Les vagues se brisaient sur les roches, au pied de la falaise, l'océan se trouvant agitée ce jour-là par un puissant vent marin. Le laissant s'engouffrer dans sa chevelure détachée, face à l'horizon, Lily profitait d'une balade bienvenue.
Quelques jours auparavant, les Northampton avaient quitté l'agitation de Londres pour rentrer sur leurs terres natales, sur les côtes du Somerset, non loin de la ville de Bristol. Comme convenu, Alice était partie avec Lady Sybille, la mère du Comte, dans le Yorkshire pour séjourner chez Lord Henrich.
Lily était bien contente de ne pas avoir eu à les suivre: son cher château lui avait tant manqué, durant la saison londonienne ! Sa chambre, la bibliothèque de son père, les jardins, ainsi que la plage et les falaises où elle avait l'habitude de se promener étaient si précieux à ses yeux !
Et bien évidemment, elle était heureuse de retrouver les occupants de la demeure, les domestiques qu'elle connaissait depuis son enfance: à Londres, seuls quelques domestiques avaient accompagné les Northampton, les autres employés ayant pris soin du château, jusqu'au retour de ses propriétaires.
La petite brune descendit prudemment la pente menant en bas des falaises, sur une plage de sable fin, et prit une grande inspiration en sentant l'air marin infiltrer ses poumons. Rien de mieux pour se débarrasser de toute inquiétude !
Posant une main sur son chapeau pour l'empêcher de s'envoler, Lily observa les vagues s'écraser sur les traitres rochers se trouvant en contrebas d'une imposante falaise. Combien de fois avait-elle admiré ce spectacle brutal de la nature ? Elle avait, au fil des années, perdu le compte, mais s'émerveillait toujours de la colère des flots.
Témoin de ses questions, de ses doutes, de ses joies et de ses malheurs, la mer était une compagne, une confidente. Ce jour-là, elle lui fit part de l'inquiétude qui la tourmentait:
Si le passé pouvait être oublié ! Alice ne sera heureuse avec personne d'autre que Terence, je le sais, et passer le restant de ses jours à regretter un amour perdu doit être si douloureux... pourquoi a-t-elle agi sans raison ? Le désir peut-il rendre les gens si insensés ?
Lily poussa un long soupir et continua sa réflexion face aux flots agités:
Mais qui suis-je, pour la juger, moi qui ai passé l'été à rechercher lors des fêtes et des réceptions cette mystérieuse fille ? Charlotte...
Elle baissa la tête, lasse de ses espérances vaines. Depuis la soirée organisée par ses parents, elle n'avait pas revu le jeune femme qui l'avait troublée en une seule mélodie, intriguée par une poignée de paroles.
Pourquoi ressentait-elle tant le besoin de la revoir ? Peut-être était-ce parce qu'elle ne parvenait pas à comprendre les sentiments qui s'étaient bousculés dans sa tête lorsque Charlotte avait posé sa main sur la sienne, ou alors... était-ce parce qu'elle voulait à nouveau les ressentir ?
Mais cela était insensé ! Jamais elle n'avait ressenti cela au contact d'une personne, et était aussi inquiète qu'intriguée par ce qui lui arrivait.
Alors qu'une vague s'écrasait à ses pieds, elle dût se rendre à l'évidence: à quoi bon se poser tant de questions ? Elle n'avait pas revu Charlotte de tout l'été, et il était probable qu'elle ne la reverrait plus jamais, que la jolie blonde resterait un souvenir de sa première saison londonienne, un souvenir agréable mais curieux...
Le coeur encore lourd, même après s'être confiée à l'océan, Lily remonta sur la falaise et rentra au domaine familial alors que le soleil commençait à décliner. Tandis que le château des Northampton, fière bâtisse de pierres brunes recouvertes de lierre, se dressait devant elle, un klaxon fit sursauter la petite brune, qui se tourna vers la route.
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Notre Devoir
Historical Fiction« La muse endormie », 1918, peintre inconnu. Un tableau exposé au Metropolitain Museum of Art, à New York, entouré de mystères. Des mystères que Mary Galloway compte bien résoudre, alors qu'elle doit affronter ses propres peurs et doutes. Dans sa q...