Les feuilles des arbres frémirent au passage de Lily, Charlotte et Arthur, en un murmure emporté par le vent automnal. Alors que le jeune Chelton racontait quelques anecdotes sur son enfance partagée avec la cadette Northampton -cette dernière cachant avec peine son embarras en se souvenant de certaines d'entre elles-, elle réfléchissait à la conversation qu'elle avait eu avec son ami d'enfance, au pied du vieux chêne.
Elle savait que ses doutes concernant les sentiments qu'éprouvaient Arthur envers ce soldat irlandais étaient infondés et totalement fous, mais elle ne le connaissait que trop bien: elle avait, au fil des années passées ensemble, mémoriser chaque réaction, chaque mimique, et pouvait prédire ses humeurs par un simple regard. Et celui qu'il avait en parlant de Danny...
Non... non ! Elle ne pouvait pas imaginer ça, elle ne devait pas ! C'était inimaginable, un tel pêché... comment son meilleur ami, cet être angélique et rayonnant, pourrait-il céder à des désirs attisés par le Malin, des pulsions contre-nature ? C'était forcément de l'amitié, mélangée à une grande admiration, mais jamais des sentiments amoureux...
Pourquoi avait-elle envisagé cette possibilité ? Presque instinctivement, son regard se posa sur le visage radieux de Charlotte, qui riait aux éclats en écoutant le fils Chelton, ses yeux d'émeraude reflétant les dernier rayons du soleil qui parvenaient à transpercer les branchages de la forêt. Baignés dans la lumière déclinante, ses longs cheveux blonds étaient semblables à des mèches d'or, la nimbant dans un halo d'ambre éblouissant. Et ce sourire, si communicatif, irradiant de joie, d'une joie sincère...
Lily avait-elle déjà rencontré une personne avec un rire aussi franc, avec un visage aussi expressif ? À l'exception d'Arthur et d'Alice, elle ne connaissait personne de réellement sincère, d'authentique: les conventions, les codes de la société, empêchaient quiconque de se montrer sous son vrai jour dans le monde dans lequel elle évoluait.
Serait-ce pour cette raison qu'elle était si intriguée par Charlotte ? Serait-ce la curiosité qui la poussait à en vouloir en apprendre plus à son sujet, comme un papillon de nuit attiré à la lueur d'une flamme ?
Elle avait pourtant la sensation qu'elle prendrait le risque d'être brûlée si elle s'approchait trop...
Lorsqu'ils rentrèrent au château des Northampton, la nuit commençait doucement à tomber, le crépuscule peignant le ciel de couleurs chatoyantes. Sur le perron se tenait Sir Richard, une cigarette à la main, qui semblait attendre le trio. Quand ils arrivèrent à son niveau, il entama la conversation, une pointe de reproche dans la voix:
- Vous avez passé beaucoup de temps dans la forêt... la sortie fût-elle agréable ?
- Très, Sir Richard, votre nièce est d'excellente compagnie ! Répondit d'un ton enjoué Arthur, en souriant à Charlotte. Malheureusement, il est temps pour moi de rentrer, chevaucher de nuit n'est guère prudent...
- En effet, ça serait plus sage. Concéda le prétendant d'Alice avant de se tourner vers sa nièce. Tu devrais aller préparer tes bagages, nièce, nous partons demain à la première heure, j'ai une réunion importante à Londres dans l'après-midi.
- Bien, mon oncle, je m'y rends de ce pas. Arthur, elle prit la main du jeune Chelton dans la sienne, ce fut un réel plaisir de faire votre connaissance et d'écouter vos aventures avec Lily ! J'espère que nous nous reverrons.
- Je l'espère également, Miss Charlotte. La salua avec enthousiasme le jeune homme.
Les Wolfbann rentrèrent à l'intérieur, alors qu'Arthur se tourna vers Lily, qui avait gardé le silence durant toute la conversation, encore mal à l'aise en présence de Sir Richard et de ses iris métalliques. Sentant son trouble, son ami d'enfance s'inquiéta:
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Notre Devoir
Historical Fiction« La muse endormie », 1918, peintre inconnu. Un tableau exposé au Metropolitain Museum of Art, à New York, entouré de mystères. Des mystères que Mary Galloway compte bien résoudre, alors qu'elle doit affronter ses propres peurs et doutes. Dans sa q...