'il tenait à Razor, il devait le protéger, non ? Et le protéger était prendre du recul, de la distance.

Acceptation [Rannett]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant