Chapitre Vingt-cinq.

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Le mouvement de ma robe tourbillonnant dans l'air, tandis qu'Eden me faisait virevolter aisément dans ses bras, éteignait des dizaines de bougies sur notre passage. La pièce en cul-de-sac amplifiait intensément les notes de basse et de percussions. Je m'accrochais fermement aux épaules sveltes de mon amie pour ne pas chuter. Elle avait dû remarquer ma démarche non-assurée, sa main forte autour de mes côtes me soulevait discrètement pour me faire valser sensuellement à ses côtés. 

Seule un couple de Satyres s'adonnait à leurs activités malsaines autour de nous. Je ne comprenais pas tellement pourquoi Eden s'obligeait à se donner autant en spectacle pour si peu de personne. Son regard bien trop sérieux pour elle, était le seul indice qui me laissait pressentir que notre danse avait un but. Cela faisait seulement quelques minutes que nous nous agitions sur l'estrade mais mes jambes commençaient déjà à flancher. Eden attrapa ma main droite pour me coller dos contre elle, face à la foule. Je sentais son souffle dans le creux de mon cou. Nos pas et nos gestes devenaient de plus en plus sensuels et plus rapides. Je sentais le dénouement se jouer dans les battements de nos cœurs réguliers et fermes. Alors qu'elle passait ses mains douces le long de ma cuisse dénudée, mon regard se posa sur le creux que laissait transparaître les fins rideaux rougeâtres remplit de poussières et de sueurs devant moi.

Une vision éclatante s'offrit à moi, à travers le tissu des rideaux, le rythme de la musique, les regards pervers sur mon corps, il était là. 

Sur un trône végétal fait d'écorces noircies et d'épines s'entrelaçant jusqu'au sommet des accoudoirs, il se tenait assit. C'était bien la première fois que je l'observai dans son rôle officiel de Prince de Rosaceae. Et cette illusion me paraissait surréaliste. Droit sur son siège, il dominait cette orgie souterraine. Il se fondait à la perfection dans cette soirée remplie de pêchés, observant passivement ses sujets cultiver la politique du mal et de l'impulsion. Tel un bon Prince des Enfers, sans couronne, il était sûrement la plus magnifique des créatures que j'avais croisées dans cette contrée. Mais il endossait également le rôle de la plus effrayante, la plus dominante de toutes créatures confondues. 

 Trois magnifiques femmes à genoux devant son trône, relatant des offrandes verbales et sûrement de délicieuses propositions salaces, semblaient, elles-aussi, sous le pouvoir de sa puissance. Mais son regard détaché et ennuyé posé sur elles, me laissait prédire qu'il n'en avait que faire de ses sujettes dévouées à leur Prince. Il n'en avait que faire de toutes ces personnes qui se déhanchaient autour de lui, enivrées de sexe et d'alcool. Il avait déjà tout ce qu'il désirait.

 J'enviai sa vie, ses secrets qui ne pouvaient pas survivre à ses côtés. J'enviai sa vérité.

 Mon regard se baladait dans la pièce face à moi, à la recherche d'une potentielle Enchanteresse. J'essayais tant bien que mal de me reconcentrer sur la tâche que je devais accomplir, jusqu'à ce que ses yeux verts croisent les miens.

Je me sentais flancher soudainement, les jambes en coton, j'allais tomber, embrasé par son pouvoir. Eden resserra son étreinte autour de ma taille pour m'empêcher de tomber, elle ne se doutait pas une seconde que ce n'était pas la peur qui me faisait m'effondrer. Non, c'était pire que cela. C'était le brasier qui avait envahi mon bas-ventre. 

Ce n'était pas du désir, surtout pas. C'était plus profond ! Ce que représentait cet homme m'écœurait, évidemment, tout ça n'était que de la colère face à tout ce qu'il détenait !

Pourtant lorsqu'Eden détacha le nœud de mes cheveux d'un geste sensuel, faisant retomber me chevelure contre ma poitrine, ses lèvres s'entrouvrirent et mes joues s'empourprèrent. Il porta à sa bouche un verre à pied en cristal où une mixture rougeâtre le désaltérait de ses regards trop appuyés.

Le serpent de RosaceaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant