Chapitre 3 :
La Colère allait mettre du temps à passer, elle le savait bien, parce que était née d'un sentiment d'injustice, d'humiliation. Et Gabrielle détestait cela. Evidemment, elle n'aurait pas du répondre, il était plus que flagrant que le juge n'avait pas envie qu'elle reste simplement dans la pièce et ce, dès la fin de son audition. Mais Gabrielle n'avait pas eu envie de se taire, pas eu envie de faire comme si elle n'était plus là. Dans beaucoup de situations, elle avait plutôt tendance à s'effacer, car elle avait toujours été considérée de façon... En fait, elle n'était même pas considérée, c'était là le pot-au-rose.
Avec sa maladie, Gabrielle n'avait jamais été présentée en soirée, n'avait jamais été officiellement proposée au mariage et aux soirées mondaines. Elle n'avait pas d'amis, pas de relations. Son enfance avait été compliquée, son oncle et sa tante l'avait adoptée à ses deux ans après le décès de ses parents dans un accident de train. Sa maladie de peau s'était rapidement déclenchée, la rendant repoussante aux yeux de certains et surtout des autres enfants qui ne mâchaient pas leurs mots pour la définir... Alors son oncle et sa tante l'avait protégée, elle avait reçu son éducation chez elle et passait ses journées dans l'officine de son oncle. Là elle avait apprit à confectionner des baumes, des tisanes, mettre en flacon toute sorte de remèdes. Elle s'était occupée de la caisse, aidait son oncle quand il fallait assister une personne âgée ou infirme. Les patients d'Alphonse Deslante avaient apprit à connaître Gabrielle et l'avait vu grandir, et elle n'avait au final eu pour « amis » que d'autres malades. Puis à peine avait-elle eu 18 ans que sa maladie avait empiré, se transformant parfois en crises douloureuses dans ses articulations, la rendant boiteuse, fragile. Sa tante lui avait souvent dit qu'elle était belle, mais Gabrielle n'avait jamais le voir, le comprendre. Comment admirer sa peau pâle (mais pas trop blanche) et ses épaules couvertes de tâches de rousseurs quand ses coudes et ses avant-bras étaient couverts de plaques rouges et sèches ? Comment aimer la cascade de cheveux roux ondulés qui lui arrivaient au milieu du dos, quand celui-ci pouvait parfois se couvrir entièrement de zones sèches, râpeuses et qu'elle peinait à remettre en place ses cheveux tant ses doigts étaient gonflés et douloureux. Parfois, elle voyait le regard d'un homme sur elle, long et appuyé, elle comprenait qu'elle ne laissait pas indifférente, mais dès que sa maladie était visible : ce regard se transformait en affliction, au mieux, ou en dégout, au pire. Elle ne pouvait mettre que des robes avec des cols très hauts, des manches longues toute l'année, ou des gants remontant au dessus du coude. Personne n'aurait voulu d'elle si elle n'avait eu cette dote gigantesque, héritage de ses parents à son décès. Mais cet argent ne serrait jamais à elle, car étant une femme, son argent devait être géré par un homme. Son oncle avait donc la gestion de cet argent, et avait fait rédiger un contrat qui stipulait que l'argent de son héritage ne reviendrait à son époux que s'il s'engageait à la demander en fiançailles, l'épouser sous 10 mois maximum, ne pas rompre les fiançailles (ou divorcer, cela va sans dire) sous peine de voir rembourser le double de cet argent ; et surtout qu'il devait se soumettre à son approbation entière et totale.
Il était également précisé que son époux devrait prendre soin de la santé de Gabrielle, deviendrait propriétaire de la maison familiale de feu les parents Deslante pour que Gabrielle n'ai pas à souffrir d'un éloignement avec son oncle, d'un déménagement. Tout ceci était mirobolant pour une dot, mais c'était un cadeau empoisonné : l'époux se retrouverai avec une femme malade, parfois lourdement, dont la fertilité était débattue par les médecins. Alphonse avait été intransigeant : Gabrielle devait se marier car elle devait accomplir ce que le Seigneur exigeait pour elle. C'était un homme de science, mais aussi de foi. Alphonse avait déjà plus de soixante ans et avait enterré son épouse sept ans auparavant d'une tumeur à l'utérus. Le couple n'avait pas eu d'enfants, mais avait eut la surprise d'accueillir Gabrielle après le décès du frère d'Alphonse. Le pharmacien avait vu cela comme un cadeau de Dieu, une façon un peu triste de panser les plaies de la perte de son unique frère et de l'infertilité de son couple. Gabrielle avait grandit dans l'amour, mais aussi l'exigence et la religion. Et il était hors de question que Gabrielle continue sa vie en ne prenant pas d'époux, le mariage était un saint sacrement et elle ne pouvait vivre dans le pécher plus longtemps.
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La Nuit Des Etoiles - T.1 (Réécriture)
RomanceA 23 ans, Gabrielle vient de se fiancer à Pierre. Un soulagement pour son tuteur qui l'élève depuis sa petite enfance et qui la prédisposait à un mariage arrangé. Mais alors qu'elle revient de long mois de convalescence pour une maladie qui la défig...