Prologue - «Is it an horrific dream? Am I sinking fast?»

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Peut-être que cette fois-ci, ce sera la bonne. Je n'aurai peut-être plus à faire et défaire les vieux cartons déchirés par les années passées. Redécorer encore et encore une chambre pour m'y sentir à nouveau comme chez moi. Peut-être...
Peut-être que cette fois, elle ira mieux pour de bon.

Je suis assise sur l'ancien parquet, les yeux rivés sur ce mur. C'est fou comme une chose ordinaire et insignifiante a parfois le pouvoir de nous rendre nostalgique. C'est à s'en rendre con je trouve, comme raisonnement. Ces briques rouges sont vieilles, certes, mais j'y suis attachée. Après tout, c'est dans cette pièce, autrefois ma chambre, qu'on se réfugiait avec El. Elle fuyait l'ennui, et moi je le cherchais. On pouvait passer des heures à écouter Tears for Fears pour passer le temps. On adorait ce groupe. Elle m'avait offert leur vinyle « The Hurting » pour mon 15ème anniversaire.

Le meilleur et le pire de toute ma vie.

Printemps '84 ♫ into the black - chromatics

Elle était venue chez moi le matin, et nous avions fait griller du bacon pour le petit-déjeuner. Ma mère devait nous emmener à la patinoire plus tard dans la matinée, mais c'est en remontant dans ma chambre que j'ai aperçu les bouteilles vides sur le pallier. Je n'ai pas voulu y croire, et j'ai bêtement fais abstraction.
En nous préparant, nous avons dansé avec El, sauté sur mon lit et surtout, parlé des garçons.

« Il va le faire, c'est sûr ! », s'exclamait El en plissant son nez, laissant ses jolies fossettes se dessinaient sur son visage pâle.
« Arrête avec ça... » Je souriais nerveusement.
« La soirée a lieu samedi soir ! Et vu comment Billy te regarde en cours de sport, je suis certaine qu'il va t'inviter dès demain », dit-elle en m'attrapant par les épaules, un grand sourire aux lèvres.

« Lotta et Billy, le couple le plus AT-TEN-DU, qui débarque à la soirée de l'année main dans la main ! J'imagine déjà tous les regards d'Eastwood braqués sur vous... »

Elle s'est mise à imiter tous les gens du lycée, avec une exactitude assez déroutante. Nous riions de plus belle. Elle avait raison, je suis sûre qu'il l'aurait fait. Billy était le mec le plus populaire de Eastwood. Il était chef de l'équipe de baseball, un charme incomparable, gentil et drôle... et ses compliments envers moi se faisaient de plus en plus présents ces dernières semaines. C'est vrai que depuis le début de l'année, j'avais un peu changé physiquement. Je m'étais mise régulièrement au sport, et rejoins l'équipe de cheerleader. A cette époque, j'aurai donné n'importe quoi pour que Billy m'invite à sortir.

« Maman, on peut y aller ? Nous sommes prêtes ! »

Mais, c'était si beau pour être vrai.

Nous sommes allées à la patinoire en voiture, ma mère au volant. Il y avait peu de route à faire, mais cela m'a parût une éternité. Les chemins sinueux s'engouffraient à vive allure sous la voiture folle. Je regardais ma mère assise à côté, inquiète de ne voir que ses yeux vides fixant l'horizon. Je connaissais que trop bien ce que voulait dire ce regard flippant et angoissant. Le temps se trouvait figé dans cette étrange course contre je-ne-sais quel démon qui la possédait entièrement à ce moment précis. En regardant derrière, je voyais El qui passait la tête par la fenêtre, le sourire jusqu'aux oreilles. Elle rayonnait. Et c'était la dernière fois que je la voyais vivante.

Jusqu'à ce que la voiture s'arrête brutalement dans un vacarme assourdissant et un nuage de poussière aveuglant. Je n'ai pas tout de suite compris l'ampleur de cet arrêt soudain. J'ai doucement regardé ma main ensanglantée ; je n'avais pas mal. Puis je me suis réveillée. Tout s'est enchaîné. Voyant des étincelles s'échappaient du capot, j'ai crié à ma mère et à El de sortir de la voiture. Nous nous sommes écartés aussi loin que nous pouvions. J'ai baissé les yeux à nouveau pour voir de plus près ma blessure, mais ce qu'il y avait derrière ma main, sur le sol, fût une vision d'horreur.

El était déjà dehors depuis un moment. Elle fût ejectée de la voiture par la fenêtre arrière. Elle est morte sur le coup. Son corps propulsé sur des dizaines de mètres n'a pas supporté le choc. La voiture a explosé, et mon cœur aussi.

Nous n'avons pas été à la patinoire.

El est partie à jamais. Sa mère ne l'a pas supporté, elle s'est suicidée deux semaines après. Son père et son frère ont déménagés.

Ma mère a passé les jours suivants et l'année d'après entre prison et cure de désintox.

Billy ne m'a pas invité à la soirée parce que je ne suis jamais retournée à Eastwood.

Et moi, j'étais seule au monde.
Le desespoir fût ma seule compagnie pendant longtemps.

My Demons and IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant