Il est ici.
Je ne m'attendais pas à le revoir et pourtant, il est bien dans cette salle. Ses yeux semblables à la mer accrochent les miens pendant un court instant et tous les souvenirs que j'essaie d'enfouir depuis des années refont brutalement surface.
Rio.
Nous qui nous connaissions si bien auparavant, ne sommes que deux inconnus maintenant.
Il était mon meilleur ami. La personne que j'aimais le plus au monde. Le frère que je n'ai pas eu et bien plus encore. Car, même si j'ai grandi à Los Angeles, dans une famille aimante et aisée, je ne me suis jamais sentie assez confiante pour affronter la vie sans lui.
Il était mon ancre.
Entre mes parents célèbres, j'ai toujours eu du mal à trouver ma place. Mon père est un ancien basketteur professionnel, devenu entraîneur d'une grande équipe. Ma mère, quant à elle, est une artiste-peintre connue dans tout le pays et même au Mexique, d'où elle est originaire. Alors que moi, je n'ai aucun talent.
Tout le monde autour de moi s'attendait à ce que je sois extraordinaire. Comment ne pas l'être avec des parents pareils ? Mais non, je suis tout ce qu'il y a de plus normal, mis à part que j'étais douée pour étudier. D'ailleurs, les docteurs m'ont diagnostiqué un haut potentiel, comme si c'était une faculté incroyable. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que j'étais introvertie, doublée d'un cruel manque de confiance en moi et que la seule chose qui me rassurait et que je maîtrisais, c'était les études. J'ai d'ailleurs refusé de sauter des classes pour éviter de perdre le peu de repères que j'avais. Lui.
Je prends une profonde inspiration, sors de mes pensées et m'autorise à le détailler un peu plus. Ses cheveux sont toujours taillés plus courts sur les côtés que sur le dessus, certaines boucles brunes tombent sur son front, lui donnant des allures de bad-boy. Un véritable contraste avec sa tenue d'homme d'affaires qui fait magnifiquement bien ressortir le bleu de ses yeux. Dans cet ensemble gris, le contraste est saisissant.
En parlant de vêtements, je ne peux m'empêcher de divaguer sur ce qu'il cache. Pourtant, je sais. Enfin, il y a quelque temps, je savais. Mais le connaissant, je suis prête à parier que l'encre couvre davantage son corps que la dernière fois que je l'ai vu. Rio s'est pris d'amour pour les tatouages quand on avait seulement quinze ans. Ce fut bien évidemment au grand désespoir de son père qui ne voulait pas que son fils devienne méconnaissable, mais très divertissant pour sa mère qui lui signait toutes les autorisations dont il avait besoin pour aller chez le tatoueur. Elle s'amusait même à noter chaque nouvelle œuvre sur son corps. Était-ce surprenant venant d'un agent artistique ?
De mon côté, j'étais conquise. Bien sûr, ma partie rationnelle avait du mal à comprendre comment il pouvait supporter une telle douleur. Mais, j'étais admirative de voir son corps évoluer de la sorte. Et j'ai vite compris que ce n'était pas si horrible que ça en avait l'air quand je suis finalement passée sous les aiguilles pour notre dix-huitième anniversaire. J'étais gravée sur sa peau alors, je voulais également qu'il le soit sur la mienne.
Je pose un regard sur son pectoral gauche comme si je pouvais voir le tatouage à travers les couches de vêtements. J'essaie de visualiser le regard vairon comme je l'ai gardé en souvenir. Un œil bleu, le représentant lui et un œil vert pour moi. Je me rappelle l'avoir accompagné pour cette première torture et je me souviens qu'il a été une véritable teigne quand est venu le moment de colorer le dessin : le vert n'étant pas exactement de la même couleur que mes yeux. Il a finalement abdiqué et le tatoueur a enfin pu travailler en paix. Le résultat était juste spectaculaire.
Mon exploration se poursuit vers son flanc gauche où se situe le saule pleureur, mon arbre préféré. Je finis avec la grappe de raisin qu'il a fait à un moment bien précis de notre vie et qu'il a placé au bas de son ventre. Les fruits étant coupés par la lisière de son boxeur. J'arrête là mon top trois, car quand nous nous sommes séparés, il avait déjà bien entamé son bras gauche.
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Enivré.e
RomanceRio Putain de coup du sort ! Retomber sur ma meilleure amie, alias meilleur coup de ma vie après qu'elle m'ait faussé compagnie six ans plutôt, je n'aurais pas parié un dollar dessus. Mais il faut croire que le destin aime se foutre de ma gueule par...