Chapitre 17 :
La chaleur avait fini par retomber après deux jours, Paris respirait de nouveau, pouvant se remettre à vivre. Ses habitants avaient repris le travail, les ballades, les achats, les visites: dans le bruit, les odeurs, mais aussi la vie, les rires et les moments de bonheur.
Pour Gabrielle, la vie avait également repris son cours, incroyablement prévisible. Pierre partait travailler très tôt chaque jour, et ne rentrait que tard le soir, la charge de dossiers en était très probablement la cause, mais même si cela n'avait pas été le cas, Gabrielle n'en aurait pas été très inquiétée. Il pouvait bien faire ce qu'il lui chantait, elle s'en fichait, elle avait bien assez à faire toute seule à se sortir de sa mélancolie. C'était une chose ardue, car chaque minute à vivre dans sa maison était un calvaire. Elle n'avait toujours pas pu retourner dans la salle de réception et avait demandé à Pierre de faire refaire toute la pièce. Non par coquetterie, mais elle n'aurait supporté revoir cette table à cet endroit, voir les tapis -pourtant nettoyés- ou les mêmes rideaux. Pour ce genre de choses, il n'était heureusement pas désagréable et accédait à ses demandes sans soucis. A ce jour, sa chambre était l'unique endroit où elle se sentait à peu près en sécurité émotionnelle et physique.
Gabrielle n'était pas sortie de la maison pour autant, ne s'en sentant nullement l'énergie. Elle passait tout son temps avec Marguerite, discutant avec elle pendant qu'elle reprisait des vêtements, repassait ses robes, ou la coiffait. Elle avait toujours une attention pour Gabrielle, mais aussi toujours le mot qui allait bien au bon moment. Le temps passait vite avec elle, et elle sentait que de pouvoir parler à un être humain compatissant l'aidait dans son deuil et sa tristesse. C'était sa seule lueur d'espoir, son rayon de soleil au milieu des ténèbres qui l'entourait. Maintenant, tout ce qu'elle espérait c'était que le temps fasse son œuvre au plus vite, et qu'elle puisse de nouveau se sentir vivante, enjouée, et qu'elle ait envie de continuer à vivre et non plus survivre.
***
Un grand bruit s'éleva dans la maison, comme un coup dans un mur ou un meuble. Gabrielle leva les yeux de son repas pour attendre de savoir si elle allait voir quelqu'un entrer dans la salle de petit déjeuner, mais rien du tout. Sa curiosité l'emporta. Elle posa sa cuillère et se leva de table pour voir d'où provenait le bruit ; ou plus exactement, savoir ce que Pierre avait fait pour produire un vacarme pareil. Rapidement elle alla à l'étage pour rejoindre le bureau. Depuis plusieurs jours, ses douleurs s'étaient évanouies et ses plaques commençaient même à régresser, lui laissant une vivacité physique qui lui plaisait. Elle s'arrêta en chemin, ayant entendu que Pierre s'adressait à quelqu'un, et sur-le-champ, elle su qui.
« ... une catastrophe... En trois jours, c'est le cinquième créancier qui vient me solliciter, on vient me chercher directement à mon bureau pour m'amener des recommandés, des dossiers longs comme mon bras! Cette famille avait encore plus de dettes que ce que je m'imaginais.
— Quel type de dettes avait son tuteur? demanda la voix d'Armand.
— De toutes sortes! Des prêts à des banques pour commencer: ça, ce n'était que la partie visible du problème, celle dont j'avais connaissance. Ce n'était pas un souci car mes revenus pouvaient couvrir les dettes, et ne serait-ce que ma venue dans la famille pouvait remonter la confiance des banques.
Gabrielle resta dans le couloir, sans bouger d'un centimètre. Son cœur s'était mit à battre très fort, réveillant ses membres engourdis.
— Il y a également des emprunts à des particuliers, avec des reconnaissances de dette validées par des notaires, d'autres qui ne le sont pas, Pierre soupira. Il y a aussi des dettes de jeu. Énormes. Je ne connaissais pas Alphonse grand parieur, mais à priori cela allait bon train pour les courses de chevaux.
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La Nuit Des Etoiles - T.1 (Réécriture)
RomansaA 23 ans, Gabrielle vient de se fiancer à Pierre. Un soulagement pour son tuteur qui l'élève depuis sa petite enfance et qui la prédisposait à un mariage arrangé. Mais alors qu'elle revient de long mois de convalescence pour une maladie qui la défig...